Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 7 juillet 2023, 23 mai et 27 août 2024 M. F... A..., l'association Apache, M. C... G... et Marie-Claire Coët, Mme H... I... et M. E... et Mme D... B..., représentés par Me Echezar, demandent à la cour :
1°) d'annuler la décision du 8 mars 2023 par laquelle le préfet de la Vienne prend acte de la modification du modèle d'éoliennes pour le parc éolien " Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye " situé sur le territoire de la commune de Nueil-sous-Faye ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- le dossier de porter à connaissance est entaché d'une insuffisance n'ayant pas permis au préfet d'apprécier l'incidence acoustique du changement de modèle des installations en cause ; à ce titre, l'expert acoustique qu'ils ont mandaté a relevé que l'étude acoustique produite par le pétitionnaire présente de nombreuses lacunes et a pour effet de minimiser l'impact acoustique des éoliennes ; en aucun cas le pétitionnaire ne démontre avoir suivi la norme NFS 31-010, qui est la seule pertinente ; par une décision du 8 mars 2024, req. n° 465036, le Conseil d'Etat a annulé l'ensemble des éléments de la réglementation en lien avec le protocole de mesure de l'impact acoustique des parcs éoliens sur la base duquel l'étude acoustique réalisée dans le cadre du porter à connaissance a été réalisée ; s'il était considéré que les dispositions antérieures de l'article 28 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production de l'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent se retrouvent applicables du fait de cette annulation, ces dispositions sont tout autant illégales à défaut pour elles d'avoir été précédées d'une évaluation environnementale ; les dispositions de l'article 29 de ce même arrêté sont également illégales, dès lors qu'elles visent à exclure les éoliennes de l'application de la norme NFS 31-010, qui est le seul encadrant existant à la suite de la décision du Conseil d'Etat ;
- en l'absence de plan de bridage, la décision attaquée comporte des prescriptions insuffisantes pour prévenir les atteintes à la commodité du voisinage, au regard des nuisances sonores causées par le changement de modèle des installations en cause.
Par des mémoires enregistrés les 3 juillet et 4 septembre 2024, la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye, représentée par Me Gelas, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, que l'arrêté attaqué soit assorti en tant que de besoin des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ou, à défaut, qu'il soit enjoint au préfet de la Vienne d'assortir l'autorisation en cause des prescriptions nécessaires ou, à défaut, qu'il soit sursis à statuer en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement pendant le temps nécessaire à l'instruction d'une demande d'autorisation modificative, et demande, en tout état de cause, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable faute d'intérêt à agir des requérants personnes physiques d'une part, et de l'association Apache d'autre part ;
- à titre subsidiaire, les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,
- et les observations de Me Echezar, représentant M. F... A... et autres et de Me Gelas, représentant de la société en nom collectif (SNC) Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye.
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 décembre 2013, la société en nom collectif (SNC) Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye a demandé un permis de construire et une autorisation d'exploitation relatifs à un parc éolien comportant quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Nueil-sous-Faye. Par jugement du 29 novembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le refus implicitement opposé à la demande de permis de construire par le préfet de la Vienne, a accordé l'autorisation d'exploitation et a enjoint à ce dernier de délivrer le permis sollicité. Le 25 janvier 2018, le permis de construire a été délivré. Par arrêt du 4 février 2020, la cour a rejeté l'appel formé contre ce jugement. Par une décision du 1er juin 2022, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi en cassation formé contre l'arrêt de la cour. Les recours de l'association Apache et autres opposants au projet contre le permis de construire du 25 janvier 2018 ont été rejetés par le tribunal administratif de Poitiers le 3 octobre 2019 et par la cour le 6 juillet 2021 et par décision du 19 juillet 2022, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt de la cour du 6 juillet 2021. Par un autre jugement du 29 novembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a également annulé le refus d'autorisation d'exploiter qui avait été opposé par le préfet de la Vienne à la société pétitionnaire le 2 décembre 2015 et a délivré l'autorisation sollicitée. La cour, par arrêt du 4 février 2020, a rejeté l'appel dirigé contre ce jugement et par décision du 1er juin 2022, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt. Le 