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11/12/2024 | FRANCE | N°22BX02298

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 6ème chambre, 11 décembre 2024, 22BX02298


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (Eurl) Haadurh Fried Chicken a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016.



Par un jugement n° 2003387 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé la réductio

n des bases d'impositions afin de retenir une proportion de vente de menus avec boissons de 70% et de ven...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (Eurl) Haadurh Fried Chicken a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016.

Par un jugement n° 2003387 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé la réduction des bases d'impositions afin de retenir une proportion de vente de menus avec boissons de 70% et de vente de menus sans boissons de 30%, a déchargé la société Haadurh Fried Chicken, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016 conformément aux bases d'imposition modifiées et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés, le 18 août 2022 et le 16 août 2023, l'Eurl Haadurh Fried Chicken, représentée par Me Labattut, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 juin 2022 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016 restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- il est insuffisamment motivé quant au bien-fondé de la reconstitution de recettes et entaché de contradiction de motifs ou d'une erreur matérielle concernant la prise en compte de la proportion des menus " wrap " et plus généralement des menus avec ou sans boisson ;

- le tribunal a omis de statuer sur le profit de TVA et les distributions ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- les rectifications prononcées au titre de l'année 2014 sont prescrites dès lors que le pli contenant la proposition de rectification n'a pas été régulièrement signifié à M. A... qui n'avait pas qualité pour le recevoir et que des mesures de réexpédition du courrier vers l'Angleterre avaient été mises en place ; la doctrine référencée BOI-CTX-ADM-10-20-20-20161227 n°30 confirme cette analyse ;

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires opérée par l'administration est radicalement viciée, particulièrement sur les bouteilles de deux litres et sur la ventilation du chiffre affaires avec ou sans boissons utilisée par l'administration ; ainsi les ventes répertoriées wrap à 5 euros correspondent à des ventes de menu " wrap poulet " avec frites et boisson, menu le plus vendu, qui est distinct du menu wrap à 4 euros correspondant à un wrap seul ;

- la rectification relative aux distributions doit être annulée dès lors qu'il n'y a pas de rehaussement de recettes ni de rehaussement de taxe sur la valeur ajoutée collectée ;

- les pénalités pour manquement délibéré sont insuffisamment motivées et infondées.

Par des mémoires en défense enregistrés le 1er mars 2023 et le 10 janvier 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 janvier 2024 à 12:00 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de procédure civile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- et les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Haadurh Fried Chicken qui exerce une activité de restauration rapide dans trois établissements situés à Cenon, Libourne et Angoulême, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période courant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 qui a été prolongée en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 31 mars 2017. A l'issue de cette vérification, le service a rejeté la comptabilité de la société comme non probante et a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires. Le service a alors mis à la charge de la société des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. En outre, ont été prononcées au titre de ces mêmes années des majorations pour manquement délibéré. Après que sa réclamation contentieuse a été partiellement admise par une décision du 28 mai 2020, la société Haadurh Fried Chicken a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016.

2. Par un jugement du 7 juin 2022, le tribunal a prononcé la réduction des bases d'imposition afin de retenir une proportion de vente de menus avec boissons de 70% et de vente de menus sans boissons de 30%, a déchargé la société Haadurh Fried Chicken, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016 conformément aux bases d'imposition modifiées et a rejeté le surplus de sa demande. La société requérante relève appel de ce jugement dont elle demande la réformation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". A cet égard, si le juge est tenu de répondre aux moyens des parties, il n'est pas dans l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de ces moyens.

