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13/02/2025 | FRANCE | N°24BX02042

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 13 février 2025, 24BX02042


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme F... G... et M. H... C... B... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les arrêtés du 16 avril 2024 par lesquels le préfet des Pyrénées-Atlantiques leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et leur a fait interdiction de retour pendant une durée d'un an.



Par un jugement n° 2401188, 2401189 en date du 24 juillet 2024, la

présidente du tribunal a annulé ces décisions.



Procédure devant la cour :



I. P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... G... et M. H... C... B... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les arrêtés du 16 avril 2024 par lesquels le préfet des Pyrénées-Atlantiques leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et leur a fait interdiction de retour pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2401188, 2401189 en date du 24 juillet 2024, la présidente du tribunal a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 23 août 2024 sous le n° 24BX02042, et un mémoire enregistré le 23 décembre 2024, le préfet des Pyrénées Atlantiques demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de Mme G... et de M. C... B....

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que ses décisions étaient entachées d'un défaut d'examen de la situation de la fille mineure des requérants, alors que la minorité de celle-ci était mentionnée dans l'arrêté du même jour concernant sa sœur ainée, majeure, et que l'absence de visa de la convention internationale des droits de l'enfant n'est pas de nature à démontrer que la situation de l'ensemble de la famille n'aurait pas été examinée ; il a mentionné dans les deux arrêtés contestés que les deux filles des requérants étaient à leur charge, que les demandes d'asile de l'ensemble de la famille avaient été rejetées, y compris celle concernant la fille mineure qui ne comportait aucune spécificité par rapport à celles des parents ;

- les décisions n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les parents de leur fille mineure ; elles ne sont pas prises sur le fondement de l'article 3-1 ; le défaut de visa de ces stipulations ne peut donc les entacher d'illégalité ;

- les autres moyens présentés en première instance doivent être rejetés pour les motifs exposés dans son mémoire devant le tribunal.

Par un mémoire enregistré le 21 novembre 2024, Mme G... et M. C... B..., représentés par Me Sanchez Rodriguez, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'intérêt supérieur de leur fille A..., née en 2014 et scolarisée en CM2, n'a pas été examiné et a été méconnu eu égard à la situation critique de la scolarisation des enfants au E..., de la violence qui règne dans ce pays et des difficultés d'accès par la population aux services essentiels ;

- la fragilité psychologique de Mme G..., traitée depuis 2023 pour un syndrome anxiodépressif nécessitant un suivi des séquelles anxieuses, n'a pas davantage été prise en considération, alors que les centres de santé vénézuéliens sont touchés par des pénuries de médicaments, que les hôpitaux psychiatriques sont les grands oubliés du système de santé, et que le prix des consultations en clinique privée n'est pas abordable pour la population locale ;

- les décisions sont insuffisamment motivées.

Par ordonnance du 22 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée

au 23 décembre 2024 à 12h 00 heures.

Un mémoire a été enregistré pour les intimés le 24 décembre 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction.

II. Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2024 sous le n° 24BX02296, le préfet des Pyrénées-Atlantiques demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 24 juillet 2024 sur le fondement de l'article R.811-15 du code de justice administrative.

Il soutient que le moyen tiré de ce que le motif d'annulation retenu par la première juge est entaché d'erreur de droit est sérieux et de nature à justifier le sursis pour les motifs exposés dans la requête n° 24BX02042.

Par un mémoire enregistré le 8 novembre 2024, Mme G... et M. C... B..., représentés par Me Sanchez Rodriguez, concluent au rejet de la requête pour les mêmes motifs que dans la requête précédente, et demandent que soit mise à la charge de l'Etat une somme

de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les observations de Me Sanchez-Rodriguez représentant Mme G... et

M. C... B...

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., ressortissante vénézuélienne née le 21 août 1985 à Caracas, est entrée en France, selon ses déclarations, le 20 mars 2023, accompagnée de ses deux filles, nées les 20 décembre 2005 et 10 mars 2014, pour y rejoindre son époux de même nationalité, M. C... B..., né le 2 juillet 1983 à Caracas, entré en France, selon ses déclarations, le 7 novembre 2022. Les demandes d'asile qu'ils ont déposées en leur nom et pour le compte de leur fille mineure ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides par des décisions du 29 septembre 2023, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile par des décisions du 14 février 2024, tout comme celle de leur fille majeure. Par des arrêtés du 16 avril 2024, le préfet des Pyrénées-Atlantiques leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le préfet relève appel du jugement du 24 juillet 2024 par lequel la présidente du tribunal administratif de Pau a annulé ces deux décisions.

