Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté n°0167-2020 du 10 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Salles a procédé au retrait de l'arrêté n°0065-2020 du 12 mars 2020 lui accordant le bénéfice de la protection fonctionnelle.
Par un jugement n° 2004176 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 10 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Salles a procédé au retrait de l'arrêté du 12 mars 2020.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 janvier 2023, la commune de Salles, représentée par Me Me Parier et Me Baudiffier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 novembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté annulé comporte une motivation suffisante ;
- M. A... n'était pas directeur général des services et il n'était ainsi pas certain que la mention " D.G.Sexuel " fasse référence à lui ;
- les affiches portant la mention incriminée ont été immédiatement retirées et n'ont ainsi eu aucun impact ;
- la référence à des abus sexuels est nécessairement, en raison de leur nature sexuelle, déconnectée des fonctions de M. A... ;
- le but de la demande de protection fonctionnelle relevait d'une volonté de régler des différends personnels ;
- l'attaque subie par M. A... renvoyait à une faute détachable du service car en lien avec sa condamnation pour des faits de harcèlement moral devant le tribunal correctionnel de Bordeaux et la Cour d'appel de Bordeaux ;
- la demande de protection fonctionnelle aurait pu être refusée sur le fondement de l'intérêt général dès lors que les sommes liées aux nombreuses demandes de protection fonctionnelle de M. A... grevaient trop significativement les deniers publics.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2024, M. B... A..., représenté par Me Rainaud, conclut au rejet de la requête et à ce que la commune de Salles soit condamnée à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Clémentine Voillemot ;
- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public ;
- et les observations de Me Picard, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., exerçant les fonctions de responsable de l'administration générale jusqu'au 20 juillet 2020, a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle après avoir déposé plainte le 5 mars 2020 à raison de l'apposition de la mention " D.G.Sexuel " sur des affiches électorales. Par un arrêté du 12 mars 2020, la protection fonctionnelle lui a été accordée. Par un arrêté du 10 juillet 2020, la décision lui accordant la protection fonctionnelle a été retirée. M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de l'arrêté du 10 juillet 2020. La commune de Salles relève appel du jugement du 24 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 10 juillet 2020.
2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. / II.- Sauf en cas de faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la responsabilité civile du fonctionnaire ne peut être engagée par un tiers devant les juridictions judiciaires pour une faute commise dans l'exercice de ses fonctions (...) IV .-La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / Lorsqu'elle est informée, par quelque moyen que ce soit, de l'existence d'un risque manifeste d'atteinte grave à l'intégrité physique du fonctionnaire, la collectivité publique prend, sans délai et à titre conservatoire, les mesures d'urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l'aggravation des dommages directement causés par ces faits. Ces mesures sont mises en œuvre pendant la durée strictement nécessaire à la cessation du risque. / V.- La protection peut être accordée, sur leur demande, au conjoint, au concubin, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité au fonctionnaire, à ses enfants et à ses ascendants directs pour les instances civiles ou pénales qu'ils engagent contre les auteurs d'atteintes volontaires à l'intégrité de la personne dont ils sont eux-mêmes victimes du fait des fonctions exercées par le fonctionnaire (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général.
3. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".
4. En premier lieu, pour retirer l'arrêté du 12 mars 2020, la commune de Salles s'est fondée sur le fait que M. A... n'occupait pas les fonctions de directeur général des services (DGS) et n'était donc pas visé par la dégradation des affiches de campagne électorale. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A..., responsable de l'administration générale, était identifié au sein de la commune comme directeur général des services et occupait les fonctions associées à un tel poste, comme le relève notamment le rapport définitif de la chambre régionale des comptes. En outre, il est constant qu'aucun autre agent communal n'était susceptible d'être qualifié de directeur général des services et n'occupait des fonctions équivalentes. Dans ces circonstances, M. A... devait être regardé comme étant visé par la dégradation des affichages de campagne électorale. En outre, alors même que ces affiches auraient été retirées sans délai, il n'est cependant pas contesté qu'elles ont été visibles dans la matinée du 5 mars 2020, notamment par M. A..., directement concerné par la dégradation des affiches. Par conséquent, la commune de Salles ne pouvait légalement se fonder sur le motif énoncé dans l'arrêté du 10 juillet 2020 pour procéder au retrait de la décision accordant la protection fonctionnelle du 12 mars 2020.
5. D'autre part, la commune de Salles fait valoir dans ses écritures que le but de la demande de protection fonctionnelle demandée par M. A... relève d'une volonté de régler des différends personnels. Cependant, cet élément ne ressort pas des pièces du dossier alors que la dégradation de l'affiche le vise précisément en sa qualité de directeur des services et est donc en lien avec ses fonctions. Si la mention portée sur les affiches comporte le terme sexuel, cette circonstance ne permet pas d'exclure que cette annotation se rapporte aux fonctions exercées par M. A.... La circonstance que l'intéressé a fait l'objet d'une condamnation pour harcèlement moral à l'encontre d'un agent de la commune ne suffit pas à établir que la demande de protection fonctionnelle, déposée le 5 mars 2020, après la découverte d'affiches électorales comportant une inscription le mettant personnellement en cause, reposerait sur une volonté de régler des différends personnels.
6. En second lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
7. Il ne ressort d'aucun texte ni d'aucun principe qu'une collectivité publique pourrait limiter a priori le montant des remboursements alloués à l'agent bénéficiaire de la protection fonctionnelle. Ce montant est calculé au regard des pièces et des justificatifs produits et de l'utilité des actes ainsi tarifés dans le cadre de la procédure judiciaire. L'administration peut toutefois décider, sous le contrôle du juge, de ne rembourser à son agent qu'une partie seulement des frais engagés lorsque le montant des honoraires réglés apparaît manifestement excessif au regard, notamment, des pratiques tarifaires généralement observées dans la profession, des prestations effectivement accomplies par le conseil pour le compte de son client ou encore de l'absence de complexité particulière du dossier.
8. Il est constant que M. A... a bénéficié de plusieurs décisions lui accordant la protection fonctionnelle et qu'à ce titre, une somme de 62 500 euros hors taxe a été engagée par la commune de Salles. Si la commune peut refuser de prendre en charge le remboursement de frais jugés excessifs et prendre les mesures qu'elle estime appropriées pour défendre son agent, elle ne peut a priori refuser de limiter le montant des remboursements ni, a fortiori, refuser ou retirer une décision de protection fonctionnelle en faisant valoir que les sommes engagées dans le cadre des différentes décisions d'octroi de protection fonctionnelle grèveraient trop significativement les deniers publics. Cette circonstance, au demeurant non établie en l'espèce, ne constitue pas, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, un motif d'intérêt général permettant de refuser et donc de retirer le bénéfice de la protection fonctionnelle. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conséquences financières de l'arrêté du 12 mars 2020 accordant la protection fonctionnelle après le dépôt de plainte de M. A... pour assurer sa protection devant les juridictions, seraient excessives, injustifiées ou disproportionnées, notamment au regard des modalités de la prise en charge des frais détaillées et limitées à l'article 2 de cet arrêté.
9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Salles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 10 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Salles a procédé au retrait de l'arrêté du 12 mars 2020.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Salles, partie perdante dans la présente instance, une somme de 500 euros à verser à M. A....
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune de Salles au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Salles est rejetée.
Article 2 : La commune de Salles versera à M. A... la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Salles et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.
La rapporteure,
Clémentine Voillemot
La présidente,
Fabienne Zuccarello
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX00191 2