Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2024 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2400865 du 12 mars 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 juin 2024, Mme C..., représentée par Me Trebesses, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 mars 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2024 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'ensemble des décisions critiquées est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- le jugement remet en question la décision du juge judiciaire en retenant que le tribunal judiciaire pourra, en cas de " reconduite ", désigner un nouveau mandataire judiciaire pour assurer les missions de tuteur auprès de son conjoint ;
- le décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire n° 2024/000867 du 25 avril 2024.
Une ordonnance du 11 septembre 2024 a fixé la clôture de l'instruction au 16 octobre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Stéphane Gueguein, a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré présentée par Me Trebesse pour Mme B... D..., épouse C... a été enregistrée le 28 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... D... épouse C..., ressortissante géorgienne née le 9 janvier 1995, est entrée en France le 14 septembre 2022 et a sollicité le 11 octobre 2022 le bénéfice de l'asile. A la suite du rejet de sa demande, par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 octobre 2023, confirmée par une décision du 30 janvier 2024 de la Cour nationale du droit d'asile, le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 19 janvier 2024, refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de réfugié, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme C... relève appel du jugement du 12 mars 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'ensemble de ces décisions.
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... C..., époux de la requérante, a présenté en avril 2022 une demande d'admission au séjour, en qualité d'étranger malade, et qu'après avoir pris connaissance de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 29 juillet 2022, le préfet de la Gironde a opposé un refus à cette demande le 19 janvier 2024. Le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ce refus, par un jugement du 12 mars 2024, au motif qu'il n'y était fait nulle mention de la seconde demande de titre de séjour déposée le 11 janvier 2024 par l'intéressé à la suite d'une aggravation de son état de santé. Il est constant que la décision de refus de titre de séjour en litige également prise le 19 janvier 2024 à l'encontre de Mme C... ne fait pas mention de la demande de titre de séjour " étranger malade " de son conjoint. Le préfet n'ayant ainsi pas pris en compte l'évolution potentielle des droits à séjour du conjoint de l'intéressée pour apprécier l'ampleur des atteintes que la décision critiquée était susceptible d'avoir sur son droit à mener une vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Mme B... C... est fondée à soutenir que la décision préfectorale du 19 janvier 2024 portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa demande.
3. Les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ainsi que celle portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de délivrer le titre de séjour sollicité.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement, la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du préfet de la Gironde du 19 janvier 2024 et, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi et prononçant une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français que cet arrêté comporte également.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2024 implique seulement, eu égard au motif d'annulation retenu, que le préfet de la Gironde procède au réexamen de la situation de Mme C.... Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde d'y procéder dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Trebesses, conseil de Mme C..., une somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 mars 2024 et l'arrêté du préfet de la Gironde du 19 janvier 2024 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de Mme C... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Trebesses, conseil de Mme C..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à Me Trebesses et au ministre de l'intérieur.
Copie sera communiquée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2024.
Le rapporteur,
Stéphane Gueguein La présidente,
Karine Butéri
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01420