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06/02/2025 | FRANCE | N°24BX01440

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 06 février 2025, 24BX01440


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une requête enregistrée le 23 juin 2023, l'association Vayres-Oradour-Défense-Environnement (VODE) a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 26 avril 2023, par lequel la préfète de la Haute-Vienne a accordé un permis de construire à la société Corsaire pour la construction d'une centrale photovoltaïque au sol sur le territoire de la commune d'Oradour-sur-Vayres.



Par un jugement n° 2301100 du 11 avril 2024, le tribunal

administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 26 avril 2023.

Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 23 juin 2023, l'association Vayres-Oradour-Défense-Environnement (VODE) a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 26 avril 2023, par lequel la préfète de la Haute-Vienne a accordé un permis de construire à la société Corsaire pour la construction d'une centrale photovoltaïque au sol sur le territoire de la commune d'Oradour-sur-Vayres.

Par un jugement n° 2301100 du 11 avril 2024, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 26 avril 2023.

Procédure devant la cour :

I./ Par une requête, enregistrée sous le n° 24BX01389 et des mémoires complémentaires, enregistrés les 6 juin et 5 septembre 2024, la société Corsaire, représentée par Me Lacroix, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2301100 du tribunal administratif de Limoges du 11 avril 2024 ;

2°) de rejeter la requête ;

3°) à titre subsidiaire, de mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 600-5 ou de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme aux fins de régularisation du permis de construire ;

4°) de mettre à la charge de l'association Vayres-Oradour-Défense-Environnement le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de première instance est irrecevable faute d'intérêt et de qualité pour agir ; l'association requérante ne produit pas le récépissé attestant de la déclaration de ses statuts en préfecture et n'est pas valablement représentée par M. A... ; s'agissant de l'organe " habilitant ", c'est à tort que le jugement a retenu le compte-rendu d'une délibération du 19 juin 2023 ; pour avoir pris en compte des documents justificatifs produits par l'association postérieurement à la clôture d'instruction, le jugement est irrégulier ;

- s'agissant du motif d'annulation, le jugement a refusé d'appliquer l'article 9 du règlement des dispositions générales du plan local d'urbanisme (PLU), parfaitement clair et explicite, auquel il a entendu lui substituer une interprétation ne ressortant en rien de ces dispositions, mais uniquement liée à une vocation de la zone, selon le rapport de présentation du PLU ;

- l'interprétation ainsi retenue est mal fondée, le rapport de présentation, comme le plan d'aménagement et de développement durable (PADD), ne sont pas des documents normatifs du PLU, et ne peuvent comporter aucune règle, prescription ni servitude d'urbanisme, opposable aux tiers et applicable aux demandes d'autorisations d'urbanisme ; la vocation à projet touristique de la zone 2AUG n'apparait dans aucune disposition du règlement du PLU ;

- le projet de centrale photovoltaïque doit être considéré comme relevant des " ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement des services publics ou d'intérêt collectif " ;

- à titre subsidiaire, le projet d'équipement d'intérêt collectif autorisé par le permis de construire ne remet en cause ni la vocation de la zone, ni la faisabilité d'un projet touristique de golf, l'occupation du sol générée par la centrale solaire reste limitée, en l'absence d'artificialisation du sol et au regard du caractère réversible de cette occupation ;

- le permis de construire participe à une mise en valeur touristique, conforme à cette vocation de la zone 2AUG ;

- à titre infiniment subsidiaire, sur la régularisation, le jugement est entaché d'irrégularité, en ce qu'il n'est en rien motivé ;

- sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, le projet peut être modifié, pour être inscrit davantage dans une vocation touristique, en intégrant des éléments supplémentaires de mise en valeur touristique ;

- les autres moyens soulevés par l'association requérante en première instance ont été écartés à bon droit par le jugement.

