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18/12/2024 | FRANCE | N°23BX00045

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 18 décembre 2024, 23BX00045


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. G... H... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) 974 a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle du 6 janvier 2021.



Par un jugement n° 2100928 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 janvier 2023, 2 mai 2024 et 4 juin 2024, M. H..., représenté par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... H... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) 974 a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle du 6 janvier 2021.

Par un jugement n° 2100928 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 janvier 2023, 2 mai 2024 et 4 juin 2024, M. H..., représenté par Me Caverne, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100928 du tribunal administratif de La Réunion du 4 novembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de La Réunion (974) a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle du 6 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre au SDIS 974 de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

4°) d'enjoindre au SDIS 974 de procéder au versement des frais d'avocat engagés pour un montant de 1 640,50 euros ;

5°) d'enjoindre au SDIS 974 de procéder au versement des frais d'un montant de 600 euros d'une ordonnance de consignation pour le chef de harcèlement moral ;

6°) de mettre à la charge du SDIS 974 la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'y a pas non-lieu à statuer malgré le retrait en cours d'instance de la décision implicite ;

- la décision implicite de rejet née de sa demande de protection fonctionnelle du 6 janvier 2021 est insuffisamment motivée ;

- subsidiairement, c'est la décision expresse de rejet qui est insuffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'incompétence de son auteur ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en inversant la charge de la preuve ;

- le tribunal a omis de répondre à des arguments portant sur son exclusion de la gestion des services de prévention et prévision au sein du groupement territorial ouest (GTO), son régime indemnitaire et la note du 1er août 2012 du commandant D... en tant qu'elle lui adresse des reproches sur la géolocalisation des points d'eau ;

- il a subi des faits de harcèlement moral en ce qu'il a été évincé de ses fonctions de prévention et en ce que son évaluation révèle une hostilité de sa hiérarchie ; il subit depuis 2011 des comportements nuisibles de la part de sa hiérarchie, qui emportent encore des conséquences sur sa situation actuelle, puisqu'il a été placé en arrêt maladie de longue durée depuis le 12 janvier 2015, puis en congé de longue durée, et n'est à ce jour pas en mesure de reprendre son service ; il s'est vu retirer son poste et son emploi de chef d'agrès sans aucune concertation avec sa hiérarchie ;

- l'arrêté du 15 février 2012 a été irrégulièrement rapporté.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 avril 2024, le SDIS 974, représenté par la SELAS Seban Auvergne, conclut à titre principal au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire, au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. H... une somme de 1 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir, à titre principal, que la requête est privée d'objet en raison de la disparition de la décision attaquée initialement et qu'aucune conclusion n'est dirigée contre la décision du 7 février 2022 et, subsidiairement, qu'aucun moyen n'est fondé.

Par ordonnance du 5 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 5 juillet 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public,

- les observations de Me Jacquier, représentant le SDIS 974.

Une note en délibéré présentée par Me Caverne pour M. H... a été enregistrée le 17 décembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. H..., adjudant-chef des sapeurs-pompiers professionnels au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de La Réunion (974), a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle le 6 janvier 2021, pour des faits de harcèlement moral pour lesquels il avait porté plainte devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis. Il relève appel du jugement du 4 novembre 2022, par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le président du conseil d'administration du SDIS 974 a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle du 6 janvier 2021.

Sur l'exception de non-lieu et la fin de non-recevoir :

2. Si le silence gardé par l'administration sur un recours gracieux ou hiérarchique fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application des dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision. Il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas au requérant les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent.

3. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'enregistrement de la demande devant le tribunal administratif de La Réunion, tendant à l'annulation de la décision par laquelle le SDIS 974 a implicitement refusé la protection fonctionnelle sollicitée le 6 janvier 2021 par M. H..., cette décision a été expressément retirée par le directeur de ce SDIS le 7 février 2022. Cette décision du 7 février 2022 s'est donc substituée à la décision implicite de rejet. Le requérant doit, dès lors, être regardé comme demandant l'annulation de la décision du 7 février 2022 portant rejet explicite de sa demande de protection fonctionnelle. Il en résulte que les conclusions à fin d'annulation de la première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas au requérant les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent. Il en résulte aussi que le préfet n'est pas fondé à soutenir que la requête dirigée contre la décision du 7 février 2022 serait irrecevable au motif que M. H... n'a pas spontanément redirigé en cours d'instance ses conclusions contre celle-ci.

Sur la régularité du jugement :

4. Le requérant soutient que le tribunal a omis de répondre à ses arguments portant sur son exclusion de la gestion des services de prévention et prévision au sein du groupement territorial ouest (GTO), sur son régime indemnitaire et sur la note du 1er août 2012 du commandant D....

5. Le requérant avait soulevé devant le tribunal le moyen tiré de ce qu'il a subi des faits de harcèlement moral de la part de son responsable hiérarchique entre 2011 et 2013, pour lesquels il a déposé une plainte le 6 mars 2020. Il a notamment contesté le contenu d'une note du 1er août 2013 rédigée par le commandant D..., fait grief à ce dernier de l'avoir évincé de la gestion des services de prévention et prévision au sein du GTO et reproché au service de ne pas lui avoir versé des primes auxquelles il avait droit. Le tribunal, après avoir visé l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, aux termes duquel " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ", a apporté aux points 8, 9 et 10 de ce jugement une réponse détaillée à ce moyen. Il a notamment indiqué que M. H... n'a versé au dossier aucun élément concret qui attesterait d'une animosité particulière de la part des responsables du SDIS ayant concouru au rejet de ses candidatures en 2012 et 2013 pour devenir préventionniste PRV2, qu'il n'apporte pas d'élément suffisant de nature à justifier que la modification de son régime indemnitaire, consécutive aux arrêtés des 15 février, 8 août et 3 décembre 2012, reposerait sur des faux en écriture et serait illégale, que si le requérant affirme que son supérieur hiérarchique l'a empêché, en 2013, de postuler à un emploi vacant de préventionniste, en imposant irrégulièrement une condition de deux ans d'ancienneté entrée en vigueur postérieurement, les éléments avancés ne permettent pas d'établir qu'une telle mention aurait été ajoutée sur l'avis diffusé le 5 juin 2013 pour faire spécifiquement obstacle à son éventuelle candidature, et que s'il s'est vu reprocher, dans une note du 1er août 2023, de n'avoir pas répondu favorablement aux relèves au niveau du poste de commandement pendant l'incendie du Maïdo de 2011 et d'avoir refusé de prendre l'astreinte en sous-préfecture pendant la saison cyclonique 2011-2012, l'agent ayant instruit sa demande de révision de sa notation de l'année 2011, en vue de justifier les raisons pour lesquelles l'intéressé bénéficiait d'une progression limitée à 0,10 point, conforme à l'appréciation littérale, et non d'une progression exceptionnelle de 0,15 point, a relevé qu'un avis favorable avait été émis pour l'avancement au grade d'adjudant de M. H..., sans retenir que l'agent n'avait pas pris en compte certaines recommandations. Il résulte de ce qui précède que le tribunal, qui n'était ni tenu de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par le requérant ni tenu d'exploiter les pièces produites par le requérant auxquelles ses mémoires ne renvoyaient pas, n'a pas omis de répondre à des moyens soulevés par celui-ci et a suffisamment motivé son jugement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1424-32 du code général des collectivités territoriales : " Chaque service départemental ou territorial d'incendie et de secours est placé sous l'autorité d'un directeur départemental des services d'incendie et de secours, assisté d'un directeur départemental adjoint. / (...) ". Aux termes de l'article L. 1424-33 du même code : " Le directeur départemental des services d'incendie et de secours (...) est placé sous l'autorité du président du conseil d'administration du service d'incendie et de secours pour la gestion administrative et financière de l'établissement. / En cas d'absence ou d'empêchement du directeur départemental, le directeur départemental adjoint le remplace dans l'ensemble de ses fonctions. / Pour l'exercice de ses missions, le directeur départemental peut être assisté d'un ou de plusieurs sous-directeurs. / (...) Le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil d'administration peuvent accorder une délégation de signature au directeur départemental, au directeur départemental adjoint et, dans la limite de leurs attributions respectives, aux sous-directeurs, aux chefs de groupement, aux chefs de service et aux chefs des centres d'incendie et de secours. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté n° 2021-02476 du 18 août 2021 dont la publication au recueil des actes administratifs du SDIS n'est pas contestée, le président du conseil d'administration du SDIS a donné délégation au colonel J..., directeur départemental du service départemental d'incendie et de secours de La Réunion, à l'effet de signer un certain nombre d'actes parmi lesquels les décisions en matière de ressources humaines, à l'exception du recrutement ou du licenciement au nombre desquels ne figure pas la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision manque en fait et doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

