Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 avril 2023 par laquelle le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Par une ordonnance du 23 juin 2023, le président du tribunal administratif de Paris a transmis la requête de Mme C... au tribunal administratif de Poitiers.
Par une ordonnance n° 2301681 du 20 mars 2024, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 mai 2024, Mme C..., représentée par Me Petillion, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 20 mars 2024 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de cinq jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, dans l'hypothèse où un nouvel examen de sa situation serait nécessaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation administrative, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour dans le délai de cinq jours à compter de la même notification, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête n'était pas tardive dès lors qu'elle l'a déposée par message électronique au greffe du tribunal administratif de Paris le 8 juin 2023 faute de parvenir à la déposer par télérecours ;
- la décision attaquée n'est pas motivée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Clémentine Voillemot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalité gabonaise, née le 7 décembre 2002, déclare être entrée en France en 2016. Elle a demandé un titre de séjour le 18 janvier 2022 sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a été implicitement rejetée par le préfet de police de Paris. Mme C... relève appel de l'ordonnance du 20 mars 2024 par lequel le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté comme tardive sa demande d'annulation de la décision implicite de refus de titre de séjour.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. Aux termes de l'article R. 413-1 du code de justice administrative : " La requête doit être déposée ou adressée au greffe, sauf disposition contraire contenue dans un texte spécial ". Aux termes de l'article R. 414-1 du même code : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat, un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, une personne morale de droit public autre qu'une commune de moins de 3 500 habitants ou un organisme de droit privé chargé de la gestion permanente d'un service public, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-1 de ce code : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ".
3. Il ressort des pièces du dossier, produites pour la première fois en appel, que le conseil de Mme C... a informé le greffe du tribunal administratif de Paris par message électronique, le 8 juin 2023, qu'elle ne parvenait pas à accéder à l'application Télérecours en raison de l'indisponibilité du site e-barreau et qu'elle a adressé la requête et des pièces jointes au greffe par message électronique ce même jour puis a procédé à l'enregistrement de la requête par Télérecours le lendemain. Dans ces circonstances, alors que le délai de recours expirait le 8 juin 2023, la requête déposée au greffe à cette même date par message électronique n'était pas tardive. Par suite, il y a lieu d'annuler l'ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Poitiers et de statuer par la voie de l'évocation sur la demande de Mme C....
Sur la légalité de la décision implicite de refus de titre de séjour :
4. Aux termes de l'article R. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". L'article R. 432-2 du même code dispose que : " La décision implicite mentionnée à l'article R. 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois. (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ". Il résulte de ces dispositions que le silence gardé sur une demande de communication des motifs d'une décision implicite de rejet est susceptible d'entacher cette décision d'illégalité, lorsqu'elle est intervenue dans un cas où une décision expresse aurait dû être motivée.
6. Mme C... a adressé à la préfecture de police, le 22 mars 2023, une demande d'information sur l'évolution de l'instruction de sa demande de titre de séjour, déposée le 18 janvier 2022. Cette demande ne peut être regardée comme une demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour. Ainsi, Mme C... ne justifie pas avoir formé une demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour, ainsi que les dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration lui en laissaient la possibilité. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
8. Mme C... a demandé, le 18 janvier 2022, un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de l'ancienneté de son séjour en France, de sa scolarité et de l'obtention d'un brevet d'études professionnelles et de la présence des membres de sa famille en France. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France mineure en 2016, à l'âge de 14 ans, qu'elle y a été scolarisée entre 2016 et 2020 et a obtenu un brevet d'études professionnelles en 2019 et un baccalauréat professionnel en juin 2020. Si elle a été inscrite en première année de BTS support à l'action managériale pour l'année scolaire 2020-2021, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'elle a suivi cette année de scolarité ni qu'elle a poursuivi ses études ou qu'elle se soit insérée professionnellement après le 9 octobre 2020, date de délivrance de son dernier certificat de scolarité. Ainsi, à la date de la décision de refus de titre de séjour, Mme C... ne justifiait pas être étudiante ou exercer une activité professionnelle. En outre, si le mari de sa mère est de nationalité française et qu'elle produit des récépissés de demande de titre de séjour de sa mère, il ne ressort pas des pièces du dossier que celle-ci était titulaire d'un titre de séjour à la date de la décision attaquée et elle ne justifie pas entretenir de liens avec d'autres membres de sa famille présents en France. Ainsi, les circonstances invoquées par Mme C... ne sauraient être regardées, malgré la durée de son séjour en France, comme constitutives d'un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 435-1. Dans ces conditions, le préfet de la Gironde, a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
9. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a donné naissance à un enfant, le 20 mai 2022, soit postérieurement à la décision de refus de titre de séjour. En tout état de cause, elle ne produit aucun élément susceptible de démontrer que le père de l'enfant, de nationalité gabonaise et titulaire d'un titre de séjour français, contribuerait à son entretien et à son éducation. Compte tenu de ces circonstances et de celles exposées au point précédent, la décision en litige ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas méconnu les stipulations l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite de refus de titre de séjour. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2301681 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Poitiers est annulée.
Article 2 : La demande portée par Mme C... devant le tribunal administratif de Poitiers ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2024.
La rapporteure,
Clémentine Voillemot
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°24BX01203