Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant total de 136 753,28 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'un refus du préfet de la Guadeloupe de réunir le comité médical afin qu'il se prononce sur sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de son congé de longue durée.
Par un jugement n° 2000088 du 6 juillet 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire enregistrée le 6 septembre 2022 et un mémoire enregistré
le 12 octobre 2022, M. B..., représenté par le cabinet BJMR Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'ordonner avant dire droit une mesure d'instruction auprès de l'IRCANTEC afin d'évaluer son préjudice de perte de retraite et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant total de 136 537,28 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la minute du jugement n'est pas signée, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- par lettres du 17 février 2017, son conseil a demandé au préfet de la Guadeloupe et à la préfète de Saint-Martin de saisir le comité médical pour qu'il se prononce sur son aptitude à exercer et sur l'imputabilité au service de l'accident du 24 juin 2012, en précisant qu'aucune
des autorités administratives compétentes n'avait saisi ce comité ; l'instruction de cette demande imposait la réunion du comité médical pour faire application des dispositions des
articles R. 6152-36 et R. 6152-41 du code de la santé publique ; en jugeant que le préfet n'était pas tenu de saisir le comité médical, le tribunal a fait une appréciation erronée des pièces du dossier et a méconnu ses droits statutaires ;
- en vertu des dispositions de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration, il appartenait au préfet de transmettre sa demande indemnitaire à l'autorité compétente ; en outre, par une ordonnance du 14 août 2018, le juge des référés de la cour a rejeté sa demande de provision au motif que le préfet n'avait pas saisi le comité médical, et par un arrêt du 4 juillet 2022, la cour d'appel de Basse-Terre a reconnu une faute inexcusable de l'employeur ; ainsi, il a droit à l'indemnisation des préjudices subis du fait de la carence du préfet de la Guadeloupe à saisir le comité médical afin qu'il se prononce sur l'imputabilité de son état de santé à l'accident de service dont il a été victime le 24 juin 2012 ;
- il a subi une perte de gains professionnels de 3 605,72 euros par mois durant 24 mois, soit 86 537,28 euros, ainsi qu'une perte de retraite qui devra être évaluée après une mesure d'instruction auprès de l'IRCANTEC ; il conviendra en outre de tenir compte de l'impact de sa perte de revenus sur sa trésorerie ;
- les troubles dans ses conditions d'existence justifient l'allocation d'une indemnité
de 50 000 euros au titre de son préjudice moral.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Joliff, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Le 24 juin 2012, M. B..., médecin anesthésiste et praticien hospitalier titulaire en fonctions au centre hospitalier Louis-Constant Fleming, a eu une vive altercation avec le directeur de l'établissement, a été placé en arrêt de travail et a déclaré un accident du travail. La caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe a admis le caractère professionnel de l'accident par une décision du 28 septembre 2015, mais le directeur du centre hospitalier n'a pas reconnu l'imputabilité au service de la pathologie psychiatrique de l'intéressé. M. B..., qui a été placé en congé de maladie ordinaire suivi d'un congé de longue durée et a repris son activité le 1er octobre 2017, a été rémunéré à plein traitement jusqu'au 30 septembre 2015, puis à demi-traitement du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2017. Estimant qu'il avait droit à un plein traitement pour maladie imputable au service, il a sollicité auprès du juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin la condamnation du centre hospitalier à lui verser une provision de 66 354,29 euros représentant la différence entre un plein traitement et les sommes perçues entre octobre 2015 et mai 2017. Sa demande a été rejetée par une ordonnance n° 1700094
du 28 novembre 2017 au motif que le centre hospitalier n'avait jamais reconnu l'imputabilité au service de ses congés, et son appel a été rejeté par une ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 18BX00166 du 14 août 2018. Par une réclamation préalable du 4 juin 2020 adressée à la préfète déléguée de Saint-Martin et Saint-Barthélemy,
M. B... a sollicité le versement d'une indemnité d'un montant total de 132 170,32 euros au titre de ses pertes de revenus et de son préjudice moral, en invoquant un manquement de l'autorité préfectorale qui n'avait pas donné suite à ses demandes de saisine du comité médical afin qu'il se prononce sur la qualification d'accident du travail. En l'absence de réponse,