9. Si la décision du 7 février 2022 du SDIS 974 rejetant la demande de protection fonctionnelle est suffisamment motivée en fait en ce qu'elle mentionne que " Les faits que vous évoquez, outre qu'ils sont très anciens (2011 et 2012), ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Ils relèvent en effet de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique qui autorise l'administration employeur à réguler l'accès aux formations ", elle ne vise pas, en revanche, les dispositions sur lesquelles elle se fonde. Il s'ensuit qu'elle est insuffisamment motivée en droit.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ".

11. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

12. Aux termes de l'article 11 de la même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ".

13. Les dispositions précitées établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, notamment en cas de harcèlement moral, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances. Si la protection fonctionnelle résultant d'un principe général du droit n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

14. M. H... fait valoir qu'il a subi des faits de harcèlement moral, à partir de l'année 2011, de la part de son supérieur hiérarchique, le commandant D..., justifiant le bénéfice de la protection fonctionnelle qu'il revendique.

15. De première part, si M. H... soutient qu'il a été exclu du service prévention et prévision pour des raisons étrangères au service au regard des notes de service du 8 décembre 2011 et du 25 juin 2012 réorganisant les services prévention/prévision, d'une part, la première note du 8 décembre 2011 se borne à réorganiser le service prévention/prévision pour faire face à l'absence de son responsable, en répartissant les responsabilités entre deux majors sans affecter le périmètre d'intervention de M. H... et, d'autre part, le SDIS produit l'organigramme joint à la seconde note du 25 juin 2012 dont il résulte que l'intéressé a été effectivement affecté au service prévention des risques. Si le poste du service prévision des risques a, pour sa part, été offert à un autre agent, l'avis de vacance de poste du 5 décembre 2011, produit au dossier, établit que le SDIS a réservé ce poste aux titulaires du grade de major, grade supérieur à celui de sergent-chef de M. H..., et ce conformément au tableau des emplois. M. H... n'établit pas que ce poste a été réservé, pour des raisons discriminantes, aux seuls agents ayant le grade de major et celui-ci ne disposait donc d'aucun droit à se voir attribuer ce poste quand bien même, en l'absence du lieutenant A... B..., chef du bureau Prévention, il aurait assuré, selon ses dires, le fonctionnement et la continuité du service prévention du GTO et notamment les fonctions de préventionniste n°2 au GTO par l'instruction des dossiers de permis des établissements recevant du public du 1er et 2ème groupe du secteur ouest. Il résulte de ce qui précède que la note du 08 décembre 2011 n'est pas davantage une sanction déguisée quand bien même l'ancien chef de service de l'action préventive auprès du groupement Sud-Ouest a déclaré lors d'une audition auprès des services de gendarmerie que le commandant D... souhaitait cantonner M. H... à des missions simples.

