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05/12/2024 | FRANCE | N°22BX02308

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 05 décembre 2024, 22BX02308


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la communauté de communes Eguzon Argenton Vallée de la Creuse à lui verser une indemnité

de 37 812,77 euros en réparation des préjudices en lien avec sa chute à la déchetterie La Canie située sur le territoire de la commune de Baraize, le 27 avril 2016.



Par un jugement n° 1902022 du 16 juin 2022, le tribunal a condamné la communauté de communes à verser une indemnité de

20 703,20 euros à M. B..., et a rejeté le surplus de la demande.



Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la communauté de communes Eguzon Argenton Vallée de la Creuse à lui verser une indemnité

de 37 812,77 euros en réparation des préjudices en lien avec sa chute à la déchetterie La Canie située sur le territoire de la commune de Baraize, le 27 avril 2016.

Par un jugement n° 1902022 du 16 juin 2022, le tribunal a condamné la communauté de communes à verser une indemnité de 20 703,20 euros à M. B..., et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 août 2022 et un mémoire enregistré le 17 mai 2024, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Loir-et-Cher agissant pour le compte de la CPAM de l'Indre, représentée par Me Maury, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a statué sur des postes soumis à son recours sans disposer de la notification de ses débours ;

2°) de condamner la communauté de communes Eguzon Argenton Vallée de la Creuse à lui verser une somme de 39 381,86 euros, avec intérêts à compter de l'enregistrement de sa requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes les sommes de 1 191 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le 15 novembre 2019, M. B... a saisi le tribunal d'une demande de condamnation de la communauté de communes Eguzon Argenton Vallée de la Creuse à l'indemniser de ses préjudices en lien avec l'accident dont il a été victime le 27 avril 2016 ; le tribunal, qui ne lui a transmis la procédure que par un courrier du 16 mai 2022 et ne l'a pas avisée de la date d'audience fixée au 4 juin 2022, ne lui a pas permis d'exercer son recours subrogatoire, et a irrégulièrement statué sur les dépenses de santé ;

- M. B... n'est pas fondé à invoquer l'irrecevabilité de l'appel principal de la caisse, dont la recevabilité conditionne au demeurant celle de son appel incident ;

- c'est à bon droit que le tribunal a retenu la responsabilité de la communauté de communes à hauteur de 70 % des préjudices ;

- elle a exposé, en lien avec l'accident, 48 097,80 euros de frais hospitaliers, 1 846,14 euros de frais médicaux, 158,21 euros de frais pharmaceutiques, 491,65 euros de frais d'appareillage et 5 747 euros de frais de transport, dont il convient de déduire 81 euros de franchises ; sur la base d'une part de responsabilité de 70 %, elle sollicite le remboursement de la somme de 39 381,86 euros.

Par un mémoire enregistré le 16 février 2024, M. B..., représenté par la SCP Rouet, Hemery et Robin, conclut au rejet de la requête et demande à la cour à titre principal de réformer le jugement en ce qu'il a retenu seulement une part de responsabilité de 70 % de la communauté de communes Eguzon Argenton Vallée de la Creuse, de porter la condamnation prononcée à son profit à 37 812,77 euros, et de mettre à la charge de la communauté de communes une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à titre subsidiaire de confirmer le jugement.

Il soutient que :

- dès lors que la procédure a été transmise à la CPAM de Loir-et-Cher, l'appel de

celle-ci doit être rejeté ;

- son appel incident n'est soumis à aucune condition de délai ;

- alors même qu'il connaissait les lieux, l'expert amiable a relevé qu'un chevron était présent au sol de manière instable, ce qui constitue un risque de déséquilibre ; la déchetterie ne respectait pas les prescriptions relatives à la prévention des chutes et collisions fixées par l'arrêté du 26 mars 2012 ; ainsi, la communauté de communes doit supporter l'intégralité des préjudices ;

- il a supporté 22 euros de frais de télévision durant l'hospitalisation et 128,12 euros de frais d'optique ;

- l'assistance par une tierce personne durant 2 heures par jour du 28 mai au

27 octobre 2016 (72 heures) doit être évaluée à 8 724 euros sur la base de 12 euros par heure ;

- sur la base de 25 euros par jour de déficit total, les périodes de déficit fonctionnel temporaire retenues par l'expertise du docteur D... doivent être évaluées à 5 093 euros ;

- il sollicite les sommes de 5 000 euros au titre des souffrances endurées de 3,5 sur 7 et de 12 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 10 %.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2024, la communauté de communes Eguzon Argenton Vallée de la Creuse, représentée par Me Caumette, demande à la cour à titre principal de réformer le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité partielle, de rejeter les demandes de M. B... et de la CPAM de Loir-et-Cher, et de mettre à leur charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à titre subsidiaire de confirmer le jugement et de statuer ce que de droit sur la demande de la CPAM de Loir-et-Cher.

