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20/02/2025 | FRANCE | N°23BX01187

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 6ème chambre, 20 février 2025, 23BX01187


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 22 mars 2021 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 2102557 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 29 avril 2023, la Selarl Bally MJ, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société

GH Team Bordeaux, représentée par Me Grisoni, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 22 mars 2021 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 2102557 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 avril 2023, la Selarl Bally MJ, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société GH Team Bordeaux, représentée par Me Grisoni, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 mars 2023 ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de licenciement au regard de l'article L. 1235-15 du code du travail en l'absence de saisine du comité social économique (CSE) et à défaut d'établissement d'un procès-verbal de carence ; la résolution du plan de redressement et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire sans poursuite d'activité de la société GH Team Bordeaux ont été prononcées par jugement du tribunal de commerce de Bobigny le 27 janvier 2021 soit moins de quinze jours après le jugement du 14 janvier 2021 par lequel le tribunal judiciaire de Bordeaux avait annulé les élections des représentants du CSE ; or, en cas de liquidation judiciaire sans poursuite d'activité, la prise en charge par l'association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (AGS) des soldes de tout compte des salariés licenciés est conditionnée à la notification de leur licenciement dans les 15 jours suivants le jugement de liquidation judiciaire ; il n'a donc matériellement pas été possible de procéder à de nouvelles élections professionnelles avant le 10 février 2021 ; à défaut de CSE valablement élu et conformément aux dispositions des articles L. 641-1, L 641-4 du code de commerce et L. 1233-58 du code du travail, le liquidateur a procédé à l'information et à la consultation du représentant des salariés de la société le 2 février 2021 ;

- les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés : le moyen tiré d'un vice de procédure résultant de l'absence de mention de l'intégralité des mandats détenus par l'intéressée doit être écarté ; la décision de l'inspecteur du travail est suffisamment motivée ; son contrat de travail n'était pas transférable à la société Aviapartner ; l'entreprise a satisfait à son obligation de reclassement.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Bisiau, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la Selarl Bally MJ et de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- c'est à bon droit que le tribunal a accueilli le moyen tiré d'un vice de procédure au regard de l'article L. 1235-15 du code du travail en l'absence de saisine du CSE et à défaut d'établissement d'un procès-verbal de carence ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- l'inspecteur du travail n'a pas vérifié la régularité de la procédure ;

- il a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que son contrat de travail n'était pas transférable à la société Aviapartner ;

- il a commis une erreur d'appréciation en estimant que l'entreprise avait satisfait à son obligation de reclassement.

La requête a été communiquée au ministre du travail de l'emploi et de l'insertion qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 22 avril 2024, la clôture de l'instruction a été en dernier lieu fixée au 5 juin 2024 à 12 :00 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bisiau représentant Mme B... et de Me Grisoni, représentant la Selarl Bally MJ.

Considérant ce qui suit

1. Mme B... a été recrutée le 27 mars 2016, en qualité de responsable QSE, par la société GH Team Bordeaux qui exerçait une activité d'assistance en escale, de gestion de fret et d'opérations logistiques autour des métiers de l'aérien au niveau de l'aéroport de Mérignac. Elle a été élue membre du comité social économique aux élections professionnelles qui se sont déroulées aux mois d'octobre et novembre 2020. Cette élection a été annulée par un jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 14 janvier 2021 qui a ordonné la tenue de nouvelles élections. L'entreprise a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 27 janvier 2021 du tribunal de commerce de Bobigny. Mme B... bénéficiant de la protection de l'article L. 2411-1 du code du travail en raison de sa qualité de membre du comité social économique, la Selarl Bally MJ, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société GH Team Bordeaux, a sollicité l'autorisation de procéder à son licenciement pour motif économique le 10 février 2021. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 22 mars 2021 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé cette autorisation. Par un jugement du 30 mars 2023, ce tribunal a fait droit à sa demande. La Selarl Bally MJ relève appel de ce jugement dont elle demande l'annulation.