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 juillet et 9 octobre 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'association Vayres-Oradour-Défense-Environnement (VODE), représentée par Me Granger, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'annuler le permis de construire ;

3°) d'infirmer le jugement attaqué du tribunal administratif de Limoges en ce qu'il n'a pas retenu les autres moyens soulevés devant lui ;

4°) de mettre à la charge de la société Corsaire et de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle justifie de son intérêt pour agir en vertu de ses statuts et de la qualité pour agir de son président, régulièrement habilité ;

- la production de justificatifs complémentaires postérieurement à la date de clôture d'instruction demeure une circonstance indifférente, puisqu'elle n'a fait que répondre à une demande de pièces formée par le tribunal dans le respect du délai imparti de 15 jours ;

- elle justifie d'un intérêt à contester la légalité de la décision administrative ;

- l'appel formé par le ministre le 12 juin 2024 est irrecevable pour cause de tardiveté ;

- le jugement est suffisamment motivé ;

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;

- le permis de construire est insuffisamment motivé ;

- l'étude d'impact est insuffisante ; aucune estimation des dépenses liées aux mesures éviter-réduire-compenser (ERC) n'a été réalisée ; l'étude d'impact est fondée sur des inventaires faunistiques désuets ; aucune solution alternative n'a été envisagée ; l'impact du projet sur le tourisme a été mésestimé ; l'étude d'impact est lacunaire quant au volet paysager ; ces lacunes ont nui à l'information complète du public et ont exercé une influence sur la décision de l'autorité administrative, en la conduisant à sous-estimer l'importance des conséquences du projet sur l'environnement et sur la commodité du voisinage ;

- plusieurs espèces protégées sont directement menacées par le projet : le sonneur à ventre jaune, la rainette arboricole, le triton marbré, le campagnol amphibie, l'écureuil roux, le cuivré des marais, le damier de la succise ; compte tenu des impacts du projet sur la faune et son habitat, ce cortège d'espèces protégées justifie à lui seul la nécessité pour le porteur du projet de solliciter une dérogation à la destruction de leurs habitats ou des spécimens eux-mêmes ;

- le principe d'urbanisation limitée a été méconnu au regard de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme et alors que la commune d'Oradour-sur-Vayres n'est pas couverte par un schéma de cohérence territoriale (SCoT) ; pour ce motif, la commune ne peut mettre en œuvre les dispositions prospectives de son PLU ;

- les mesures ERC sont insuffisantes en méconnaissance de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme ;

- le projet porte une atteinte excessive à l'intérêt des lieux avoisinants ; il contrevient directement à toutes les protections majeures érigées par le plan d'aménagement et de développement durable (PADD) du PLU applicable ; la préfète de la Haute-Vienne a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire litigieux a été délivré sous le régime d'un document d'urbanisme illégal en ce qu'il classe le terrain d'assiette du projet en secteur 2AUG ; le terrain d'assiette du projet aurait dû être maintenu en zone agricole A ;

- le projet est incompatible avec le maintien d'une activité agricole significative ;

- le projet ne peut faire l'objet d'une régularisation ; les règles d'urbanisme en vigueur ne permettent aucune mesure de régularisation compte tenu de la méconnaissance des articles 1 et 2 du PLU en zone AU, secteur 2AUG ; toute régularisation est vaine puisqu'elle engendrerait nécessairement un bouleversement de la nature du projet.

La requête a été communiquée le 18 juin 2024 au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Par ordonnance du 9 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 9 octobre 2024 à 12h00.

II./ Par une requête, enregistrée sous le numéro 24BX01440 le 12 juin 2024, et un mémoire complémentaire enregistré le 18 juillet 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour d'annuler le jugement n° 2301100 du 11 avril 2024 du tribunal administratif de Limoges.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Limoges a insuffisamment motivé son jugement, faute de préciser suffisamment dans quelle mesure la réalisation du projet photovoltaïque litigieux empêcherait la réalisation du projet touristique ;

- la superficie du projet n'est pas de nature à remettre en cause ce projet, développé sur le territoire de deux communes ;

- il a jugé à tort que le permis de construire en litige a été délivré en méconnaissance des dispositions du règlement applicable du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune d'Oradour-sur-Vayres ; le projet photovoltaïque litigieux a été explicitement autorisé par le permis de construire du 26 avril 2023 en application de l'article 9 " ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement des services publics ou d'intérêt collectif", figurant dans les " dispositions générales " du règlement du PLU ; le tribunal a écarté à tort l'application de l'article 9 qui s'appliquait à toutes les zones, y compris à la zone 2AUG ; les premiers juges n'ont pas pris suffisamment en considération le caractère éventuel du projet touristique.