4. Il ressort des termes du jugement attaqué, d'une part, que les premiers juges ont indiqué de manière suffisamment précise au point 8 de ce jugement les motifs pour lesquels ils ont estimé que la méthode de reconstitution des recettes retenue par l'administration fiscale à la suite du rejet de la comptabilité de la société était excessivement sommaire. Si la société requérante soutient que l'appréciation portée par le tribunal " fixant le pourcentage de répartition des ventes de menus avec ou sans boissons à hauteur respectivement de 70% et de 30% " serait erronée et que " les bouteilles de deux litres dans la détermination du chiffre d'affaires " serait " théorique ", elle conteste ainsi le bien-fondé du jugement et non sa régularité. D'autre part, il résulte des termes du jugement attaqué qu'il a été répondu, au point 13, par une motivation suffisamment précise, au moyen tiré de l'absence de bien-fondé des pénalités. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement au motif qu'il serait insuffisamment motivé doit être écarté.

5. En second lieu, il résulte de l'instruction que les dégrèvements prononcés en exécution de la décision du 28 mai 2020 d'admission partielle de la réclamation contentieuse par l'administration ont emporté automatiquement un dégrèvement du profit sur le Trésor et des distributions à due concurrence. Dans ces conditions, et en l'absence de tout moyen soulevé devant les premiers juges concernant ces deux éléments, le moyen tiré d'une omission à statuer du tribunal, qui n'était saisi d'aucune contestation spécifique, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la prescription du délai de reprise de l'année 2014 :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

6. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) ". Selon l'article L. 176 du même livre : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. ". L'article L. 188 du même livre prévoit que : " Le délai de prescription applicable aux amendes fiscales concernant l'assiette et le paiement des droits, taxes, redevances et autres impositions est le même que celui qui s'applique aux droits simples et majorations correspondants ". Aux termes de l'article L. 189 de ce livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun ". Selon l'article 651 du code de procédure civile : " Les actes sont portés à la connaissance des intéressés par la notification qui leur en est faite. / La notification faite par acte d'huissier de justice est une signification. / La notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l'aurait prévue sous une autre forme ".

7. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable. L'expéditeur d'un pli recommandé est en droit de regarder comme régulièrement parvenu à son destinataire un tel pli, dès lors que l'avis de réception lui a été renvoyé, et sans qu'il appartienne à cet expéditeur de rechercher si le signataire dudit avis de réception avait qualité pour y apposer sa signature. Lorsque le contribuable soutient ne pas avoir signé l'avis de réception d'un pli recommandé, portant notification d'une proposition de rectification, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli dont il s'agit. Dans le cas où le contribuable n'apporte aucune précision sur l'identité de la personne signataire des avis litigieux et s'abstient de dresser la liste des personnes qui, en l'absence de toute habilitation, auraient néanmoins eu qualité pour signer de tels avis, il ne peut être regardé comme ayant démontré que le signataire de l'avis de réception n'était pas habilité à réceptionner ce pli.

8. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 20 décembre 2017 a été signifiée par exploit d'huissier de justice à l'adresse du siège de la société le 22 décembre 2017 à M. A..., cuisinier, lequel a déclaré être habilité et a accepté de recevoir l'acte. Si le gérant de la société requérante soutient que M. A... n'était pas habilité à retirer le pli et travaillait pour un autre de ses restaurants, il n'a pas dressé la liste des personnes ayant qualité pour signer l'avis en son absence. Ni l'attestation rédigée par M. A... le 15 juillet 2020 indiquant qu'il n'était pas habilité par le gérant à recevoir le pli, ni la circonstance que le gérant avait mis en place un ordre de réexpédition de son courrier à l'adresse d'un ami en Angleterre, puis au Sri Lanka où il devait ensuite se rendre, ne suffisent à démontrer, ainsi qu'il lui appartient de le faire, que le signataire dudit avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli dont s'agit. Par suite, la signification par voie d'huissier de justice du 22 décembre 2017 a pu régulièrement interrompre la prescription du droit de reprise des impositions mises à la charge de la société requérante au titre de l'exercice clos en 2014.

S'agissant de l'application de la doctrine :

9. La société requérante ne peut utilement se prévaloir des mentions contenues dans le bulletin officiel BOI-CTX-ADM-10-20-20-20161227 n° 130 du 27 décembre 2016 dès lors qu'en énonçant des prescriptions relatives à la procédure contentieuse devant le juge de l'impôt, les instructions données par l'administration à ses services ne procèdent pas à l'interprétation de la loi fiscale au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la reconstitution de recettes :

10. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu (...) ".