Elle fait valoir que :

- il n'est pas établi que la chute de M. B..., qui n'a pas eu de témoin, serait imputable à la présence d'un chevron ou à la configuration des lieux ; le salarié de la déchetterie a proposé son aide à M. B..., qui l'a refusée ; M. B... connaissait parfaitement les lieux, qu'il fréquentait régulièrement, et avait connaissance du risque de chute ; ainsi, le lien de causalité entre la chute et la dangerosité alléguée n'est pas établi ;

- à titre subsidiaire, le jugement pourrait être confirmé en ce qu'il a limité la responsabilité de la communauté de communes à 70 % et fixé les préjudices à 20 703,30 euros ;

- il pourra être statué ce que de droit sur la demande de la CPAM de Loir-et-Cher, sauf à réduire à de plus justes proportions la demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 21 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 21 juin 2024.

Par lettre du 7 octobre 2024, les parties ont été informées, en application de

l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'appel de M. B... en tant qu'il porte sur des postes de préjudices autres que ceux qui font l'objet de l'appel principal de la CPAM de Loir-et-Cher, dès lors qu'il a été enregistré postérieurement à l'expiration du délai d'appel.

Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public ont été présentées pour M. B... le 6 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Le 27 avril 2016, M. B... a été pris en charge par le SAMU après avoir fait une chute dans une benne à gravats de la déchetterie La Canie située sur le territoire de la commune de Baraize (Indre), et a été transporté au service des urgences du centre hospitalier de Châteauroux, où un traumatisme crânien et diverses fractures ont été diagnostiqués. Il a été transféré le même jour au centre hospitalier universitaire de Tours, où il a été pris en charge jusqu'au 27 mai 2016. Une expertise amiable organisée en juillet 2016 par la société Groupama, assureur de la communauté de communes Eguzon Argenton Vallée de la Creuse gestionnaire de la déchetterie, a conclu que dès lors que les causes de la chute n'étaient pas connues, la responsabilité de cette collectivité ne semblait pas pouvoir être engagée. Après avoir présenté une réclamation préalable reçue le 15 juillet 2019 et restée sans réponse, M. B... a saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande de condamnation de la communauté de communes à lui verser une indemnité de 37 812,77 euros. Par un jugement du 16 juin 2022, le tribunal a condamné la communauté de communes Eguzon Argenton Vallée de la Creuse, sur la base d'une part de responsabilité de 70 %, à verser une indemnité de 20 703,20 euros

à M. B.... La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Loir-et-Cher, agissant pour le compte de la CPAM de l'Indre, relève appel de ce jugement en ce qu'il a statué sur des postes de préjudice soumis à son recours sans que le tribunal l'ait mise en mesure de produire sa créance, et demande la condamnation de la communauté de communes à lui verser une somme

de 39 381,86 euros. Par son appel incident, la communauté de communes conteste le principe de sa responsabilité. Enfin, M. B... demande que l'indemnisation qui lui a été allouée soit portée à 37 812,77 euros.

Sur la recevabilité des conclusions de M. B... :

2. L'appel de M. B..., enregistré postérieurement à l'expiration du délai d'appel, ne porte sur le même litige que l'appel principal de la CPAM de Loir-et-Cher qu'en ce qui concerne le poste de préjudice des dépenses de santé. Pour le surplus, les conclusions de M. B..., qui ne sont pas dirigées contre la caisse et ne présentent pas le caractère d'un appel incident, relèvent d'un appel principal tardif, et par suite irrecevable.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes du huitième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, relatif au recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale contre le responsable d'un accident ayant entraîné un dommage corporel : " L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement (...) ". Il appartient au juge administratif d'assurer, en tout état de la procédure, le respect de ces dispositions.