16. De deuxième part, si un arrêté du 17 janvier 2012 du ministre de l'intérieur a ouvert la possibilité aux agents de prévention titulaire de l'unité de valeur prévisionniste 1 (PRV1) qui assurent ou ont assuré l'emploi de chef d'agrès pendant au moins cinq ans, d'accéder à une formation PRV2, il ne résulte pas de l'instruction, alors d'ailleurs que M. H... qui avait exercé des fonctions d'agent de prévention depuis janvier 2008, était titulaire de l'unité de valeur PRV1 et avait été affecté par arrêté 15 novembre 2011 dans un service prévention en qualité de chef d'agrès, ne remplissait pas au regard des autres arrêtés édictés les 20 janvier 2003, 16 février 2006, 4 janvier 2008 durant le déroulé de sa carrière administrative, la condition fonctionnelle requise lui ouvrant droit au bénéfice de cette formation, que son supérieur hiérarchique, le commande D..., aurait écarté ses demandes tendant à suivre l'une des cinq sessions de formation organisées par l'Ecole nationale supérieure des officiers des sapeurs-pompiers (ENSOSP) en 2012 en vue de devenir préventionniste PRV2, pour des raisons étrangères à l'intérêt du service tenant à une animosité particulière envers celui-ci, quand bien même l'ancien chef de service de l'action préventive auprès du groupement Sud-Ouest a déclaré lors d'une audition auprès des services de gendarmerie que M. H... et M. D... ne s'entendaient pas et que ce dernier ne souhaitait pas que M. H... aille se former en métropole.

17. De troisième part, s'il ressort d'un avis de mobilité interne en date du 5 juin 2013 au poste d'agent de prévention SRP que seules " les candidatures ayant plus de deux ans d'ancienneté dans leur poste actuel " seront prises en compte et que M. H..., promu le 1er août 2012, au grade d'adjudant, et muté, à sa demande, le 1er janvier 2013, au groupement sud, à l'EtangSalé, remplissait les conditions statutaires requises sur ce poste à pourvoir mais pas la condition d'ancienneté requise sur son poste actuel, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette condition d'ancienneté justifiée par l'intérêt du service qui s'attache au maintien d'un agent dans son poste pour une durée suffisante, aurait été prévue dans le but de nuire à la candidature de M. H....

18. De quatrième part, si M. H... fait valoir qu'en juillet 2012, le commandant D... avait réussi à lui faire perdre une indemnité de responsabilité de chef d'agrès et une indemnité de spécialité qu'il percevait selon l'arrêté n° 0900 du 14 avril 2008 et qu'en octobre 2012, il avait réussi à lui faire perdre une indemnité de responsabilité de chef d'agrès et deux indemnités de spécialité avec trois emplois statutaires, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence de versement de certaines primes à M. H... en méconnaissance éventuelle du régime indemnitaire auquel aurait eu droit M. H... durant la période en cause tiendrait à une hostilité particulière de son supérieur hiérarchique à son égard, alors d'ailleurs que le commandant D... a annoté sur un courrier de M. H... en date du 27 juin 2012 " Le cas du Sch H... n'est pas isolé. Les services territoriaux (et fonctionnels) disposent de sous-officiers qui œuvrent dans des missions quotidiennes. Leur avenir semble compromis, car ils n'ont pas été pris en compte lors du dernier avancement maintenant les primes ".

19. De cinquième part, si, avant l'arrivée du commandant D... au GTO, M. H... occupait l'emploi de chef d'agrès selon un arrêté n° 2880 du 15 novembre 2011 et que le 15 février 2012, par un arrêté n° 0366, l'emploi de chef d'agrès de M. H... a été remplacé avec effet rétroactif à compter du 1er octobre 2011 par un autre emploi, que cet arrêté du 15 février 2012 ne semble pas avoir été notifié à l'intéressé et que cet arrêté aurait irrégulièrement rapporté un acte créateur de droit, il ne s'évince pas de ces éléments que le commandant D... aurait harcelé moralement M. H... de ce chef. En outre, l'étude graphologique non contradictoire réalisée par Mme C... I..., graphologue, qui qualifie de " suspecte " la signature portée sur cet arrêté n'est pas de nature à elle seule à démontrer que l'arrêté du 15 février 2012 constituerait un faux en écriture.

