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08/01/2025 | FRANCE | N°24BX01045

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 08 janvier 2025, 24BX01045


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme G... C... épouse M... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 4 mai 2022 par lequel L... de la Guyane a rejeté sa demande de titre de séjour.



Par un jugement n° 2201098 du 29 février 2024, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour administrative d'appel :



Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 25 et 26 avril

2024, Mme C... épouse M..., représentée par Me Le Roy, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... C... épouse M... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 4 mai 2022 par lequel L... de la Guyane a rejeté sa demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 2201098 du 29 février 2024, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 25 et 26 avril 2024, Mme C... épouse M..., représentée par Me Le Roy, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 2201098 du tribunal administratif de la Guyane du 29 février 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 mai 2022 du préfet de la Guyane ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Guyane de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- il est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas les signatures du président de la formation de jugement et du conseiller-rapporteur ;

- il est irrégulier en ce que le tribunal administratif a omis de répondre à des moyens opérants ; elle avait soulevé le moyen tiré de l'incompétence matérielle du préfet pour qualifier les faits qui fondent la décision, le moyen tiré de l'erreur de fait et le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle ; elle avait également soulevé le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui devait faire l'objet d'un contrôle normal par les juges de première instance et non d'un contrôle restreint ;

- il est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé dès lors qu'il est entaché d'une contradiction de motifs et que la réponse apportée au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant est insuffisante ;

- il est irrégulier dès lors que les juges de première instance n'ont pas épuisé leur pouvoir juridictionnel ; M. M... était incarcéré entre le 22 juin 2021 et le 18 janvier 2023, de sorte qu'il pouvait difficilement produire les preuves de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de sa fille, notamment les mouvements sur son compte bancaire à la Banque Postale ; le téléphone et l'ordinateur de M. M... étaient placés sous scellé ; les juges de première instance auraient dû mettre en œuvre leurs pouvoirs d'instruction ;

S'agissant du bien-fondé du jugement attaqué :

- la décision portant refus de délivrer un titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle indique qu'elle est hébergée par un tiers, alors que ce tiers est la mère de son époux ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle dès lors que L... n'a pas examiné sa situation au regard du respect de sa vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de son enfant et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs ;

- elle méconnaît les dispositions combinées des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; M. M... a contribué à l'entretien et à l'éducation de sa fille antérieurement, pendant et postérieurement à son incarcération ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; cette décision a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'elle a développé des liens personnels sur le territoire français, dispose de l'ensemble de ses attaches sur ce territoire et s'est bien intégrée au sein de la société française ; son pays d'origine se trouve dans une situation inquiétante au regard des droits fondamentaux.

Par un mémoire en production de pièces enregistré le 5 novembre 2024, L... de la Guyane produit un document mentionnant la délivrance d'une carte de séjour temporaire.

Par ordonnance du 30 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 10 décembre 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. J....

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... C... épouse M..., ressortissante haïtienne née en 1992, est entrée en France, selon ses déclarations, le 1er juin 2019. Le 15 juin 2021, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 mai 2022, L... de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Mme C... épouse M... relève appel du jugement du 29 février 2024 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mai 2022.

Sur les " conclusions " du préfet tendant au prononcé d'un non-lieu à statuer :

2. Si L... semble se prévaloir de la délivrance d'une carte de séjour temporaire à Mme C... épouse M..., valable du 18 octobre 2024 au 17 octobre 2025 et semble conclure au non-lieu à statuer, d'une part, il ne produit pas ce document et d'autre part, et en tout état de cause, il n'établit pas que ce titre de séjour, qui aurait été délivré postérieurement à la décision contestée, correspondrait à celui demandé initialement par la requérante. Dès lors, il n'y a pas lieu de prononcer un non-lieu à statuer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

4. Il ressort de la minute du jugement attaqué qu'elle a été signée par le rapporteur, le président et le greffier, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative cité au point précédent. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée aux parties ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

5. En deuxième lieu, dans ses écritures devant les premiers juges, la requérante avait indiqué que son acte de mariage " est incontestable, contrairement aux allégations évoquant de façon surprenante l'existence d'un " père putatif " " et que " Seul le Tribunal judiciaire est compétent en la matière pour décider si le père est putatif ou non ". Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne peut être déduit de ce seul exposé dont elle n'avait tiré aucune conséquence juridique qu'elle avait soulevé le moyen tiré de " l'incompétence matérielle du préfet pour qualifier les faits qui fondent la décision " auquel le tribunal aurait omis de répondre.

