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18/12/2024 | FRANCE | N°22BX03031

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 6ème chambre, 18 décembre 2024, 22BX03031


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Vago a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la communauté de communes Médullienne a refusé de lui régler la somme de 37 787,88 euros au titre du paiement des prestations réalisées dans le cadre du marché de MAPA 01-2019 ayant pour objet la gestion de ses aires d'accueil des gens du voyage, d'autre part, de condamner cette communauté de communes à lui payer cette somm

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Vago a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la communauté de communes Médullienne a refusé de lui régler la somme de 37 787,88 euros au titre du paiement des prestations réalisées dans le cadre du marché de MAPA 01-2019 ayant pour objet la gestion de ses aires d'accueil des gens du voyage, d'autre part, de condamner cette communauté de communes à lui payer cette somme au titre des factures qu'elle a émises, assortie des intérêts moratoires au taux de 8 %, à compter du 25 octobre 2019 pour la facture du 24 octobre 2019, à compter du

1er novembre 2019 pour la facture du 30 septembre 2019, à compter du 30 novembre 2019 pour la facture du 29 novembre 2019 et à partir du 1er février 2020 pour la facture du 31 décembre 2019, ainsi qu'au paiement de la somme de 200 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et, enfin, de rejeter les conclusions reconventionnelles de la communauté de communes tendant à ce qu'elle soit condamnée à lui verser la somme de 31 384,58 euros en réparation du préjudice subi du fait de la méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles.

Par un jugement n° 2006031 en date du 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 décembre 2022 et le 15 mars 2023, la

SAS Vago, représentée par Me Regaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 octobre 2022 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la communauté de communes Médullienne a refusé de lui régler la somme de 37 787,88 euros au titre du paiement des prestations réalisées dans le cadre du marché de MAPA 01-2019 ayant pour objet la gestion de ses aires d'accueil des gens du voyage et de condamner cette communauté de communes à lui payer cette somme au titre des factures qu'elle a émises, assortie des intérêts moratoires au taux de 8 %, à compter du 25 octobre 2019 pour la facture du 24 octobre 2019, à compter du 1er novembre 2019 pour la facture du 30 septembre 2019, à compter du 30 novembre 2019 pour la facture du

29 novembre 2019 et à partir du 1er février 2020 pour la facture du 31 décembre 2019, ainsi qu'au paiement de la somme de 200 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;

3°) de rejeter les conclusions reconventionnelles présentées par la communauté de communes Médullienne ou, à titre subsidiaire, de ramener à de plus justes proportions ses demandes et de procéder à une compensation entre les factures de travaux justifiées et les sommes dues au titre des factures impayées ;

4°) de mettre à la charge de la communauté de communes Médullienne la somme de 3 000 euros sur le fondement de dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

La société Vago soutient que :

- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en retenant le 26 février 2020 comme date de naissance du différend ;

- sa requête était recevable ; le différend étant né le 22 mars 2020, elle a exposé dans son courrier du 29 avril 2020 les motifs de sa réclamation dans les délais exigés par l'article 37. 2 du CCAG-FCS ; la nouvelle mise en demeure du 29 avril 2020 remplit les critères d'identification d'un mémoire en réclamation ;

- en application des articles 4 et 5 du CCAP, elle a droit au paiement des sommes correspondant aux prestations assurées durant les mois de septembre à décembre 2019 sur les aires d'accueil de Castelnau-De-Médoc et de Sainte-Hélène Castelnau et durant le mois de juin 2019 sur l'aire de grands passages du Porge ;

- la communauté de communes n'a jamais justifié d'éléments probants de nature à établir qu'elle n'aurait pas réalisé les prestations pendant les mois de septembre et d'octobre 2019 ; s'agissant des travaux qui n'auraient pas été réalisés sur l'aire d'accueil de Castelneau et sur l'aire de Sainte Hélène, la collectivité ne précise pas les travaux concernés ni leur montant et ne peut s'appuyer sur un simple état des lieux de sortie ;

- pour opérer des réfactions sur facture, il appartient, selon l'article 9 du CCAP, à l'acheteur, de vérifier la bonne exécution des prestations et le cas échéant d'engager des réfactions par décision motivée ; ce travail n'a été fait que devant les premiers juges par la production de factures d'un montant de 19 468,52 euros TTC, sans démontrer en quoi ces travaux auraient dû être réalisés par la société Vago ;

- la collectivité n'apporte aucun élément pour justifier du non-respect de l'obligation de présence d'agents sur l'aire entre septembre et le 18 novembre 2019 ou de la prétendue absence d'interventions d'entretien ou de nettoyage ; le ou les motifs justifiant le refus de paiement des prestations des mois de juin, novembre et septembre 2019 sont inconnus ;

- la communauté de communes ne pouvait refuser de payer des factures sans justifier, ni motiver sa décision ; par ailleurs, le titulaire du marché doit être en mesure de présenter ses observations ;

- elle n'a jamais refusé de réaliser les travaux sur l'aire de Castelnau-de-Médoc mais était dans l'impossibilité d'y procéder en raison de l'occupation irrégulière de cette aire d'accueil ; la communauté de communes a pris, dès le mois d'août 2019, deux arrêtés d'expulsion notamment pour violence ; malgré les difficultés rencontrées sur ce site, elle a continué à assurer ses obligations contractuelles ;

- les conclusions reconventionnelles présentées par la communauté de communes seront rejetées dès lors qu'il n'est pas établi que ces travaux lui incombaient ; le pouvoir adjudicateur n'a pas dressé de liste précise et motivée des travaux qui auraient dû être à la charge de la société Vago ; aucun élément ne permet de comprendre à quoi correspondent les chiffrages produits ;

- à défaut, ses demandes seront ramenées à de plus justes proportions car le montant des travaux est surévalué et les factures produites font mention de fournitures n'ayant aucun rapport avec la gestion des aires d'accueil de gens du voyage ; les devis produits ont été réalisés pour les besoins de la cause et sont surévalués.