4. Le tribunal, qui avait omis de mettre en cause la CPAM de Loir-et-Cher, lui a communiqué à sa demande l'ensemble de la procédure le 16 mai 2022, mais ne lui a pas imparti de délai pour produire ses écritures, contrairement à ce qu'indique le jugement, et ne l'a pas informée de la date de l'audience fixée au 2 juin 2022. Dans ces circonstances, la CPAM de Loir-et-Cher est fondée à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité en tant qu'il ne l'a pas mise à même de faire valoir ses droits, et à demander son annulation dans cette mesure.

5. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur le recours de la CPAM de Loir-et-Cher et les conclusions de M. B... relatives aux dépenses de santé.

Sur la responsabilité :

6. Il appartient à la victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public dont elle était usager et le dommage dont elle se prévaut. La collectivité en charge de l'ouvrage public peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit de ce que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.

7. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise amiable mentionnée au point 1, qu'un usager a alerté l'agent de la déchetterie, lequel a immédiatement appelé les secours, sur la chute de M. B... dans une benne contenant quelques seaux de gravats. Le lien de causalité entre la benne et le dommage est ainsi établi. La même expertise, illustrée de photographies, fait apparaître qu'il n'existait pas de protection de type garde-corps devant la benne d'une profondeur de 1,90 mètre, située en contrebas de la zone de décharge, et que le site ne comportait pas de panneaux d'information sur le risque de chute. La dangerosité de cet accès à la benne caractérise un défaut d'entretien normal, ce que la communauté de communes ne conteste pas utilement en faisant valoir qu'il n'est pas établi que la chute de M. B... serait imputable à la présence d'un chevron.

8. Il ne résulte de l'instruction ni que M. B..., qui n'a conservé aucun souvenir de l'accident, aurait été victime d'un malaise, ni qu'il aurait été déséquilibré en montant sur un chevron installé sur la zone de déchargement. En revanche, il est constant qu'il connaissait les lieux, dont la configuration présentait pour tout usager, même non averti, un risque évident dont il convenait de se prémunir en prenant les précautions nécessaires lors des opérations de déchargement. Le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation de la faute de la victime en fixant la part de responsabilité de la communauté de communes à 70 %.

Sur le recours de la caisse et les dépenses de santé de M. B... :

9. M. B... ne démontre pas davantage en appel qu'en première instance qu'il aurait supporté des frais d'optique en lien avec l'accident du 27 avril 2016, et les frais de location d'un téléviseur durant son hospitalisation, admis par le tribunal, ne constituent pas des dépenses de santé. La CPAM de Loir-et-Cher justifie avoir exposé 48 097,80 euros de frais hospitaliers

du 27 avril au 27 mai 2016, 1 846,14 euros de frais médicaux, 158,21 euros de frais pharmaceutiques, 491,65 euros de frais d'appareillage et 5 747 euros de frais de transport, dont il convient de déduire 81 euros de franchises, soit au total 56 259,80 euros. Par suite, la caisse est fondée à demander la condamnation de la communauté de communes à lui verser une somme

de 39 381,86 euros après application du taux de responsabilité de 70 %.

Sur les intérêts :

10. Il y a lieu de faire droit aux conclusions de la CPAM de Loir-et-Cher tendant à ce que les sommes qui lui ont été allouées portent intérêt au taux légal à compter de l'enregistrement de sa requête d'appel, le 22 août 2022.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

11. La CPAM de Loir-et-Cher a droit à l'indemnité forfaitaire prévue

par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale au montant maximal

de 1 191 euros auquel elle a été fixée par l'arrêté interministériel du 18 décembre 2023.

12. La communauté de communes Eguzon Argenton Vallée de la Creuse et M. B..., qui sont les parties perdantes, ne sont pas fondés à demander l'allocation de sommes au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté de communes une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la CPAM de Loir-et-Cher à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges n° 1902022 du 16 juin 2022

est annulé en tant qu'il n'a pas mis la CPAM de Loir-et-Cher à même de faire valoir ses droits.

Article 2 : La communauté de communes Eguzon Argenton Vallée de la Creuse est condamnée à verser une somme de 39 381,86 euros à la CPAM de Loir-et-Cher, avec intérêts au taux légal à compter du 22 août 2022.

Article 3 : La communauté de communes Eguzon Argenton Vallée de la Creuse versera à la CPAM de Loir-et-Cher les sommes de 1 191 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de Loir-et-Cher,

à la communauté de communes Eguzon Argenton Vallée de la Creuse et à M. C... B....

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Antoine Rives, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLe greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne au préfet de l'Indre en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX02308


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02308
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS JOUSSE CAUMETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;22bx02308 ?
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