Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiées BioBéarn a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2023 par lequel le maire de la commune de Pomps a rejeté sa demande de permis de construire portant sur l'édification de trois silos en béton sur les parcelles cadastrées section A n°s 677 et 679 situées route départementale 945 à Pomps.
Par un jugement n° 2300758 du 26 décembre 2023, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 23 janvier 2023 du maire de Pomps et a enjoint à cette autorité de délivrer à la société BioBéarn le permis de construire sollicité.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 février et 18 novembre 2024, la commune de Pomps, représentée par Me Dunyach, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 décembre 2023 du tribunal administratif de Pau ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société BioBéarn devant le tribunal administratif de Pau ;
3°) de mettre à la charge de la société BioBéarn une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier ; les premiers juges ont statué ultra petita en se prononçant sur les motifs de refus invoqués, à titre subsidiaire, dans le cadre d'une demande de substitution de motifs ; le tribunal n'ayant pas considéré que les silos pouvaient être regardés comme des équipements d'intérêt collectif du fait de leur lien fonctionnel avec l'unité de méthanisation, il n'avait pas à statuer sur cette demande subsidiaire de substitution de motifs ; le tribunal a en outre abusivement requalifié le motif de refus qu'elle avait invoqué relatif à l'étude d'impact ; en effet, alors qu'elle invoquait l'absence d'une étude d'impact actualisée, le tribunal s'est prononcé sur le motif tiré de l'absence d'une nouvelle étude d'impact ;
- le jugement n'a pas été rendu à l'issue d'une procédure contradictoire, en méconnaissance de l'article L. 5 du code de justice administrative ; pour considérer que les silos de stockage de digestats devaient être regardés comme des constructions nécessaires aux exploitations agricoles, les premiers juges se sont fondés sur une pièce destinée à établir que la société BioBéarn aurait déclaré une modification de son installation pour ajouter le site de Pomps à la liste annexée à l'arrêté d'autorisation environnementale ; or, cette pièce ne lui a pas été communiquée ;
- les silos de stockage de digestats en litige ne peuvent pas être considérés comme nécessaires à l'activité agricole et sont donc interdits en zone agricole du plan local d'urbanisme ; ces silos sont en effet en lien avec une activité industrielle ;
- les silos ne peuvent davantage être considérés comme un équipement collectif ;
- à supposer que les silos puissent être qualifiés d'équipement collectif, le projet porte atteinte au caractère agricole de la zone, ainsi qu'elle l'a fait valoir dans le cadre de sa demande subsidiaire de substitution de motifs ;
- si les silos devaient être qualifiés d'équipement collectif à raison d'un lien fonctionnel avec l'unité de méthanisation, alors la société aurait dû joindre à son dossier de demande de permis de construire l'étude d'impact, le cas échéant actualisée, relative à l'unité de méthanisation, en application de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, et une procédure de participation du public aurait dû être organisée ;
- la société BioBéarn n'a pas soulevé de moyen de légalité externe dans le délai de recours contentieux ; en tout état de cause, l'arrêté est suffisamment motivé.
Par des mémoires enregistrés les 8 juillet et 28 novembre 2024, la société BioBéarn, représentée par Me Babin, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune requérante d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par la commune appelante ne sont pas fondés.
Une note en délibéré a été produite pour la commune de Pomps le 5 décembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- et les observations de Me Dunyach, représentant la commune de Pomps, et de Me Thomas, représentant la société BioBéarn.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 27 octobre 2020, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a délivré à la société BioBéarn une autorisation environnementale en vue de l'exploitation, à Mourenx, d'une unité de méthanisation ayant pour objet la production de biométhane à partir de la valorisation de déchets organiques, en vue de l'injection de cette énergie dans le réseau public de distribution de gaz naturel. Par un arrêté du 12 mars 2020, cette même autorité lui a délivré un permis de construire cette unité de méthanisation. Le 17 octobre 2022, la société a demandé la délivrance d'un permis de construire trois silos de stockage du digestat issu de cette unité de méthanisation, d'un volume de 5 000 m3 chacun, sur le territoire de la commune de Pomps, à une vingtaine de kilomètres de Mourenx. Par un arrêté du 23 janvier 2023, le maire de Pomps a refusé de délivrer le permis de construire sollicité au motif que, alors que le terrain d'assiette du projet était situé en zone agricole du plan local d'urbanisme, le projet n'était pas au nombre des constructions et installations autorisées dans cette zone. Par un jugement du 26 décembre 2023, le tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de Pomps de délivrer à la société BioBéarn le permis de construire sollicité. La commune de Pomps relève appel de ce jugement, dont il a été sursis à l'exécution par un arrêt de la cour du 27 mai 2024.
