Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 7 mars 2023 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français.
Par un jugement n° 2300874 du 4 avril 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces, enregistrées les 2 mai, 18 octobre, 6 novembre et 22 novembre 2024 (non communiqué), Mme B..., représentée par Me Bouacha, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2300874 du tribunal administratif de Poitiers du 4 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 mars 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète des Deux-Sèvres, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence de son auteur ;
- il est insuffisamment motivé et cette insuffisance révèle un défaut d'examen de sa situation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; elle justifie résider de manière habituelle sur le territoire français depuis son arrivée en France en juin 2013 et de manière régulière depuis l'obtention de sa carte de résidence
algérienne le 15 mars 2019 ;
- il est contraire à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; elle s'est mariée avec un compatriote qui réside régulièrement en France sous couvert d'un certificat de résidence mais a quitté le domicile à raison de violences conjugales ; elle est de nouveau mariée avec un compatriote titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'au 16 novembre 2032, qui est enseignant en technologie et avec lequel elle avait depuis longtemps un projet de mariage ; elle est l'ainée d'une fratrie de cinq frères et sœurs qui résident tous en France ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, la préfète des Deux-Sèvres conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 22 novembre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nicolas Normand ;
- les observations de Me Bouacha, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née en 1987, est entrée en France en juin 2013 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a obtenu un certificat de résidence algérien " vie privée et familiale " valable du 15 mars 2019 au 14 mars 2020, renouvelé à trois reprises jusqu'au 15 mars 2023. Elle a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence le 31 octobre 2022. Par un arrêté du 7 mars 2023, la préfète des Deux-Sèvres a refusé de renouveler son certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 4 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, Mme B... se borne à reprendre en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui a été apportée par le tribunal administratif de Poitiers sur ces points, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué et du défaut d'examen de sa situation personnelle. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) /1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui déclare être entrée en France en 2013, soutient y résider de manière continue depuis plus de dix ans à la date de sa demande de renouvellement de son certificat de résidence algérien. Toutefois, les pièces versées au dossier ne comportent, pour l'année 2013 et la plus grande partie de l'année 2014, que des documents médicaux, dont certains n'ont pas une date certaine, et des attestations stéréotypées et imprécises selon lesquelles Mme A... est arrivée en 2013 et vit en France depuis 10 ans. Il suit de là qu'eu égard à l'absence de diversité des documents versés au dossier au titre de l'année 2013 et de la plus grande partie de l'année 2014, et alors même que Mme B... fournit, au titre des années ultérieures, à compter notamment de la fin de l'année 2014 pour laquelle elle produit des documents bancaires et de transports dans le métro parisien, des preuves de sa présence en France, celle-ci ne justifie pas d'une présence continue de plus de dix ans sur le territoire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".
6. En application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser de délivrer un titre de séjour à un ressortissant étranger, d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision serait prise.
7. Il ressort des pièces du dossier et notamment de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, que Mme B... réside de façon continue en France, depuis 9 ans à la date de l'arrêté attaqué, bien que son passeport fasse état d'allers-retours entre l'Algérie et la France depuis 2015. Elle est aussi l'ainée d'une fratrie de cinq frères et sœurs qui résident tous en France. Enfin, en arrêt de travail depuis le 18 janvier 2022, reconnue en affection de longue durée, elle bénéficie de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour la période du 24 mars 2020 au 23 mars 2025. Toutefois, l'intéressée n'a pas d'enfant, a vécu dans son pays d'origine, l'Algérie, jusqu'à l'âge de 26 ans, soit l'essentiel de son existence, n'a pas d'habitation propre puisqu'elle réside chez sa sœur et ne dispose pas de ressources financières de nature à favoriser son intégration en France. Si elle fait valoir qu'elle est en couple avec un compatriote titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'en 2032, qui est enseignant en technologie et avec lequel elle s'est mariée le 31 janvier 2024, elle n'apporte pas d'élément permettant d'apprécier sa situation matrimoniale antérieurement à l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Compte tenu de ces circonstances, la décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation concrète de Mme B... et n'a pas méconnu les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".
9. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles elles renvoient, est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.
10. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
11. Eu égard aux éléments de la situation personnelle et familiale de la requérante précédemment énoncés au point 7 du présent arrêt, et alors même que la requérante se prévaut au soutien de son moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de son diplôme de technicien supérieur en Arts et Industrie Graphique, d'un BAFA, d'un diplôme de secourisme, d'emplois avant 2022, notamment de vendeuse en boulangerie, serveuse en restauration, agent d'accueil au sein d'une société, de ce que de début 2020 à février 2022, en pleine période de la crise sanitaire liée au COVID 19, elle a occupé un poste d'animatrice dans les écoles maternelles et élémentaires, de qu'elle a été victime d'un accident de travail survenu le 1er juin 2022 et a désormais un statut de travailleur handicapé, la préfète des Deux-Sèvres en ne procédant pas à, titre exceptionnel à la régularisation de la situation de Mme B... n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement combiné des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe 18 décembre 2024.
Le rapporteur,
Nicolas Normand
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01091