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a par ailleurs rejeté la demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 25 avril 2018 fixant les prescriptions applicables à l'installation. Par arrêt du 6 juillet 2021, la cour a rejeté l'appel formé contre ce jugement et le 19 juillet 2022, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi dirigé contre l'arrêt de la cour du 6 juillet 2021. A la suite de la transmission au préfet de la Vienne d'un dossier de porter à connaissance l'informant du changement de modèle d'aérogénérateur en raison de l'arrêt définitif du modèle GE 120 initialement prévu, la préfète de la Vienne a, par un arrêté modificatif du 25 avril 2020, autorisé la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye à exploiter le parc éolien projeté en fixant de nouvelles prescriptions. Cet arrêté ayant toutefois été annulé par un arrêt de la cour du 6 juillet 2021, la société a, le 14 décembre 2022, déposé un nouveau dossier de porter à connaissance. Par une décision du 8 mars 2023, le préfet de la Vienne prend acte de la modification du modèle d'éoliennes pour le parc éolien " Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye " et demande d'appliquer les prescriptions de l'arrêté du 25 avril 2018. Par la présente requête, M. F... A..., l'association Apache, M. C... G... et Marie-Claire Coët, Mme H... I... et M. E... et Mme D... B... demandent l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
3. Le 14 décembre 2022, la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye a informé le préfet de la Vienne de son intention de ne pas installer le modèle d'aérogénérateurs GE120 initialement prévu en raison de l'arrêt de sa production par General Electric, et de le remplacer par le modèle fabriqué par Nordex, N 117. Le dossier de porter à connaissance comprend à ce titre une étude d'impact acoustique en date du 14 décembre 2022 venant en complément du rapport d'étude d'impact initialement réalisé le 17 décembre 2013 et comportant une mise à jour des calculs d'impact acoustique, effectuée à partir des caractéristiques du nouveau modèle d'aérogénérateurs envisagé. Il résulte de l'instruction que le complément d'étude d'impact acoustique du 14 décembre 2022 a été réalisé sur la base d'une campagne de mesures de bruit de l'état initial menée du 17 juin au 1er juillet 2013, par référence à la norme NFS 31-114, et en conformité au protocole de mesure acoustique des parcs éoliens terrestres.
4. D'une part, les requérants soutiennent que la norme NFS 31-114 n'étant jamais entrée en vigueur, la norme NF S 31-010 aurait dû être retenue par le bureau d'études et que par une décision n° 465036 du 8 mars 2024, le Conseil d'Etat a annulé l'article 14 de l'arrêté du 10 décembre 2021 de la ministre de la transition écologique, en tant qu'il insérait un II à l'article 28 de l'arrêté " autorisation " du 26 août 2011 qui disposait que " les mesures effectuées pour vérifier le respect des dispositions de l'article 26, ainsi que leur traitement, sont conformes au protocole de mesure acoustique des parcs éoliens terrestres reconnu par le ministre chargé des installations classées ". Toutefois, il ressort de l'article 1er de l'arrêté du 23 janvier 1997 relatif à la limitation des bruits émis dans l'environnement par les installations classées pour la protection de l'environnement, qui prescrit l'utilisation de la norme NF S 31-010 comme méthode de mesure des émissions sonores d'une installation classée, qu'il n'est pas applicable aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumises à autorisation au titre de la rubrique 2980. Pour ces dernières, l'article 28 de l'arrêté du 26 août 2011, dans sa rédaction initiale que l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat a fait revivre, et dont les requérants ne peuvent utilement exciper de l'illégalité en se prévalant du vice de procédure résultant de l'absence d'étude environnementale, prévoit que les mesures réalisées pour vérifier le respect des émergences admissibles " sont effectuées selon les dispositions de la norme NF 31-114 dans sa version en vigueur six mois après la publication du présent arrêté ou à défaut selon les dispositions de la norme NFS 31-114 dans sa version de juillet 2011 ". S'il est constant que cette norme NF 31-114 est restée à l'état de projet, il ne résulte pas de l'instruction que son application, qui est au demeurant préconisée par le " Guide de l'étude d'impact sur l'environnement des parcs éoliens ", élaboré en 2010 par le ministère chargé de l'environnement, aurait, en tout état de cause, affecté les résultats de l'étude acoustique dans une proportion telle qu'elle aurait conduit, dans le cas particulier du parc éolien en litige, à ignorer des dépassements des seuils réglementaires. La circonstance que l'étude acoustique ait été réalisée en conformité avec le protocole de mesure acoustique des parcs éoliens terrestres qui a été annulé n'est pas davantage de nature à entacher sa régularité.
