Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2306440 du 26 janvier 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête enregistrée le 28 mars 2024, M. A..., représenté par Me Choplin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 janvier 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2023 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer sans délai un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir en le munissant dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour, ainsi que de procéder sans délai à l'effacement de son inscription au fichier Système d'information Schengen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de l'irrégularité des conditions de notification de l'arrêté en litige, faute d'indication sur l'heure de cette notification ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence de son signataire ;
- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
- l'insuffisante motivation de la décision révèle que le préfet ne s'est pas livré à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- cette décision a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est privé de base légale ;
- ce refus est entaché d'incompétence de son auteur ;
- cette décision n'est pas motivée ;
- l'insuffisante motivation de ce refus révèle que le préfet ne s'est pas livré à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- ce refus a été pris en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
- l'arrêté ne mentionne pas l'heure de sa notification ; il a été privé d'une garantie procédurale, en méconnaissance de son droit au recours ;
- le refus de délai départ volontaire est entaché d'une erreur d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale ;
- cette décision est entachée d'incompétence de son signataire ;
- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
- l'insuffisante motivation de la décision révèle que le préfet ne s'est pas livré à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- cette décision a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français est privée de base légale ;
- cette décision est entachée d'incompétence de son signataire ;
- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
- l'insuffisante motivation de la décision révèle que le préfet ne s'est pas livré à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- cette décision a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 9 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 novembre 2024.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant albanais né le 22 mai 1977, est entré en France en octobre 2021 selon ses déclarations. Par un arrêté du 21 novembre 2023, le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 26 janvier 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. A... fait valoir que le premier juge n'a pas répondu à son moyen tiré du vice de procédure entachant l'arrêté faute pour celui-ci de mentionner l'heure de sa notification. Toutefois, si en l'absence de cette mention la notification n'a pu avoir pour effet de déclencher le délai de recours de 48 heures contre l'arrêté, ses conditions de notification sont en revanche sans incidence sur sa légalité. Le moyen soulevé par M. A... était dès lors inopérant. Il s'ensuit que le tribunal n'était pas tenu de se prononcer explicitement sur ce moyen.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
3. En premier lieu, il convient, par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge, d'écarter les moyens, repris en appel sans aucun élément nouveau, tirés de ce que les décisions que comporte l'arrêté en litige seraient entachées d'incompétence de leur auteur, seraient insuffisamment motivées, n'auraient pas été précédées d'un examen réel et sérieux de la situation de M. A... et auraient été édictées en méconnaissance de son droit d'être entendu.
4. En second lieu, et ainsi qu'il a été dit, les conditions de notification de l'arrêté en litige sont sans incidence sur sa légalité. Le moyen tiré de ce que cet arrêté ne comporte pas l'heure de sa notification est, dès lors, inopérant.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. M. A... fait valoir qu'il réside en France depuis 2021, qu'il s'est inséré professionnellement et qu'il doit demeurer aux côtés de son frère, atteint d'une affection psychiatrique. Toutefois, le requérant ne démontre pas l'ancienneté alléguée de sa présence en France. S'il établit avoir travaillé comme " ouvrier polyvalent, manœuvre " d'octobre 2022 à janvier 2023 puis d'août 2023 à décembre 2023, ces seuls éléments ne suffisent pas à caractériser une insertion professionnelle notable. Par ailleurs, le seul certificat médical produit par M. A... indique que l'état de son frère s'est stabilisé et ne mentionne pas que sa présence à ses côtés serait nécessaire. Enfin, le requérant ne conteste pas que, comme l'indique l'arrêté contesté, ses deux enfants résident en Albanie, et n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 44 ans. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent doit être écarté.
7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. A... doit être écarté.
En ce qui concerne le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. A... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour, d'autre part, que son passeport était expiré à la date de l'arrêté en litige, de sorte qu'il ne présentait pas de garanties de représentations suffisantes. Dans ces conditions, en estimant qu'il existait un risque que M. A... se soustraie à la mesure d'éloignement et en lui refusant en conséquence l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet de la Gironde n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point précédent.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision fixant le pays de renvoi.
12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire pour demander l'annulation de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
15. Ainsi que l'a relevé le premier juge, M. A... est entré récemment en France, s'y est maintenu sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour et ne justifie pas avoir des liens stables et intenses en France. Dans ces conditions, et alors même que la présence de l'intéressé ne représente pas une menace pour l'ordre public, la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, qui n'est pas la durée maximale prévue par les dispositions précitées, ne procède pas d'une inexacte application de ces dispositions.
16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience 3 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2024.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve-Dupuy
Le président,
Laurent Pouget Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00777