2. Aux termes de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 : " Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation (...) Il en est de même de la production et, le cas échéant, de la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant de ces exploitations. Les revenus tirés de la commercialisation sont considérés comme des revenus agricoles, au prorata de la participation de l'exploitant agricole dans la structure exploitant et commercialisant l'énergie produite. Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret ". Aux termes de l'article D.311-18 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-190 du 16 février 2011 : " Pour que la production et, le cas échéant, la commercialisation de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation soient regardées comme activité agricole en application de l'article L. 311-1, l'unité de méthanisation doit être exploitée et l'énergie commercialisée par un exploitant agricole ou une structure détenue majoritairement par des exploitants agricoles ".
3. Aux termes de l'article A1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Pomps : " Toutes les occupations et utilisations du sol non mentionnées à l'article A2 sont interdites. ". Aux termes de l'article A2 du même règlement : " (...) / Les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif à condition de ne pas porter atteinte au caractère agricole de la zone. / (...) Les constructions et installations agricole et forestières à caractère fonctionnel à condition qu'elles soient nécessaires aux exploitations agricoles et forestières. / (...) ". Le lexique de ce règlement ne définit pas l'exploitation agricole. Le PLU de Pomps ayant été approuvé postérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions citées au point précédent du code rural et de la pêche maritime, les auteurs de PLU doivent être regardés comme ayant entendu s'approprier la définition de l'activité agricole résultant de ces dispositions.
4. Pour refuser le permis de construire sollicité, le maire de Pomps a estimé que la construction projetée, dont le terrain d'assiette est situé en zone agricole (A) du plan local d'urbanisme où les constructions ne sont pas admises sauf exceptions, n'entrait dans aucune des exceptions prévues par les dispositions précitées et, en particulier, ne constituait ni une installation nécessaire à un service d'intérêt collectif, ni une installation nécessaire à une exploitation agricole.
5. L'unité de méthanisation exploitée à Mourenx par la société BioBéarn a pour activité la production de biométhane à partir de la valorisation de déchets organiques et le stockage du digestat liquide issu du processus de méthanisation, destiné à être valorisé comme engrais par épandage sur des terres agricoles. Les silos pour lesquels le permis de construire litigieux a été sollicité ont vocation à stocker une partie du digestat issu de ce processus de méthanisation, les seuls silos édifiés sur le site de l'unité de méthanisation étant d'une capacité insuffisante. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'unité de méthanisation en cause est un projet porté, non par des exploitants agricoles, mais par le groupe Total, auquel appartient la société BioBéarn. Il en résulte que son activité ne peut être qualifiée d'activité agricole au sens des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime, auxquelles le maire de Pomps a pu légalement se référer eu égard à l'intention des auteurs du PLU de s'en approprier les critères de définition. Par suite, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les trois silos litigieux ne peuvent être regardés comme des constructions nécessaires aux exploitations agricoles au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article A2 du règlement du PLU de Pomps.
6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Pomps est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler l'arrêté du 23 janvier 2023 en litige, sur la méconnaissance par le maire de Pomps des dispositions de l'article A2 du règlement du PLU de Pomps relatives aux constructions nécessaires aux exploitations agricoles. Il y a lieu pour la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués tant en appel qu'en première instance par la société BioBéarn à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation.