5. D'autre part, il résulte de l'instruction que le complément d'étude acoustique a été réalisé selon une méthodologie, une rose des vents, des classes homogènes du site, un calcul d'incertitude et des courbes déjà explicités dans l'étude initiale. Les mesures ont été réalisées en neuf points positionnés autour du projet, à proximité des lieux habités afin d'être caractéristiques de l'ambiance acoustique, suivant les conditions de vent de type nord-est, sud-est, sud-ouest et nord-ouest, en période diurne et nocturne. Les conditions météorologiques sur la période de mesurage qui ont donné lieu à toutes directions de vent, selon des vitesses comprises entre 1 et 10 m/s en période diurne et 1 et 7 m/s en période nocturne, ont ainsi permis d'assurer une représentativité cohérente du site éolien en cause. Les niveaux sonores enregistrés ont été analysés en fonction des vitesses et directions des vents constatées sur le site, avec suppression des bruits parasites ponctuels non représentatifs. Si l'estimation du niveau de bruit résiduel, pour les vitesses de vent de plus de 5 m/s en période nocturne, a donné lieu à l'application de valeurs médianes calculées à partir de moins de dix échantillons et, pour la vitesse de vent non observée de 8 m/s en période nocturne, a été faite par une extrapolation à partir des valeurs médianes des vitesses de vent à 6 et 7 m/s que l'expert mandaté par les requérants a jugé " douteuse ", il ne résulte pas de l'instruction que la méthode ainsi suivie ait conduit à une surestimation des niveaux de bruit résiduel. Si, par ailleurs, les requérants font état de ce qu'aucune mesure n'a été prise en période hivernale et de ce que la durée de la période de mesurage aurait été trop brève pour obtenir suffisamment d'occurrences de vent dans le secteur sud-ouest, ils n'apportent pas d'éléments de nature à établir que les mesures effectuées seraient insuffisantes, ni que la réalisation d'une campagne de mesures en hiver, où il existe une moindre couverture végétale, aurait abouti à des résultats différents. Enfin, alors que l'étude complémentaire énonce que le niveau sonore du modèle envisagé est moins important que celui du modèle initial quelle que soit la vitesse de vent, il ne résulte pas de l'instruction que cette indication, fondée sur la documentation technique relative aux machines, et explicitée en défense par les progrès techniques intervenus depuis 2013, serait erronée. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'étude d'impact acoustique joint au dossier de porter à connaissance aurait comporté des insuffisances qui n'auraient pas permis au préfet de la Vienne d'apprécier l'impact acoustique du changement de modèle d'aérogénérateurs.
6. En second lieu, aux termes du I de l'article L. 181-13 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. / (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...), les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. / (...) ". Aux termes de l'article L. 181-14 du même code : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale (...) / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées ".
7. Il résulte des conclusions du complément de l'étude d'impact acoustique réalisé le 14 décembre 2022 que le projet de remplacement du modèle de machine initiale par la machine Nordex N 117 respecte les seuils réglementaires des émergences et du bruit ambiant après mise en place d'un plan de bridage des machines. Il résulte de l'instruction que la décision attaquée prenant acte de cette modification, prescrit le respect du plan de bridage défini dans le dossier de demande d'autorisation initiale, ainsi que la mise en œuvre d'un contrôle des niveaux sonores dans un délai de six mois suivant la date de mise en service de l'installation par un organisme qualifié, tels que respectivement prévus aux article 7 et 9 de l'arrêté préfectoral du 25 avril 2018 portant prescriptions des conditions d'exploitation du parc éolien. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces mesures seraient insuffisantes, le moyen tiré de ce que, en méconnaissance des dispositions précitées du code de l'environnement, le projet modifié porterait atteinte à la commodité du voisinage doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye, que M. A... et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision du 8 mars 2023.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demandent les requérants au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge des requérants le versement à la société ferme éolienne de Nueil-sous-Faye de la somme globale de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... et autres est rejetée.
Article 2 : M. A... et autres verseront à la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. F... A..., désigné en qualité de représentant unique en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la SNC Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye.
Une copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 janvier 2025.
La rapporteure,
Béatrice Molina-Andréo
La présidente,
Evelyne Balzamo La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01910