11. Il résulte de l'instruction que la société a fait le choix de tenir une comptabilité informatisée. Or, le service a constaté qu'en l'absence de chemin de révision, il n'était pas en mesure de retracer les recettes journalières enregistrées dans les caisses d'enregistrement des trois restaurants concourants à l'établissement des recettes déclarées sur l'ensemble de la période vérifiée. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a rejeté la comptabilité de la société comme non probante.

12. Pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société requérante, l'administration a tout d'abord déterminé le montant des achats de boissons revendues après application de la variation des stocks par contenance de bouteilles (inférieure à 33 cl, 33 cl, 50 cl, 1,5l et plus). Ensuite, la répartition du chiffre d'affaires par produit par rapport au chiffre d'affaires total a été déterminée à partir de l'analyse des tickets statistiques par produits, émis par la caisse enregistreuse de l'établissement de Cenon sur toute la période vérifiée. Le service a alors réparti les ventes en fonction des produits vendus avec ou sans boisson et a pu déterminer le nombre de boissons revendues dans le cadre de menus ou de vente de boissons seules. Le chiffre d'affaires avec boisson a été reconstitué en appliquant le prix moyen pondéré ou le prix du produit vendu au nombre de boissons revendues dans le cadre de menus et de ventes de boissons seules précédemment obtenu. Pour déterminer le chiffre d'affaires total, le service a enfin divisé le chiffre d'affaires avec boissons reconstitué par le pourcentage de répartition par produits vendus avec boissons et a pris en compte une somme de 15% correspondant aux pertes et offerts estimés par la société requérante.

13. Il résulte de l'instruction que la commission départementale des impôts a, dans son avis rendu le 5 octobre 2018, confirmé, d'une part, la position de l'administration concernant la prise en compte, dans la reconstitution des recettes, des bouteilles d'une contenance de deux litres, d'autre part, la position de la société concernant la détermination du pourcentage de bouteilles vendues seules, et enfin, a invité les parties à se rencontrer afin de déterminer le pourcentage des ventes de menus avec boisons, et de celles sans boissons. L'administration a établi les impositions en litige conformément aux deux premiers points réglés par l'avis de la commission départementale des impôts, sur le troisième, elle a invité les parties à se rencontrer afin de déterminer le pourcentage des ventes de menus avec boisons et de celles sans boissons.

Quant à la détermination du pourcentage de ventes de menus " wrap " avec ou sans boissons :

14. Il résulte de l'instruction que l'administration n'a pas proposé de rencontre, comme le préconisait la commission départementale des impôts, à la société requérante avant de déterminer le pourcentage de ventes de menus avec ou sans boisson et de proposer les nouvelles rectifications en cause. Dès lors, l'administration supporte la charge de la preuve en ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition sur ce point.

15. Il résulte de l'instruction que, pour déterminer la répartition des ventes de menus avec ou sans boisson, la vérificatrice s'est fondée sur les éléments produits par la société requérante, à savoir les factures d'achats de boissons, les tickets statistiques issus de la caisse enregistreuse de l'établissement de Cenon, et a tenu compte de la diversité des menus et produits proposés à la vente. Ainsi qu'elle le précise, en répartissant par moitié le produit wrap à 5 euros dans les ventes avec ou sans boisson, elle a pu rétablir une proportion plus importante des ventes de menus avec boisson par rapport aux ventes de produits sans boisson. Ce qui a induit une répartition globale correspondant à 75% de menus avec boisson et à 25 % de menus sans boisson. Toutefois, l'administration n'a pas proposé de rencontre, la répartition opérée n'est fondée sur aucune donnée précise quant à la répartition pour moitié du menu " wrap " au prix de 5 euros dans les ventes avec boisson et les ventes sans boisson et rend donc sur ce point la méthode de reconstitution de l'administration excessivement sommaire.