La requête a été communiquée le 17 juin 2024 à la société Corsaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 juillet 2024, l'association Vayres-Oradour-Défense-Environnement (VODE), représentée par Me Granger, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'annuler le permis de construire ;

3°) d'infirmer le jugement attaqué du tribunal administratif de Limoges en ce qu'il n'a pas retenu les autres moyens soulevés devant lui ;

4°) de mettre à la charge de la société Corsaire et de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle a justifié de son intérêt pour agir en application de ses statuts et de la qualité pour agir de son président, régulièrement habilité ;

- la production de justificatifs complémentaires postérieurement à la date de clôture d'instruction demeure une circonstance indifférente, puisqu'elle n'a fait que répondre à une demande de pièces formée par le tribunal dans le respect du délai de 15 jours imparti ;

- elle justifie d'un intérêt à contester la légalité de la décision administrative ;

- l'appel formé par le ministre le 12 juin 2024 est irrecevable pour cause de tardiveté ;

- le jugement est suffisamment motivé ;

- les moyens soulevés par la société pétitionnaire ne sont pas fondés ;

- le permis de construire est insuffisamment motivé ;

- l'étude d'impact est insuffisante ; aucune estimation des dépenses liées aux mesures éviter-réduire-compenser (ERC) n'a été réalisée ; l'étude d'impact est fondée sur des inventaires faunistiques désuets ; aucune solution alternative n'a été envisagée ; l'impact du projet sur le tourisme a été mésestimé ; l'étude d'impact est lacunaire quant au volet paysager ; ces lacunes ont nui à l'information complète du public et a exercé une influence sur la décision de l'autorité administrative, en la conduisant à sous-estimer l'importance des conséquences du projet sur l'environnement et sur la commodité du voisinage ;

- plusieurs espèces protégées sont directement menacées par le projet : le sonneur à ventre jaune, la rainette arboricole, le triton marbré, le campagnol amphibie, l'écureuil roux, le cuivré des marais, le damier de la succise ; compte tenu des impacts du projet sur la faune et son habitat, ce cortège d'espèces protégées justifie à lui seul la nécessité pour le porteur du projet de solliciter une dérogation à la destruction de leurs habitats et des espèces ;

- le principe d'urbanisation limitée a été méconnu au regard de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme et alors que la commune d'Oradour-sur-Vayres n'est pas couverte par un schéma de cohérence territoriale (SCoT) ; pour ce motif, la commune ne peut mettre en œuvre les dispositions prospectives de son PLU ;

- les mesures ERC sont insuffisantes, en méconnaissance de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme ;

- le projet porte une atteinte excessive à l'intérêt des lieux avoisinants ; il contrevient directement à toutes les protections majeures érigées par le PADD du PLU applicable ; la préfète de la Haute-Vienne a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire litigieux a été délivré sous le régime d'un document d'urbanisme illégal en ce qu'il classe le terrain d'assiette du projet en secteur 2AUG ; le terrain d'assiette du projet aurait dû être maintenu en zone agricole A ;

- le projet est incompatible avec le maintien d'une activité agricole significative ;

- le projet ne peut faire l'objet d'une régularisation ; les règles d'urbanisme en vigueur ne la permettent pas compte tenu de la méconnaissance des articles 1 et 2 du PLU en zone AU, secteur 2AUG ; toute régularisation engendrerait un bouleversement de la nature du projet.

Par ordonnance du 30 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 16 septembre 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Martin,

- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ollier, représentant la société Corsaire, et de Me Granger, représentant l'association Vayres Oradour Défense Environnement.

Une note en délibéré présentée par la société Corsaire a été enregistrée le 21 janvier 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 26 avril 2023, la préfète de la Haute-Vienne a accordé à la société Corsaire un permis de construire en vue de la création d'un parc photovoltaïque sur un terrain situé sur le territoire de la commune d'Oradour-sur-Vayres. Par un jugement du 11 avril 2024, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 26 avril 2023. Par deux requêtes enregistrées respectivement sous les numéros 24BX01389 et 24BX01440, qu'il convient de joindre, la société Corsaire et le ministre chargé de la transition écologique relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. /(...) La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7 ". Aux termes de ce dernier article : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué./Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsqu'il est fait application des dispositions des articles R. 122-12, R. 222-1, R. 611-8 ou L. 822-1. ".

