Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 mars 2024 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2402226 du 22 mai 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 juin 2024, M. A..., représenté par Me Djossou, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 mai 2024 ainsi que l'arrêté préfectoral du 4 mars 2024 ;
3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Gironde, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une attestation de demande d'asile ;
4°) à titre subsidiaire, de suspendre l'arrêté en litige dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur sa demande de réexamen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas tenu compte du moyen qu'il avait invoqué dans son mémoire complémentaire, tiré du défaut de justification de la date de lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice d'incompétence de son signataire ;
- il est entaché d'un défaut de motivation en droit et en fait ;
- il a été pris au terme d'une méconnaissance du principe du contradictoire dès lors que l'intéressé n'a pu présenter ses observations, en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- il est entaché d'une erreur de fait au regard de la date de la décision de la Cour nationale du droit d'asile contenue sur la fiche Telemopfra ;
- il méconnait l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il avait le droit de se maintenir jusqu'à ce que la CNDA ait statué et qu'il n'est pas justifié de la date de lecture en audience publique de la décision de la Cour ; son recours contre le rejet de sa demande de réexamen est toujours pendant devant la Cour nationale du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et professionnelle ;
- il méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'il confirme les éléments de fait et de droit qui ont conduit le tribunal administratif à rendre son jugement.
Par une décision n° 2024/001883 du 13 août 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par un courrier du 18 décembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'il n'appartient pas au juge du fond de suspendre l'exécution des décisions dont il lui est demandé l'annulation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant turc né le 1er septembre 1990, déclare être entré sur le territoire français le 14 septembre 2022. Le 19 septembre 2022, il a sollicité le bénéfice de l'asile. Sa demande a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 juillet 2023, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 14 décembre 2023. M. A... a introduit une demande de réexamen de sa demande d'asile le 20 mars 2024 qui a été rejetée comme étant irrecevable par l'Office, statuant en procédure accélérée, par décision du 27 mars 2024. Par un arrêté du 4 mars 2024, le préfet de la Gironde a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 22 mai 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 13 août 2024. Par suite, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin de suspension :
3. Il n'appartient pas au juge du fond de suspendre l'exécution des décisions dont il lui est demandé l'annulation. Ces conclusions doivent dès lors être rejetées.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Contrairement à ce que soutient M. A..., la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de son droit au maintien en France dans le cadre de sa demande d'asile, en estimant que, par application de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile portant dérogation à l'article L. 542-1 du même code, ce droit avait pris fin du fait de la décision de l'OFPRA du 27 mars 2024, rejetant sa demande de réexamen pour irrecevabilité. Par suite, à le supposer soulevé, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché à ce titre d'une omission à statuer doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. En premier lieu, M. A... reprend en appel, dans des termes identiques et sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué, de son insuffisance de motivation et de la méconnaissance de son droit d'être entendu. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la signature de celle-ci. (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la fiche TelemOfpra produite en défense, que par une décision du 14 décembre 2023 notifiée le 20 décembre suivant, la CNDA a rejeté le recours de M. A... formé contre la décision de l'OFPRA portant rejet de sa demande d'asile. Il s'ensuit que, par application de l'article L. 542-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'intéressé a perdu le droit de se maintenir sur le territoire français à compter de cette date et que le préfet pouvait dès lors prendre légalement à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire français. La circonstance que postérieurement à cette décision, M. A... ait fait une demande de réexamen de sa demande d'asile est sans incidence sur sa légalité, qui s'apprécie à la date de son édiction. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait encore disposé du droit à se maintenir en France par application des dispositions citées au point précédent à la date de l'arrêté attaqué du 4 mars 2024.
8. En troisième lieu, si M. A... soutient qu'il a fourni de nombreux efforts depuis son arrivée en France pour s'intégrer et invoque sa situation professionnelle, il n'apporte aucun élément de nature à étayer ses dires. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
10. M. A... soutient qu'il encourrait des risques, en cas de retour dans son pays d'origine, du fait des opinions politiques qu'on lui impute. Toutefois, l'intéressé, dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et la CNDA et dont la demande de réexamen a également été rejetée par l'Office, ne fait état d'aucun élément dont il ne se serait pas déjà prévalu devant ces autorités permettant d'établir, de manière plausible, la réalité et l'actualité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour en Turquie. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué contreviendrait aux stipulations citées au point précédent.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinea 2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. A... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
La rapporteure,
Béatrice Molina-Andréo
La présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01529