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12/12/2024 | FRANCE | N°22BX02607

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 12 décembre 2024, 22BX02607


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'une infection nosocomiale contractée lors de sa prise en charge au centre hospitalier de la Basse-Terre du 30 novembre au 5 décembre 2011.



Par un jugement n° 2101151 du 5 juillet 2022, le tribunal a condamné la SHAM

à lui verser une indemnité de 4 603,25 euros et a mis les frais de l'expertise ordonnée par le jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'une infection nosocomiale contractée lors de sa prise en charge au centre hospitalier de la Basse-Terre du 30 novembre au 5 décembre 2011.

Par un jugement n° 2101151 du 5 juillet 2022, le tribunal a condamné la SHAM à lui verser une indemnité de 4 603,25 euros et a mis les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés à la charge de la SHAM et de M. C..., à hauteur de 50 % chacun.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 octobre 2022, M. C..., représenté par Me Armand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la SHAM à lui verser une indemnité de 15 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de la SHAM une somme de 2 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le lien de causalité entre l'infection et le changement de son défibrillateur automatique implantable (DAI) au centre hospitalier de la Basse-Terre est établi ;

- il a subi de toute évidence un préjudice corporel, moral, financier, patrimonial, économique extrêmement important ;

- son préjudice psychologique est " à son apogée " car il " vit avec un dommage permanent sur sa personne et dans l'oubli et la déconsidération la plus criante de la SHAM " ;

- à la suite d'une expertise réalisée en 2013, son assureur a évalué à 14 900 euros a minima l'indemnisation qu'il était loisible de demander à la SHAM ; le tribunal a procédé à une insuffisante évaluation de son préjudice.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2023, la SHAM, devenue la société Relyens Mutual Insurance, représentée par la SELARL Le Prado, Gilbert, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- contrairement à ce que soutient M. C..., elle lui a proposé une indemnisation en adéquation avec les conclusions de l'expertise judiciaire, et l'impossibilité d'aboutir à un accord était imputable à la demande d'une indemnité de 300 000 euros, manifestement excessive et au demeurant non détaillée ;

- la demande d'une indemnité de 15 000 euros n'est pas ventilée, le requérant se bornant à faire valoir qu'elle correspond à la réparation de son préjudice corporel, moral, financier et patrimonial ; selon l'expert judiciaire, l'infection nosocomiale, qui n'a pas laissé de séquelle avérée et n'a pas aggravé l'état de santé de M. C..., a seulement été à l'origine d'un déficit fonctionnel temporaire et de souffrances, incluant le préjudice moral, évaluées à 3 sur 7 ; l'indemnisation de ces préjudices ne saurait excéder 969,15 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, sur la base de 13 euros par jour de déficit total compte tenu de l'ancienneté des faits, et 3 000 euros au titre des souffrances endurées, de sorte que la requête doit être rejetée.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a été hospitalisé du 30 novembre au 5 décembre 2011 au centre hospitalier de la Basse-Terre pour le changement du boîtier du défibrillateur automatique implantable dont il était porteur depuis 2007, la surveillance de cet appareillage ayant montré une usure précoce. L'intervention a été réalisée le 1er décembre. A partir de février 2012, M. C... a présenté une altération de son état général et un syndrome infectieux, initialement attribués à une pathologie tropicale possiblement contractée lors d'un séjour en Haïti. Un diagnostic d'endocardite a été posé en novembre 2012 lors d'une hospitalisation pour un bilan de diabète au centre hospitalier de la Basse-Terre, et le patient, traité par antibiothérapie, a été transféré le 15 décembre 2012 à l'institut de cardiologie du centre hospitalier universitaire de la Pitié-Salpêtrière, où l'extraction du défibrillateur, réalisée le 19 décembre, a permis de juguler l'infection. Une guérison sans séquelles a été constatée le 2 mai 2013, après des périodes de déficit fonctionnel temporaire

de 100 % durant 37 jours d'hospitalisation, puis de 10 % et de 5 %.

2. Par une ordonnance du 8 juillet 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin, saisi par M. C..., a désigné un expert dont le rapport, déposé le 21 avril 2015, a conclu que l'infection, liée au défibrillateur implantable et contractée lors du séjour au centre hospitalier de la Basse-Terre du 30 novembre au 5 décembre 2011, présentait un caractère nosocomial. M. C..., qui n'a pas accepté l'offre d'indemnisation de la SHAM, assureur du centre hospitalier de la Basse-Terre, devenue la société Relyens Mutual Insurance, a saisi le tribunal administratif de Saint-Martin d'une demande de condamnation de la SHAM à lui verser une indemnité de 15 000 euros. Il relève appel du jugement du 5 juillet 2022 par lequel le tribunal, qui a seulement condamné la SHAM à lui verser une indemnité de 4 603,25 euros, a rejeté le surplus de sa demande.

Sur la responsabilité :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. (...). " Par exception à ce dernier principe, l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique prévoit que : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; / (...). "

4. Ni le caractère nosocomial de l'infection, ni l'engagement de la responsabilité du centre hospitalier de la Basse-Terre au regard de ses conséquences ne sont contestés.

Sur les préjudices :

5. Pour solliciter une indemnité d'un montant global de 15 000 euros en réparation de ses préjudices " corporel, moral, financier, patrimonial ", M. C..., qui n'a pas même précisé dans ses écritures la nature et la ventilation de ces chefs de préjudice, a produit une lettre de son assureur du 25 novembre 2013 évaluant ses préjudices à un total de 14 900 euros, sur la base d'une expertise amiable réalisée dans le cadre de l'assistance protection juridique de son assurance. Cette lettre précisait que tous les postes avaient été volontairement majorés pour permettre une marge de négociation avec la partie adverse. Le tribunal s'est fondé sur l'expertise judiciaire, dont les conclusions sont au demeurant proches de celle de l'expertise amiable, notamment en ce qu'elle ne retient pas de déficit fonctionnel permanent imputable à l'infection. Il a évalué le déficit fonctionnel temporaire (37 jours à 100 %, 116 jours à 10 % et 279 jours à 5 %) à 1 103,25 euros sur une base suffisante à l'époque de 15 euros par jour de déficit total, et les souffrances endurées cotées à 3 sur 5 à 3 500 euros. M. C... reprend en appel sa demande de 15 000 euros en se bornant à se référer à l'expertise amiable qui avait estimé les souffrances endurées à 5 sur 7, et en produisant à nouveau la lettre de son assureur du 25 novembre 2013, dont les termes ne permettent pas de retenir une juste appréciation des préjudices revendiqués. Il ne critique ainsi pas utilement l'indemnisation allouée par les premiers juges sur la base de l'expertise judiciaire. Enfin, la résistance abusive de la SHAM dont il semble se prévaloir en lui imputant d'intenses souffrances psychologiques ne résulte pas de l'instruction, alors que l'assureur du centre hospitalier lui a proposé dès le 9 juin 2016 une indemnisation qu'il n'a pas acceptée.

6. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander le rehaussement de l'indemnité allouée par le tribunal.

Sur les frais exposés à l'occasion du litige :

7. M. C..., qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la société Relyens Mutual Insurance et à la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Antoine Rives, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine GiraultLe greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX02607


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02607
Date de la décision : 12/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : SARL LE PRADO - GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-12;22bx02607 ?
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