3. L'association Vayres Oradour Défense Environnement (VODE) était recevable à produire jusqu'à la clôture de l'instruction la délibération de son assemblée générale habilitant son président à former, au nom de l'association, un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal pour contester le permis de construire du 26 avril 2023, en réponse à la fin de non-recevoir opposée en défense par la société Corsaire dans son mémoire enregistré le 31 juillet 2023. Il est constant que l'association VODE n'a produit aucune délibération à la clôture d'instruction prononcée le 25 janvier 2024. Toutefois, en réponse à l'invitation à régulariser sa requête adressée par le tribunal administratif sur le fondement de l'article R. 612-1 du code de justice administrative le 21 février 2024, postérieurement à la clôture d'instruction, l'association a produit les 22 et 27 février 2024, dans le délai imparti par le tribunal, deux délibérations de son assemblée générale habilitant le président à agir en justice pour contester l'arrêté contesté. La société Corsaire a reçu communication de ces pièces les 23 et 28 février 2024. Par suite, le moyen tiré ce que le jugement attaqué est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

5. D'une part, le tribunal a estimé aux points 26 à 28 du jugement, que le moyen tiré de la méconnaissance des articles 1 et 2 du règlement applicable à la zone 2AUG du plan local d'urbanisme de la commune était fondé au motif que l'implantation de l'ouvrage d'intérêt collectif en litige, sur une surface clôturée de 41,5 hectares, était de nature, par son occupation du sol, à remettre en cause la vocation générale de la zone 2AUG, au regard des dispositions applicables des articles L. 151-2 et L. 151-4 du code de l'urbanisme, ainsi que du rapport de présentation et du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Oradour-sur-Vayres modifié le 16 octobre 2018. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de reprendre tous les arguments avancés par les parties, a ainsi exposé de manière suffisante les motifs qui l'ont conduit à retenir le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme de la commune applicables en secteur 2AUG.

6. D'autre part, la société Corsaire fait grief au tribunal de ne pas avoir donné les raisons de son refus de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsqu'un vice affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, est susceptible d'être régularisé, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Les premiers juges, en relevant au point 37 que " l'illégalité (...) qui tient à la méconnaissance des articles 1 et 2 du règlement applicable à la zone 2AUG du plan local d'urbanisme de la commune d'Oradour-sur-Vayres, constitue un vice entachant d'illégalité l'arrêté en litige. Ce vice n'apparaît pas pouvoir faire l'objet d'un permis de régularisation compte tenu des dispositions du plan local d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le tribunal statue " ont suffisamment précisé la raison pour laquelle ils n'ont pas fait droit aux conclusions subsidiaires de la société Corsaire. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement, pris en ses deux branches, doit, par suite, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir soulevée par la société Corsaire :

7. En l'absence, dans les statuts d'une association, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association. Une habilitation à représenter une association ou un syndicat dans les actes de la vie civile doit être regardée comme habilitant à le représenter en justice. Dans le silence desdits statuts sur ce point, l'action ne peut être régulièrement engagée que par l'assemblée générale.

8. Il ressort des pièces du dossier que les statuts de l'association VODE, adoptés le 10 mai 2016, ne précisent pas l'organe ayant qualité pour la représenter en justice. L'association a produit devant le tribunal la délibération de son assemblée générale en date du 19 juin 2023 donnant délégation à son président M. A... pour agir en justice contre l'arrêté du 26 avril 2023 de la préfète de la Haute-Vienne. Si la société appelante conteste l'adoption de la délibération au motif qu'elle a été prise à " 19 voix contre 19 ", il ressort toutefois sans aucune ambiguïté, notamment de la liste d'émargement produite, qu'une telle mention relève d'une erreur de plume et que les 19 membres présents ont voté à main levée pour engager l'action en justice contre le permis de construire délivré à la société Corsaire. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été désigné président de l'association à compter du 29 janvier 2023. Dans ces conditions, la demande présentée par l'association VODE était recevable.

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Limoges :

9. Aux termes de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme comprend : / 1° Un rapport de présentation ; / 2° Un projet d'aménagement et de développement durables ; / 3° Des orientations d'aménagement et de programmation ; / 4° Un règlement ; / 5° Des annexes. (...) ". Aux termes de l'article L. 152-1 du même code : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. (...) ".