6. En troisième lieu, dans ses écritures devant les premiers juges, Mme C... épouse M... avait indiqué que " Tous ces documents attestent de la présence de l'enfant dans le quotidien de la mère qui au surplus est hébergée, comme cela a déjà été rappelé, par sa belle-mère et non comme il est indiqué dans la décision contestée par un tiers. ". Ce seul constat de fait relevé par la requérante dont elle n'a tiré aucune conséquence juridique, ne permet pas de considérer qu'elle avait soulevé un moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits auquel le tribunal administratif de la Guyane aurait omis de répondre.

7. En quatrième lieu, en indiquant, sous le titre " sur l'erreur manifeste d'appréciation, " Dans sa décision, Monsieur L... doit toujours prendre en compte la situation personnelle de l'étranger, et dans le cas d'espèce au regard des dispositions de l'article L. 423-7 du CESEDA et de l'application de l'article 371-2 qui est respectée par la mère et par le père, et sans prendre en compte les dispositions de l'article L. 412-1 du CESEDA. ", la requérante ne pouvait pas être regardée comme ayant soulevé le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle auquel le tribunal aurait omis de répondre.

8. En cinquième lieu, si le tribunal administratif a commis une erreur de droit en procédant, au titre du moyen tiré de la méconnaissance de L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à un contrôle restreint, cette erreur n'entache pas d'irrégularité le jugement attaqué.

9. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

10. D'une part, dès lors qu'une contradiction de motifs n'est pas susceptible d'affecter la régularité du jugement, c'est sans portée utile que la requérante soutient devant la cour de céans que les premiers juges ne pouvaient sans contradiction de motif constater que la jeune H... M... est de nationalité française et que la nationalité française de son père n'est pas établie.

11. D'autre part, en écartant le moyen tiré de ce que l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant au motif qu'il " ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté litigieux aurait porté atteinte à l'intérêt supérieur de la fille de Mme C... épouse M... dès lors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, son père ne démontre ni résider avec elle ni contribuer à son entretien et à son éducation. ", le tribunal administratif de la Guyane a suffisamment motivé le jugement attaqué.

12. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal n'a pas, en l'espèce, entaché d'irrégularité le jugement attaqué en ne mettant pas en œuvre ses pouvoirs d'instruction afin de faciliter l'administration, par la requérante, de la preuve de ce que M. M..., incarcéré et dans l'impossibilité, selon elle, d'accéder aux mouvements de ses comptes bancaires, contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables. / Un acte réglementaire entre en vigueur le lendemain du jour de l'accomplissement des formalités prévues au premier alinéa par la loi, par l'acte réglementaire lui-même ou par un autre règlement. (...) ".

14. Par un arrêté n° R03-2022-04-08-00008 du 8 avril 2022 publié au recueil des actes administratifs n° R03-2022-083 du même jour, L... de la Guyane a donné délégation à M. D... E..., directeur général de la sécurité, de la règlementation et des contrôles, à l'effet de signer notamment les actes et décisions dans toutes les matières relevant de l'immigration et de la citoyenneté. L'article 4 de cet arrêté vise plus particulièrement les arrêtés de refus de séjour. L'article 14 de cet arrêté autorise M. E... à subdéléguer sa signature aux agents placés sous son autorité, dans chacun de ses domaines de compétences.

15. Par un arrêté n° R03-2022-04-12-00001 du 12 avril 2022 publié au recueil des actes administratifs n° R03-2022-086 du 12 avril 2022, et entré en vigueur le 13 avril 2022, M. E... a donné délégation à M. B... F..., directeur général adjoint de la sécurité, de la réglementation et des contrôles et directeur de l'immigration et de la citoyenneté à l'effet de signer les actes relatifs à l'activité de la direction de l'immigration et de la citoyenneté tels que définis aux articles 4, 5 et 10 de l'arrêté du 8 avril 2022. En cas d'absence ou d'empêchement de M. B... F..., l'article 2 de cet arrêté donne délégation, en matière de refus de séjour, d'éloignement et de contentieux à Mme A... K..., cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux. Ces délégations et subdélégations donnent ainsi compétence à Mme A... K..., signataire de l'arrêté contesté, pour signer les refus de titres de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.

16. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision contestée vise les textes dont elle fait application, notamment les dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Elle expose également les circonstances de fait propres à la situation personnelle de Mme C... épouse M... sur lesquelles L... de la Guyane s'est fondé pour refuser le titre de séjour sollicité, et notamment que " L'intéressée déclare, en outre, sans le prouver, que son couple est marié depuis le 13/03/2019. Ni la communauté de vie avec le père putatif ni une contribution régulière à l'éducation et à l'entretien de cet enfant dans les conditions prévues par l'article L. 371-2 du code civil ne sont justifiées. ". Dans ces conditions, la décision contestée, qui n'omet pas de prendre en compte la vie privée et familiale de Mme C... épouse M..., ainsi que l'intérêt supérieur de sa fille, est suffisamment motivée en droit et en fait. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

17. En premier lieu, c'est à tort que Mme C... épouse M... soutient que L... de la Guyane a commis une erreur de fait en indiquant qu'elle a déclaré être hébergée par un tiers dès lors qu'à la date de l'arrêté attaqué elle était hébergée chez sa belle-mère, Mme N..., qui a bien la qualité de tiers. Par suite, ce moyen doit être écarté.

18. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été indiqué au point 16, il ne ressort pas de la décision contestée, ni des autres pièces du dossier, que cette décision serait entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de Mme C... épouse M.... Par suite, ce moyen doit être écarté.

19. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ". Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au motif qu'il est parent d'un enfant français doit justifier, outre de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, de celle de l'autre parent, de nationalité française, lorsque la filiation à l'égard de celui-ci a été établie par reconnaissance en application de l'article 316 du code civil. Le premier alinéa de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que cette condition de contribution de l'autre parent doit être regardée comme remplie dès lors qu'est rapportée la preuve de sa contribution effective ou qu'est produite une décision de justice relative à celle-ci.

20. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a épousé M. I... M..., ressortissant français, le 11 mars 2019 à Jacmel à Haïti et que le 9 janvier 2021, à Cayenne, Mme C... épouse M... a donné naissance à H... M..., de nationalité française, reconnue par M. I... M... le 14 janvier 2021. La requérante produit des photographies, des factures d'achat de bijoux et de produits pour bébé, une attestation de droits à l'assurance maladie pour H... M... pour la période 2021-2022, des factures de consultations pédiatriques au nom de M. I... M..., une attestation en date du 29 juin 2022 d'une conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation, postérieure à la décision contestée mais qui relate notamment des faits antérieurs, selon laquelle M. M... a effectué un virement de 183 euros à Mme C... épouse M... le 5 avril 2022. Ces éléments ne sont pas de nature à eux seuls, et alors d'ailleurs que M. M... a été incarcéré le 24 juin 2021 au centre pénitentiaire de Lorient-Ploemeur, à établir qu'il contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille depuis sa naissance, sans que la circonstance qu'il n'ait pas accès aux mouvements de son compte bancaire n'y fasse obstacle. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les virements réalisés par M. I... M... les 3 mai, 4 juin, 8 juin, 5 juillet, 11 juillet et 2 octobre 2021 à l'attention de son frère, M. O... M..., aient été destinés à contribuer à l'entretien et à l'éducation de la jeune H.... Enfin, la requérante ne saurait se prévaloir des virements de 130 euros et de 780 euros en date du 9 juin 2022, des virements réguliers de 130 euros entre juin 2022 et novembre 2022, des billets d'avion de 2023, des relevés de son compte bancaire pour la période d'octobre 2023 à février 2024 ainsi que du renouvellement de l'assurance maladie de H... M... pour 2024-2025, qui constituent des éléments postérieurs à la décision contestée du 4 mai 2022. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaît les dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

21. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

22. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme C... épouse M... résidait en France depuis environ 3 ans. Elle ne partageait pas de communauté de vie avec son époux incarcéré en Bretagne. Si elle résidait chez sa belle-mère, elle n'établit pas qu'elle aurait tissé, en dehors de son environnement familial immédiat, des liens personnels d'une particulière intensité et stabilité sur le territoire français ni qu'elle serait dépourvue de toute attache dans son pays d'origine, où elle a vécu la majeure partie de son existence. Par ailleurs, la circonstance qu'elle soit francophone et qu'elle ait suivi une formation professionnelle de secrétaire assistante médico-sociale à compter du 31 janvier 2022 ne suffit pas à établir, à la date d'édiction de la décision contestée, son intégration professionnelle sur le territoire français. Dans ces conditions, Mme C... épouse M... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Par suite, ce moyen doit être écarté.

23. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

24. Si la requérante se prévaut de la " situation particulièrement dramatique et inquiétante au regard des droits fondamentaux " dans laquelle se trouve Haïti, son pays d'origine et produit, à l'appui de ses allégations, un arrêt de la cour nationale du droit d'asile du 5 décembre 2023, ces éléments sont largement postérieurs à la date d'édiction de la décision contestée et ne peuvent être prise en compte pour apprécier la légalité du refus de séjour qui s'apprécie à la date de son édiction. Dans ces conditions, et alors qu'au demeurant cette décision n'implique pas son éloignement, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations précitées.

25. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées sur le fondement combiné des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-648 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... C... épouse M... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Nicolas Normand, président-rapporteur,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 janvier 2025.

Le Président-rapporteur,

Nicolas J...

L'assesseure la plus ancienne

Clémentine Voillemot

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX01045


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01045
Date de la décision : 08/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. NORMAND
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : LE ROY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-08;24bx01045 ?
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