Sur le bien-fondé de l'annulation :

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

3. Il ressort des décisions en litige que le préfet a pris en compte les circonstances que Mme G... et M. C... B... ont deux enfants à charge, que Mme G... est arrivée en France en 2023 accompagnée de ses deux filles, et que celles-ci ont été comme leurs parents déboutées de leurs demandes d'asile. S'il n'a mentionné la minorité de la seconde, née

en 2014, que dans une décision du même jour faisant également obligation à l'aînée, majeure, de quitter le territoire, cette circonstance n'est pas de nature à démontrer que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de la famille, y compris en ce qui concerne

la jeune A..., dont la scolarisation d'une année en école primaire n'appelait pas de commentaire particulier. Les décisions n'étant pas fondées sur l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, l'absence de visa de ces stipulations n'est pas de nature à les entacher d'irrégularité, même si ces stipulations demeurent opposables au préfet pour l'examen au fond de la légalité de ses décisions. Dans ces conditions, le préfet des Pyrénées-Atlantiques est fondé à soutenir que c'est à tort que la première juge a retenu un défaut d'examen particulier de la situation de la fille mineure des requérants pour annuler les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français.

4. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les requérants devant le tribunal et la cour.

5. En premier lieu, les éléments généraux produits sur la situation économique, sociale et sécuritaire du E... et les difficultés de scolarisation de certains enfants ne sont pas de nature à établir par eux-mêmes que la jeune A... ne serait pas en mesure de poursuivre sa scolarité au E..., voire dans un autre pays hispanophone où ses parents pourraient se rendre. Les décisions en litige n'ayant ni pour objet ni pour effet de la séparer de ses parents, le moyen tiré d'une atteinte à son intérêt supérieur protégé par l'article 3-1 précité de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut être accueilli.

6. En deuxième lieu, les décisions comportent les considérations de droit et de fait qui les fondent et ne peuvent être regardées comme insuffisamment motivées du fait qu'elles ne mentionnent ni la minorité et la scolarisation de A..., ni l'état de santé de sa mère, lequel n'avait au demeurant pas été porté à la connaissance du préfet.

7. En troisième lieu, si Mme G... fait valoir qu'elle a souffert d'un syndrome anxiodépressif pour lequel elle a été traitée depuis son arrivée en France en 2023, le certificat médical de l'équipe mobile d'accès aux soins du centre hospitalier de la Côte basque qu'elle produit, daté du 6 mai 2024 soit postérieurement à la décision attaquée, se borne à indiquer que la prise en charge a permis une stabilisation de la symptomatologie avec persistance d'une symptomatologie anxieuse séquellaire nécessitant la poursuite des soins et du traitement. Ces éléments ne révèlent pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas d'arrêt de la prise en charge, et Mme G..., qui n'a au demeurant pas sollicité un titre de séjour sur le fondement de son état de santé et ne saurait se prévaloir de ce que les soins dans son pays ne sont pas d'une " qualité équivalente " à ceux dont elle bénéficie en France, n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

8. En quatrième lieu, la situation économique et sociale au E..., pour difficile qu'elle soit, n'est pas davantage de nature à permettre de regarder les décisions du préfet comme entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

9. En cinquième lieu, les décisions portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégales, le moyen tiré par voie d'exception de leur illégalité à l'encontre des décisions fixant le délai de départ ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Atlantiques est fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement du 24 juillet 2024 a annulé ses décisions et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme G... et de M. C... B....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Les demandes de Mme G... et de M. C... B... étant rejetées, leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

12. Le présent arrêt statue sur la requête du préfet des Pyrénées-Atlantiques tendant à l'annulation du jugement attaqué. Dès lors, les conclusions à fin de de sursis à exécution du jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige :

13. Mme G... et M. C... B... étant les parties perdantes dans la présente instance, leur demande au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peut qu'être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 24 juillet 2024 est annulé.

Article 2 : Les demandes de Mme G... et de M. C... B... et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande du préfet des Pyrénées-Atlantiques tendant au sursis à l'exécution du jugement du 24 juillet 2024.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet des Pyrénées-Atlantiques, à Mme F... G..., à M. H... C... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Antoine Rives, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025

La présidente-assesseure,

Anne Meyer

La présidente, rapporteure

Catherine D...Le greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24BX02042, 24BX02296 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02042
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : SANCHEZ-RODRIGUEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;24bx02042 ?
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