16. La société requérante remet en cause le bien-fondé de la reconstitution opérée en soutenant que le service aurait dû retenir une répartition des ventes de menus avec ou sans boisson selon le ratio 90% pour les menus avec boisson et de 10% pour les menus sans boisson en s'appuyant sur les éléments d'une étude chiffrée relative à d'autres sociétés du même gérant dont il résulte que la quasi-totalité des menus " wrap " vendus sont des menus à 5 euros comportant un sandwich, des frites et une boisson. S'il est vrai que de tels éléments ne reposent que sur les données des autres sociétés du gérant et ne sont par conséquent pas totalement transposables, il demeure que les éléments du dossier permettent de considérer qu'en toute logique commerciale la plupart des menus " wrap " à 5 euros sont vendus avec boisson. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en fixant le pourcentage de répartition des ventes de menus avec boisson à 85% et des menus sans boisson à 15%. Par suite, la société requérante est fondée, dans cette limite, à demander la réduction en base des impositions en litige et à demander la réformation du jugement en tant qu'il retient un ratio différent.

Quant à la prise en compte des bouteilles d'une contenance de deux litres :

17. Pour justifier la prise en compte des bouteilles d'une contenance de deux litres dans la reconstitution des recettes de la société requérante, l'administration fait valoir sans être contredite que si ces bouteilles n'apparaissent plus sur la carte des produits vendus par la société requérante, elles sont proposées à la vente à emporter et qu'elle a en outre pris en compte la consommation par le personnel de ces bouteilles dans la somme déduite correspondant aux pertes et offerts estimés par la société requérante à 15%. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a pris en compte les bouteilles d'une contenance de deux litres pour reconstituer les recettes de la société requérante.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la société Haadurh Fried Chicken est seulement fondée à demander la réduction des bases d'imposition telle que fixée par l'administration à un pourcentage de 85% de ventes de menus avec boisson et de 15% de ventes de menus sans boisson pour la reconstitution du chiffre d'affaires. Le montant des distributions mises à la charge de la société sera réduit à due concurrence. Enfin, le jugement sera réformé en tant qu'il prévoit une base imposable moins favorable.

En ce qui concerne les pénalités pour manquement délibéré :

19. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de (...) / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la procédure de sanction en litige : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / (...)".

20. D'une part, il résulte de l'instruction que, la proposition de rectification notifiée à la société requérante qui comporte la base légale de l'article 1729 du code général des impôts et le montant détaillé des pénalités infligées, l'application des majorations pour manquement délibéré a été motivée par l'importance des sommes minorées et leur caractère répété tout au long de la période vérifiée. Le service, qui a ainsi notamment indiqué la nature précise des faits constatés, a par conséquent suffisamment motivé l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts.

21. D'autre part, en se fondant sur l'importance des sommes minorées et leur caractère répété tout au long de la période vérifiée, traduisant une intention délibérée de la part de la société requérante d'éluder l'impôt, l'administration apporte la preuve du bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré.

22. Il résulte de ce qui précède que la société Haadurh Fried Chicken est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a retenu une proportion des ventes de menus avec boisson de 70 % et de ventes de produits sans boisson de 30 %, ce ratio devant être établi à hauteur de 85 % pour les ventes de menus avec boisson de 15% pour les ventes de produits sans boisson.

Sur les frais liés au litige :

23. Il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à la société requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La société Haadurh Fried Chicken est déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, en droits et pénalités, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2014 à 2016 correspondant à la réduction des bases d'imposition mentionnée à l'article 18 du présent arrêt.

Article 2 : L'Etat versera à la société Haadurh Fried Chicken une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Haadurh Fried Chicken et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Stéphane Guéguein, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2024.

La rapporteure,

Caroline Gaillard

La présidente,

Karine Butéri

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX02298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02298
Date de la décision : 11/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : LABATTUT & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-11;22bx02298 ?
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