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 ".
8. L'arrêté en litige rappelle la teneur des dispositions des articles A1 et A2 du PLU de Pomps, indique que les ouvrages de stockage projetés, d'une part, ne peuvent être qualifiés d'équipements d'intérêt collectif, d'autre part, ne participent pas à une activité agricole, et en déduit que ces silos ne peuvent pas être autorisés dans la zone agricole du PLU. Cet arrêté comporte ainsi les motifs de fait et de droit qui le fondent. La circonstance que ces motifs seraient erronés en droit est sans incidence sur la motivation formelle de l'arrêté.
9. En second lieu, l'unité de méthanisation implantée à Mourenx constitue, eu égard à l'objectif poursuivi de production de biométhane à partir de la valorisation de déchets d'origine biologique et d'injection de cette énergie sur le réseau public de distribution, un service d'intérêt collectif au sens des dispositions précitées de l'article A2 du règlement du PLU de Pomps. Or, et ainsi que le fait valoir la société BioBéarn, les silos en cause sont nécessaires au fonctionnement à pleine capacité de cette unité de méthanisation. Eu égard à ce lien fonctionnel, la société BioBéarn est fondée à soutenir que les constructions projetées sont nécessaires à un service d'intérêt collectif au sens desdites dispositions de l'article A2 du règlement du PLU de Pomps.
10. L'administration peut toutefois, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
11. Dans ses mémoires en défense produits devant le tribunal administratif de Pau et dans ses écritures d'appel, la commune de Pomps fait valoir que les silos projetés portent atteinte au caractère agricole de la zone au sens des dispositions précitées de l'article A2 du règlement du PLU de Pomps.
12. Les dispositions de l'article A2 du règlement du PLU de Pomps doivent être interprétées à la lumière de celles de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme, lesquelles ont pour objet de conditionner l'implantation de constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dans des zones agricoles à la possibilité d'exercer des activités agricoles, pastorales ou forestières sur le terrain où elles doivent être implantées et à l'absence d'atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. Pour vérifier si la première de ces exigences est satisfaite, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si le projet permet l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière significative sur le terrain d'implantation du projet, au regard des activités qui sont effectivement exercées dans la zone concernée du plan local d'urbanisme ou, le cas échéant, auraient vocation à s'y développer, en tenant compte notamment de la superficie de la parcelle, de l'emprise du projet, de la nature des sols et des usages locaux.
13. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'unité foncière sur laquelle doit être implanté le projet litigieux est d'une superficie totale de 17 155 m². L'emprise du projet litigieux est de 11 740 m², soit près de 70 % de la surface de l'unité foncière. La partie restante de cette unité foncière est en outre déjà occupée par un bâtiment de stockage de céréales et des silos à grains. La construction des silos de stockage de digestat, lesquels ne sont pas en eux-mêmes une exploitation agricole, aurait ainsi pour effet de compromettre l'exercice d'une activité agricole significative sur le terrain concerné. Dans ces conditions, si les silos litigieux peuvent être regardés comme des installations nécessaires à un service d'intérêt collectif, leur construction aurait, comme le soutient la commune de Pomps, pour effet de porter atteinte au caractère agricole de la zone, de sorte que leur construction ne pouvait être autorisée en application des dispositions précitées de l'article A2 du PLU de Pomps. Par suite, il y a lieu de procéder à la substitution de motif demandée par la commune de Pomps.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que la commune de Pomps est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du maire de Pomps du 23 janvier 2023 et enjoint à cette autorité de délivrer à la société BioBéarn le permis de construire sollicité.
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Pomps le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais liés au litige. En revanche, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société BioBéarn une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Pomps et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2300758 du 26 décembre 2023 du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société BioBéarn devant le tribunal administratif de Pau, ensemble ses conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : La société BioBéarn versera à la commune de Pomps une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Pomps et à la société par actions simplifiées BioBéarn.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve Dupuy
Le président,
Laurent Pouget Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 24BX00403