Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2024, le maire de la commune de Tarnos a demandé au tribunal administratif de Pau de déclarer Mme B... C... démissionnaire d'office de ses fonctions de conseillère municipale de la commune de Tarnos.
Par un jugement n° 2401760 du 19 juillet 2024, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 août 2024, le maire de Tarnos, représenté par Me Lecarpentier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 juillet 2024 du tribunal administratif de Pau ;
2°) de déclarer Mme C... démissionnaire de ses fonctions de conseillère municipale ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 500 euros à verser à l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- ni pièce complémentaire, ni note en délibéré ne lui ont été communiquées ; en tenant compte d'une pièce produite après la clôture d'instruction, dont Mme C... disposait bien avant ladite clôture, sans rouvrir l'instruction pour lui permettre de faire valoir ses observations, les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire et entaché leur jugement d'une irrégularité ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- s'agissant des absences de Mme C... lors des élections législatives des 12 et 19 juin 2022, du second tour de l'élection présidentielle du 24 avril 2022 ainsi que lors des élections départementales et régionales des 20 et 27 juin 2021, s'il ne conteste pas la forclusion opposée par le tribunal administratif, pour autant Mme C... n'a pas contesté ses absences lors de ces nombreux scrutins ;
-s'agissant des élections législatives- 1er et 2ème tour- des 30 juin et 7 juillet 2024,
- pour le premier tour, Mme C... n'est ni présente, ni excusée ;
- pour le second tour, Mme C... indique, la veille, qu'elle sera absente compte tenu d'une fracture de l'orteil ; il n'a jamais été destinataire d'un certificat médical justifiant de son incapacité à se rendre dans les bureaux de vote pour assurer son rôle d'assesseur ; le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur de fait en considérant que l'absence de Mme C... au premier tour des élections législatives était couverte par une excuse valable ;
-s'agissant des élections européennes du 9 juin 2024, les raisons pour lesquelles Mme C... ne participe pas aux opérations de vote sont expressément nommées : sa vie familiale et ses soucis de santé ; à aucun moment, elle n'indique, dans son mémoire, que son absence aux opérations électorales a pour origine les agissements qu'elle dénonce ; les premiers juges ne pouvaient affirmer le contraire ;
- la présence des élus municipaux au sein des bureaux de vote est non seulement exigée par les textes, mais dans le contexte local, nécessaire au bon déroulement des opérations électorales ; il a fallu compter sur le dévouement d'électeurs, sans mandat, pour compléter les bureaux de vote et permettre aux opérations électorales de se dérouler sur le territoire communal ;
- en prévenant de son absence la veille au soir, pour un motif médical ou familial, non justifié, Mme C... l'empêche de la mettre en demeure d'assurer ses fonctions d'assesseur qui lui sont systématiquement confiées ; si Mme C... considérait avoir une excuse valable, elle a expressément et publiquement refusé d'assurer ses fonctions d'assesseur le 9 juin ; le tribunal ne pouvait pas lui reprocher de ne pas avoir averti Mme C... des conséquences de son refus avant d'initier la procédure de démission d'office par sa saisine ;
- il ne s'est rendu responsable d'aucune manœuvre ; Mme C... n'a jamais été mise à l'écart des élections, contrairement à ce qu'elle prétend ; il ne fait preuve d'aucune animosité à son égard, ni d'un excès de langage ou d'un refus d'information ; la circonstance que le climat politique serait tendu ne justifie pas l'absence d'excuse valable ;
- les premiers juges ont renversé la charge de la preuve.
Par un mémoire enregistré le 13 septembre 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer s'est approprié les écritures du maire de Tarnos.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2024, Mme C..., représentée par Me Poudampa, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du maire de la commune de Tarnos une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales,
- le code électoral,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Reynaud, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lecarpentier, représentant le maire de Tarnos, et de Mme C....