20. De sixième part, la note du commandant D... du 1er août 2013 adressée au directeur départemental du SDIS instruisant la demande de révision d'une note, qui explique qu'elle attribue à M. H... une note de 0,10 point (bonne progression), là où le lieutenant E... avait évoqué la possibilité de retenir 0,15 (très bonne progression), rappelle que cette progression est honorable et que ledit commandant avait émis des avis favorables pour l'avancement de grade supérieur, l'avancement d'échelon et mobilité interne. Cette note ne comporte aucun élément diffamatoire en ce qu'elle indique que M. H... aurait pu bénéficier d'une progression supérieure s'il avait répondu favorablement aux relèves au niveau du poste de commandement pendant l'incendie du Maïdo de 2011 ou accepté de prendre l'astreinte en sous-préfecture pendant la saison cyclonique 2011-2012. A supposer, en effet, que M. H... n'ait jamais été appelé par le centre opérationnel des services d'incendie et de secours pour intervenir sur ces incendies et que son état de santé fît obstacle à toute intervention de sa part y compris sur des missions de transmission, de traitement d'information et de renseignement au sein du poste de commandement, ce qu'infirme au demeurant un certificat d'aptitude médicale du 19 janvier 2012, cette observation ne saurait, à elle seule traduire un harcèlement moral de sa hiérarchie. D'autre part, il était dans l'intérêt de la population locale qu'un service d'astreinte soit organisé pendant la saison cyclonique quand bien même aucun cyclone n'est effectivement survenu durant cette période et la circonstance que deux groupes d'astreinte aient été constitués sans que M. H... n'en fasse partie ne faisait pas obstacle à ce que son autorité hiérarchique fasse mention de son refus d'y participer dans la note précitée. Enfin, à supposer que les autres reproches adressés à M. H... dans la note précitée tenant à son manque de ponctualité et à sa carence dans la gestion de points de localisation soient infondés, ils ne traduisent pas davantage un harcèlement moral de la part du commandant D.... Au demeurant, le chef du GTO qui a instruit sa demande de révision de notation de l'année 2011, en vue de justifier les raisons pour lesquelles l'intéressé bénéficiait d'une progression limitée à 0,10 point, conforme à l'appréciation littérale, et non d'une progression exceptionnelle de 0,15 point, a relevé qu'un avis favorable avait été émis pour l'avancement au grade d'adjudant de M. H..., sans retenir des reproches qui lui avaient été adressés dans la note du 1er août 2013.

21. Il résulte de ce qui précède que l'autorité hiérarchique de M. H... a agi dans l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique et que celui-ci n'a pas été victime de harcèlement moral justifiant que lui soit accordée pour ce motif, la protection fonctionnelle.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... est fondé, pour le seul motif mentionné au point 9 du présent arrêt, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

23. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". L'article L. 911-2 du même code dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ".

24. Eu égard au motif d'annulation du refus de protection fonctionnelle retenu, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours 974, en application de l'article L. 911-2 précité du code de justice administrative, de réexaminer la demande de protection fonctionnelle de M. H... et de prendre une nouvelle décision. Il y a lieu de prescrire cette mesure dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. H..., qui n'a pas dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme que demande le SDIS 974 au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SDIS 974 la somme demandée par M. H... au même titre.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du 7 février 2022 du service départemental d'incendie et de secours 974 rejetant la demande de protection fonctionnelle de M. H... est annulé.

Article 2 : Le jugement du 4 novembre 2022 du tribunal administratif de La Réunion est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... H... et au service départemental d'incendie et de secours de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2024.

Le rapporteur,

Nicolas F...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 23BX00045


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00045
Date de la décision : 18/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : LANTERO

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-18;23bx00045 ?
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