10. D'une part, selon l'article 3 du titre 1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Oradour-sur-Vayres, modifié le 16 octobre 2018, éclairé par le rapport de présentation, la zone 2AUG, dénommée 1AUG par une erreur de plume, correspond à une réserve foncière destinée à accueillir un projet touristique. Le même article subordonne l'ouverture effective à l'urbanisation des secteurs classés en 2AU à une adaptation réglementaire du PLU par modification, révision simplifiée, révision ou mise en compatibilité en vue de leur reclassement en zone immédiatement constructible. D'autre part, les dispositions générales au titre 1er du même règlement, applicables à toutes les zones, comportent un article 9, selon lequel : " Sous réserve des règles énoncées par les servitudes d'utilité publique, les ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement des services publics ou d'intérêt collectif sont autorisés dans toutes les zones dans la mesure où ils ne portent pas atteinte au caractère des lieux avoisinants. Ces ouvrages seront réalisés, dans le cadre des contraintes techniques qui les concernent, de manière à réduire au minimum les nuisances et les risques pour le voisinage et à optimiser au maximum leur insertion dans le contexte bâti existant ou les espaces naturels environnants ". Enfin, l'article 2 du titre 2 de ce règlement, relatif aux prescriptions communes à toutes les zones indique que " l'ensemble des occupations et utilisations du sol autorisées doivent respecter la vocation de chacune des zones ".

11. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige a pour objet la réalisation d'une centrale photovoltaïque au sol, pour une puissance installée de 29,7 mega watt-crêtes, sur une surface de 41, 5 hectares, répartie en trois zones clôturées, dont 30,4 hectares seront aménagés. Prévu sur une durée de trente ans, il se compose de 49 416 panneaux solaires répartis sur 1 078 tables, fixées au sol et nécessite la mise en place d'installations techniques : 99 onduleurs implantés sous les structures photovoltaïques, 9 postes de transformation d'une surface chacun de 15,37 m² implantés sur site et de 2 postes de livraison, d'une surface chacun de 10,5 m², implantés en limite de propriété. Cette centrale photovoltaïque, contribuant à la satisfaction d'un intérêt collectif, constitue une construction ou une installation nécessaire à des équipements collectifs ou à des services publics au sens de l'article 9 du PLU, qui peut être autorisée dans les zones dans lesquelles sont interdites toutes occupations et utilisations du sol. Toutefois, la surface clôturée du projet représentant 60,5 % de la surface de la zone 2AUG de 68,57 hectares, le projet, par son étendue, sa durée et ses caractéristiques, doit être regardé comme portant atteinte à la vocation touristique de la zone telle qu'elle est définie par l'article 3 du règlement du PLU en vigueur à la date de la décision attaquée, alors même que l'aménagement initialement prévu à cette fin a été ultérieurement abandonné. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Limoges a jugé que le permis de construire en litige méconnaissait les articles 1er et 2 du titre 2 du règlement applicable à la zone 2AUG du plan local d'urbanisme de la commune.

En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

12. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

13. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

14. La société Corsaire soutient être en mesure, sans remettre en cause sa nature, de modifier le projet pour l'inscrire dans la vocation touristique de la zone 2AUG. Toutefois, compte tenu de ce qui a été énoncé au point 11, compte tenu des caractéristiques du projet de centrale photovoltaïque, au regard de son volume, de sa durée, de son étendue et des mesures de sécurité qu'il nécessite, précisées d'ailleurs aux points 2.3 et 2.4 de l'étude d'impact, il n'apparaît pas, en l'état actuel des dispositions locales d'urbanisme applicables à la date du présent arrêt, que le vice analysé au point 11 serait susceptible d'être régularisé par la délivrance d'un permis de construire modificatif.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée dans la requête n° 24BX01440, que la société Corsaire et le ministre chargé de la transition écologique ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 26 avril 2023 de la préfète de la Haute-Vienne délivrant un permis de construire une centrale photovoltaïque.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association VODE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société Corsaire au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de la société Corsaire et de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'association VODE et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes nos 24BX01389 et 24BX1440 sont rejetées.

Article 2 : La société Corsaire et l'Etat verseront solidairement à l'association VODE une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Corsaire, à l'association Vayres Oradour Défense Environnement (VODE) et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera communiquée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2025.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLe président,

Luc Derepas La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne à la ministre de la transition, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 24BX01389, 24BX01440


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01440
Date de la décision : 06/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : GRANGER;GRANGER;GRANGER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-06;24bx01440 ?
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