Sur le bien-fondé du moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2311-2 du code du travail : " Un comité social et économique est mis en place dans les entreprises d'au moins onze salariés ". Aux termes de l'article L. 2314-9 du même code : " Lorsque le comité social et économique n'a pas été mis en place ou renouvelé, un procès-verbal de carence est établi par l'employeur. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-28 de ce code : " L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues par le présent paragraphe.". Aux termes du I de l'article L. 1233-58 du même code : " En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. / L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues à l'article L. 2323-31 ainsi qu'aux articles : / 1° L. 1233-8, pour un licenciement collectif de moins de dix salariés ; (...)". Aux termes de l'article L. 1235-15 de ce code : " Est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité social et économique n'a pas été mis en place alors qu'elle est assujettie à cette obligation et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 641-1 du code de commerce : " (...) Un représentant des salariés est désigné dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 621-4 et à l'article L. 621-6. Il exerce la mission prévue à l'article L. 625-2. En l'absence de comité social et économique, le représentant des salariés exerce les fonctions dévolues à cette institution par les dispositions du présent titre. (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 621-1 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, en vigueur jusqu'au 1er octobre 2021 : " (...) / II. Dans le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire, le tribunal (...) désigne, en qualité de liquidateur, un mandataire judiciaire (...). / Lorsque la procédure est ouverte à l'égard d'un débiteur dont le nombre de salariés est au moins égal à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat, le tribunal sollicite les observations des institutions mentionnées à l'article L. 3253-14 du code de travail sur la désignation du liquidateur. / Un représentant des salariés est désigné dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 621-4 et à l'article L. 621-6. Il exerce la mission prévue à l'article L. 625-2. En l'absence de comité d'entreprise et de délégués du personnel, le représentant des salariés exerce les fonctions dévolues à ces institutions par les dispositions du présent titre ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 621-4 du même code dans sa rédaction applicable au litige, en vigueur jusqu'au 1e octobre 2021 : " (...) En l'absence de comité d'entreprise et de délégués du personnel, les salariés élisent leur représentant, qui exerce les fonctions dévolues à ces institutions par les dispositions du présent titre. Les modalités de désignation ou d'élection du représentant des salariés sont précisées par décret en Conseil d'Etat. Lorsque aucun représentant des salariés ne peut être désigné ou élu, un procès-verbal de carence est établi par le débiteur ". Il résulte de ces dispositions que le représentant des salariés désigné ou élu en application de l'article L. 621-4 du code de commerce dispose d'attributions limitées aux seuls actes relatifs à la procédure collective ouverte à l'égard de l'entreprise et prévus par le code de commerce.

4. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 14 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a annulé l'élection des représentants du CSE qui s'était tenue en octobre et novembre 2020 et qu'aucune nouvelle élection n'a été organisée malgré l'injonction adressée à cette fin par ce tribunal. S'il est vrai que la liquidation judiciaire de l'entreprise prononcée par un jugement du tribunal judiciaire de Bobigny le 27 janvier 2021 soit 13 jours plus tard était de nature à justifier l'impossibilité matérielle de procéder à cette élection, il est constant qu'aucun procès-verbal de carence, constatant cette impossibilité et comportant les motifs de nature à justifier cette situation, n'a été établi, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1235-15 du code du travail citées au point 2. Ainsi, la décision contestée est intervenue au terme d'une procédure irrégulière qui a privé Mme B... d'une garantie.

5. Si la Selarl Bally MJ persiste à soutenir que l'absence de CSE a été palliée par la consultation, lors de la réunion qui s'est tenue le 2 février 2021, du représentant des salariés désigné sur le fondement de l'article L.621-1 du code de commerce, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le représentant des salariés dispose d'attributions limitées aux seuls actes relatifs à la procédure collective ouverte à l'égard de l'entreprise et prévus par le code de commerce et ne saurait, par suite, être regardé comme une instance représentative du personnel au sens du code du travail pouvant se substituer au CSE.

6. Il suit de là que c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que la procédure de licenciement de Mme B... était entachée d'irrégularité au regard des dispositions de l'article L. 1235-15 du code du travail, qui sont constitutives d'une garantie pour tout salarié faisant l'objet d'un licenciement économique.

7. Il résulte de ce qui précède que la Selarl Bally MJ n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision d'autorisation de licenciement de Mme B... du 22 mars 2021.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu de mettre à la charge de la Selarl Bally MJ une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la Selarl Bally MJ demande au titre des frais liés au litige qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Selarl Bally MJ est rejetée.

Article 2 : La Selarl Bally MJ versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Selarl Bally MJ agissant en qualité de liquidateur de la société GH Team Bordeaux, à Mme A... B... et au ministre du travail de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 février 2025.

La rapporteure,

Caroline Gaillard

La présidente,

Karine Butéri

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre du travail de l'emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX01187


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01187
Date de la décision : 20/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : BISIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-20;23bx01187 ?
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