Par deux mémoires en défense enregistrés 11 janvier 2024 et le 27 mars 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la communauté de communes Médullienne, représentée par Me Simon, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de la société Vago ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Vago à lui verser la somme de

31 384,58 euros en réparation du préjudice subi du fait de la méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles ;

3°) de mettre à la charge de la société Vago la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête n'est pas recevable dès lors que la société Vago n'a pas respecté les stipulations de l'article 37.2 applicable au cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures et de services en lui adressant un mémoire en réclamation dans un délai de deux mois à compter du jour où le différend est apparu, de sorte que sa requête est tardive ;

- aucun moyen n'est fondé : le refus de paiement est justifié car la société Vago n'a pas réalisé les prestations conformément aux stipulations contractuelles malgré les mises en demeure qu'elle lui a adressées ;

- la société requérante n'a pas été empêchée d'intervenir sur les lieux en dépit de l'occupation illicite des aires d'accueil des gens du voyage ;

- elle est fondée à demander à titre reconventionnel que la société Vago indemnise son préjudice financier correspondant au coût de remise en état de ces aires.

Par ordonnance du 12 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 mai 2024 à 12 h 00.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;

- le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS) approuvé par l'arrêté du 19 janvier 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Gueguein,

- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public

- et les observations de Me Regaud représentant la société Vago, et de

Me Simon, représentant la communauté de communes Médullienne.

Une note en délibéré présentée par *** a été enregistrée le ***.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement notifié le 8 avril 2019, la communauté de communes Médullienne a confié à la SAS Vago un marché public ayant pour objet l'entretien et la gestion des aires d'accueil pour gens du voyage, soit deux aires d'accueil permanentes implantées sur les communes de Castelnau-de-Médoc et de Sainte-Hélène et l'aire de grands passages implantée sur la commune de Le Porge, sur la période courant du 15 avril au 31 décembre 2019. La société Vago a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la condamnation de la communauté de communes à lui verser la somme de 37 887,88 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des prestations réalisées sur l'aire de grands passages de Le Porge en septembre 2019 et sur les aires d'accueil permanentes pour les mois septembre, octobre, novembre et décembre 2019 non réglées dans le cadre du marché. La communauté de communes Médullienne a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à obtenir réparation du préjudice subi du fait du non-respect par la société Vago de ses obligations de remise en état global des aires. Par un jugement du

12 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les demandes de la société Vago et de la communauté de communes Médullienne. La société Vago relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes des stipulations de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS) approuvé par l'arrêté du 19 janvier 2009 et qui est au nombre des pièces contractuelles du marché en litige, en application de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) : " Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion ".

3. L'apparition d'un différend, au sens des stipulations précitées, entre le titulaire du marché et l'acheteur, résulte, en principe, d'une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l'acheteur et faisant apparaître le désaccord. Elle peut également résulter du silence gardé par l'acheteur à la suite d'une mise en demeure adressée par le titulaire du marché l'invitant à prendre position sur le désaccord dans un certain délai. En revanche, en l'absence d'une telle mise en demeure, la seule circonstance qu'une personne publique ne s'acquitte pas, en temps utile, des factures qui lui sont adressées, sans refuser explicitement de les honorer, ne suffit pas à caractériser l'existence d'un différend au sens des stipulations précédemment citées.

4. Il résulte de l'instruction que, par une lettre du 17 février 2020, réceptionnée le lendemain, la société requérante a mis en demeure la communauté de communes Médullienne de lui régler, notamment, les factures nos 351901084, 351901121, 351901270, 351901398 et 351901544 datées des 24 septembre, 30 septembre, 31 octobre 2019, 29 novembre et

31 décembre 2019 dans un délai de huit jours en précisant qu'à défaut de respecter ce délai, elle s'exposait à la mise en œuvre d'une procédure de recouvrement et au paiement d'intérêts moratoires. Contrairement à ce que soutient la société Vago, l'intervention du courrier du 27 février 2020, postérieurement à l'arrivée à échéance du délai de huit jours, par lequel la communauté de communes Médullienne lui annonçait avoir pris en compte la mise en demeure du 17 février et lui apporter une réponse dans un délai de quinze jours, n'a eu aucun effet sur la date à laquelle le différend, au sens des stipulations de l'article 37.2 du CCAG-FCS, concernant le paiement des factures précitées, est né du refus implicite de payer les sommes réclamées, soit le 26 février 2020.

5. Par conséquent, et alors que la société Vago est fondée à soutenir que le courrier du 29 avril 2020 intitulé " mise en demeure de payer ", qui indique les montants des sommes dont l'entreprise demande le paiement et expose les motifs de cette demande, présente le caractère d'un mémoire de réclamation, ce dernier est intervenu postérieurement au délai de deux mois prévu par l'article 37.2 du CCAG-FCS courant à compter de la naissance du différent, le 26 février 2020. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la tardiveté de l'intervention du mémoire en réclamation et l'irrecevabilité des conclusions tendant au paiement des cinq factures en litige.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vago n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement critiqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme étant irrecevable.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En l'absence de dépens, la demande tendant à leur paiement ne peut qu'être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Vago est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté de communes Médullienne sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société par actions simplifiée Vago et à la communauté de communes Médullienne.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2024.

Le rapporteur,

Stéphane Gueguein La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX03031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX03031
Date de la décision : 18/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS SEBAN NOUVELLE AQUITAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-18;22bx03031 ?
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