M. B... a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner l'Etat à lui verser cette indemnité. Il relève appel du jugement du 6 juillet 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande au motif que la responsabilité pour faute de l'Etat n'était pas engagée.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement du 6 juillet 2022 a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation qui en a été notifiée aux parties ne comporte pas ces signatures manuscrites est sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, le moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être rejeté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. D'une part, aux termes de l'article R. 6152-35 du code de la santé publique dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er avril 2017, applicable en l'espèce : " Les praticiens régis par la présente section ont droit : / (...) 4° A des congés de maladie, longue maladie, longue durée dans des conditions fixées aux articles R. 6152-37 à R. 6152-39 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 6152-37 du même code : " En cas de maladie dûment constatée et attestée par un certificat médical mettant un praticien dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, celui-ci est de droit mis en congé par décision du directeur de l'établissement. (...) " Aux termes de l'article R. 6152-39 de ce code : " Un praticien reconnu atteint de tuberculose, de maladie mentale, d'affection cancéreuse, de poliomyélite ou de déficit immunitaire grave et acquis par le comité médical et empêché d'exercer ses fonctions est de droit mis en congé de longue durée par décision du préfet du département. / Le congé de longue durée ne peut être accordé pour une durée inférieure à trois mois ou supérieure à six mois. Il peut être renouvelé à concurrence d'un total de cinq années. Au-delà de ce total de congés, le praticien qui ne peut reprendre son service est mis en disponibilité dans les conditions fixées aux articles R. 6152-62, R. 6152-63 et R. 6152-65. / Le praticien placé en congé de longue durée a droit au maintien de la totalité de ses émoluments pendant trois ans, et de la moitié pendant deux ans. "
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 6152-36 du code de la santé publique : " Un comité médical, placé auprès de chaque préfet, est chargé de donner un avis sur l'aptitude physique et mentale des praticiens régis par le présent statut à exercer leurs fonctions, ainsi que sur toute question d'ordre médical les intéressant pour l'application des dispositions du présent statut. / Le comité est saisi soit par le directeur général de l'agence régionale de santé, soit par le directeur de l'établissement de santé après avis du président de la commission médicale d'établissement, soit par le directeur général du Centre national de gestion. (...). " Aux termes de l'article R. 6152-41 du même code, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er avril 2017 : " Les dispositions des articles R. 6152-37 à R. 6152-39 ne s'appliquent pas en cas de maladie imputable au service ou d'accident survenu dans l'exercice des fonctions ou à l'occasion desdites fonctions. En ce cas, l'intéressé continue à percevoir la totalité des émoluments qui lui sont accordés en application du 1° de l'article R. 6152-23 dans la limite d'une année. A l'issue de cette période, son cas est soumis par le préfet du département au comité médical qui propose, soit sa réintégration, soit la prolongation du congé dans les mêmes limites de durée et de rémunération, à concurrence d'un total de cinq années ".
5. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles R. 6152-37 et R. 6152-41 du code de la santé publique que le placement en congé de maladie d'un praticien hospitalier relève de la compétence du directeur de l'établissement, et que le préfet n'est tenu de saisir le comité médical que pour le renouvellement d'un congé de maladie imputable au service. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a pas été placé en congé pour maladie imputable au service par le directeur du centre hospitalier, de sorte que le préfet n'avait pas à saisir le comité médical. Par ailleurs, M. B... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir d'un droit à la saisine du comité médical sur le fondement de l'article R. 6152-36, lequel n'impose pas la consultation de ce comité préalablement à un placement en congé de maladie imputable au service.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande indemnitaire dirigée contre l'Etat.
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
7. M. B..., qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre de la santé
et de l'accès aux soins. Des copies en seront adressées au préfet de la Guadeloupe, au centre hospitalier Louis-Constant Fleming et à l'agence régionale de santé Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Antoine Rives, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
La rapporteure,
Anne A...
La présidente,
Catherine GiraultLe greffier,
Fabrice Benoit
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX02414