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23/12/2024 | FRANCE | N°24BX00423

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 23 décembre 2024, 24BX00423


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 2 octobre 2023 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2305991 du 1er février 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 20 février 2024 et des mémoires enregistrés les 19 et 25 avril 2024 et le 8 août 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 2 octobre 2023 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2305991 du 1er février 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2024 et des mémoires enregistrés les 19 et 25 avril 2024 et le 8 août 2024, M. F..., représenté par Me Guillout, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er février 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 2 octobre 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ;

4°) l'ayant admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation et révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation, dès lors qu'il n'apparaît pas que le critère de résidence habituelle en France prévu par l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ait été examiné, que le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration, et que tous les éléments de sa situation en France ne sont pas évoqués ;

- s'agissant de sa situation médicale, les premiers juges ont inversé la charge de la preuve ; il appartient au préfet de justifier de la possibilité de prise en charge dans le pays d'origine et d'accès effectif aux soins, ce qui n'a pas été fait ;

- les certificats médicaux qu'il produit établissent en tout état de cause l'impossibilité dans laquelle il se trouverait de bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé en Egypte ;

- le refus de titre de séjour est donc entaché à cet égard d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il est également entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses intérêts privés et familiaux et de son insertion en France.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il se réfère à ses écritures de première instance.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... F..., ressortissant égyptien, a déclaré être entré sur le territoire français en avril 2014 muni d'un visa de court séjour. Du 13 janvier 2020 au 12 janvier 2021, il a bénéficié, à raison de son état de santé, d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le 19 avril 2021, il a fait l'objet d'une décision d'obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutée et, le 10 novembre 2022, il a de nouveau sollicité son admission au séjour en tant qu'étranger malade. Par un arrêté du 2 octobre 2023, le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. F... relève appel du jugement du 1er février 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par décision du 19 mars 2024, M. F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle

provisoire de l'intéressé.

Sur la légalité de l'arrêté du 2 octobre 2023 :

3. En premier lieu, au soutien de ses moyens tiré de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen sérieux de sa situation, de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de ce que le préfet de la Gironde se serait estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), M. F... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée à ces moyens par le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ceux-ci par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ".

5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

6. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Il ressort de l'avis des médecins du collège de l'OFII rendu le 22 août 2023 que l'état de santé de M. F... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Néanmoins, il relève qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé égyptien, il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. F..., victime d'une crise cardiaque le 13 août 2019, souffre d'un syndrome de repolarisation précoce, générateur d'une arythmie cardiaque ayant nécessité l'implantation d'un défibrillateur à impulsion électrique. Depuis, et ainsi qu'en atteste le centre hospitalier universitaire de Bordeaux le 11 octobre 2023, il bénéficie d'un suivi afin de contrôler le bon fonctionnement de l'appareil et l'évolution de sa pathologie, avec des rendez-vous tous les six mois, ce dont il est attesté. M. F... soutient que cette prise en charge serait impossible en Egypte. A cet effet, il produit notamment une attestation rédigée le 26 octobre 2021 par le docteur G..., qui indique que son état de santé nécessite son maintien en France dès lors que le service opératoire qui lui a posé son défibrillateur est le plus compétent pour en assurer le suivi. Il verse également au dossier un certificat dressé le 20 mars 2022 par le docteur B... A..., médecin en Egypte, expliquant que si le besoin de remplacer le défibrillateur se présente, l'appareil est peu disponible et très coûteux en Egypte. En cause d'appel, il produit en outre une attestation du " chef du département des patients " de l'hôpital général de Ein Shams selon laquelle l'établissement ne dispose pas de spécialistes aptes à assurer son suivi, trois attestations de pharmaciens selon lesquelles le Laroxyl 40 mg, le Valsart EG 90 mg, le Tramadol 200 et le Défibrinatel ne sont pas disponibles en pharmacie, ainsi qu'un échange de courriels daté du 3 avril 2024 avec une personne s'identifiant comme le pharmacien de l'hôpital Ein Shams et s'exprimant depuis une messagerie générique, mentionnant l'impossibilité d'assurer un suivi ainsi que la délivrance des médicaments dans les hôpitaux et pharmacies du pays. Toutefois ces pièces, soit sont rédigées en des termes trop généraux pour attester de l'absence d'accès effectif du requérant à une prise en charge adaptée dans son pays d'origine, soit émanent de personnes non formellement identifiables ou dont l'autorité en cardiologie n'est pas établie. Par ailleurs, M. F... n'apporte aucun élément sur l'impossibilité de substituer d'autres médicaments à ceux faisant l'objet des attestations susmentionnées, pour lesquels aucune prescription n'est d'ailleurs produite. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour.

9. En troisième lieu et dernier lieu, M. F... soutient que le préfet de la Gironde n'a pas pris la mesure de l'intensité et de la stabilité de ses liens privés, familiaux et sociaux en France. Il se prévaut de son ancienneté de séjour dès lors qu'il est, selon ses dires, entré sur le territoire français en 2014. Toutefois, aucune des pièces produites n'établit la réalité de sa présence habituelle en France avant 2019. Il s'est par ailleurs maintenu sur le territoire français en dépit d'une mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 19 avril 2021. Enfin, en se bornant à produire une attestation d'élection de domicile du 26 septembre 2022 chez Mme D... C..., qu'il présente comme sa compagne de nationalité française, ainsi que quelques attestations d'amis, rédigées en des termes imprécis, M. F... n'établit pas que le centre de ses attaches privées et familiales se situe en France, alors qu'il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans en Egypte où, selon ses déclarations, sa mère et ses trois frères et sœurs résident toujours. Par suite, et quand bien même M. F... a suivi une formation professionnelle après son accident cardiaque, puis a entrepris d'exercer une activité professionnelle, le moyen tiré de ce que le préfet de la Gironde aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses intérêts privés et familiaux doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d''annulation de l'arrêté du 2 octobre 2023.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

11. En conséquence de ce qui précède, les conclusions à fin d'injonction de la requête ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. F....

Article 2 : Le surplus de la requête de M. F... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Mme Valérie Réaut, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2024.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve-DupuyLe président-rapporteur,

Laurent Pouget Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX00423


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00423
Date de la décision : 23/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : GUILLOUT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-23;24bx00423 ?
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