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12/12/2024 | FRANCE | N°24BX00983

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 12 décembre 2024, 24BX00983


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour ainsi que l'arrêté du 24 juillet 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2303262-

2305593 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a jugé qu'il n'y avait plus lieu de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour ainsi que l'arrêté du 24 juillet 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2303262-2305593 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire et rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 avril 2024, Mme D... B..., représentée par Me Foucard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre à l'Etat, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui remettre une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ; les traitements nécessaires à son fils A... ne sont ni disponibles ni accessibles en Angola ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

- l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant a été méconnu ;

- l'illégalité du refus de titre de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 septembre 2024 à 12h00.

Mme D... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2024.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Martin,

- et les observations de Me Foucard, représentant Mme D... B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B..., née le 5 janvier 1998, de nationalité angolaise, est entrée en France le 26 janvier 2018 sous couvert d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 14 août 2020, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 2 décembre 2020. La préfète de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français par arrêté du 14 décembre 2020. L'intéressée a demandé le 12 août 2022 son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour accompagner son enfant malade, A..., né le 19 avril 2021. Par arrêté du 24 juillet 2023, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour pour accompagner son enfant malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par jugement du 21 décembre 2023, dont Mme D... B... relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... B... établit que son fils A..., né le 19 avril 2021 sur le territoire français est atteint d'une drépanocytose SS. L'avis émis le 21 novembre 2022 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) indique que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Toutefois, il ressort du certificat médical établi le 12 septembre 2023, postérieurement à l'arrêté attaqué mais qui révèle une situation antérieure, que ni le traitement de base par acide folique, ni le traitement de fond par hydroxiurée dont a besoin cet enfant ne peuvent être obtenus en Angola. Mme D... B... produit un rapport du comité régional de l'Afrique de l'organisation mondiale de la santé (OMS) de 2020 confirmant de manière précise et argumentée ces données. Le laboratoire qui commercialise le Siklos confirme l'absence de ce médicament en Angola. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'enfant pourrait bénéficier d'un autre traitement adapté en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, compte tenu de l'état de santé de son fils et des conséquences qu'aurait pour lui l'exécution de la décision contestée qui impliquerait la séparation d'avec sa mère, l'arrêté du 24 juillet 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de délivrer à Mme D... B... un titre de séjour pour accompagner son enfant malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi a méconnu l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 et doit être annulé.

4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... B... est fondée à demander l'annulation du jugement n° 2303262-2305593 du 21 décembre 2023 du tribunal administratif de Bordeaux et de l'arrêté du 24 juillet 2023 du préfet de la Gironde.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Il y a lieu, compte tenu du motif d'annulation retenu par le présent arrêt, d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer à Mme D... B... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Mme D... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Foucard, avocat de Mme D... B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Foucard de la somme de 1 200 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2303262-2305593 du 21 décembre 2023 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du 24 juillet 2023 du préfet de la Gironde sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme D... B... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Foucard une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Foucard renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde et à Me Foucard.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 décembre 2024.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Frédérique Munoz-PauzièsLa greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX00983


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00983
Date de la décision : 12/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : FOUCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-12;24bx00983 ?
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