Après avoir pris connaissance des pièces produites en délibéré, enregistrées les 7, 13 et 22 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de la commune de Tarnos relève appel du jugement du 19 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à ce que Mme C... soit déclaré démissionnaire d'office de son mandat de conseillère municipale. A la suite d'une demande de régularisation, le ministre chargé de l'intérieur s'est approprié la requête d'appel du maire de Tarnos.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
3. Postérieurement à l'audience publique du 17 juillet 2024 devant le tribunal administratif de Pau, Mme C... a, par une note en délibéré du même jour, produit des pièces complémentaires, parmi lesquelles un certificat médical rédigé le 15 juillet 2024 par un médecin généraliste. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal a admis, à son point 6, comme excuse valable pour ne pas avoir tenu de bureau de vote en qualité de conseillère municipale, le fait d'avoir été absente pour raison médicale les 30 juin et 7 juillet 2024, jours des élections législatives, sur le fondement de ce certificat médical, sans rouvrir l'instruction. Le jugement attaqué a ainsi été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière. Par suite, le maire de Tarnos est fondé à soutenir que le jugement rendu par le tribunal est entaché d'une irrégularité.
4. Il y a lieu pour la cour de statuer sur la demande présentée par le maire de Tarnos devant le tribunal administratif de Pau.
Au fond :
5. Aux termes de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre d'un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif. / Le refus résulte soit d'une déclaration expresse adressée à qui de droit ou rendue publique par son auteur, soit de l'abstention persistante après avertissement de l'autorité chargée de la convocation. / Le membre ainsi démissionnaire ne peut être réélu avant le délai d'un an. ". Aux termes de l'article R. 2121-5 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 2121-5, la démission d'office des membres des conseils municipaux est prononcée par le tribunal administratif. / Le maire, après refus constaté dans les conditions prévues par l'article L. 2121-5 saisit dans le délai d'un mois, à peine de déchéance, le tribunal administratif. /Faute d'avoir statué dans le délai fixé à l'alinéa précédent, le tribunal administratif est dessaisi. Le greffier en chef en informe le maire en lui faisant connaître qu'il a un délai d'un mois, à peine de déchéance, pour saisir la cour administrative d'appel. (...). La contestation est instruite et jugée sans frais par la cour administrative d'appel dans le délai de trois mois. ".
6. Aux termes de l'article R. 42 du code électoral : " Chaque bureau de vote est composé d'un président, d'au moins deux assesseurs et d'un secrétaire choisi par eux parmi les électeurs de la commune (...) Deux membres du bureau au moins doivent être présents pendant tout le cours des opérations électorales (...) ". Aux termes de l'article R. 44 du même code : " Les assesseurs de chaque bureau sont désignés conformément aux dispositions ci-après : / - chaque candidat, binôme de candidats ou chaque liste en présence a le droit de désigner un assesseur et un seul pris parmi les électeurs du département ; / - des assesseurs supplémentaires peuvent être désignés par le maire parmi les conseillers municipaux dans l'ordre du tableau puis, le cas échéant, parmi les électeurs de la commune. (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions que la fonction d'assesseur de bureau de vote qui peut être confiée par le maire à des membres du conseil municipal compte parmi les fonctions qui leur sont dévolues par les lois au sens de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales. Un conseiller municipal ne peut se soustraire à cette obligation que s'il est en mesure, sous le contrôle du juge administratif, de présenter une excuse valable.
8. En premier lieu, ainsi que le maire de la commune de Tarnos l'admet dans ses écritures, il est forclos pour solliciter la démission d'office de Mme C... à raison des absences de l'intéressée pour tenir un bureau de vote les 27 juin 2021 et 24 avril 2022 jours d'élections, pour l'un, relatif aux scrutins régional et départemental du 2ème tour, pour l'autre, relatif au second tour du scrutin présidentiel.
9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, s'agissant de l'organisation des élections européennes le 9 juin 2024, les élus de la commune de Tarnos ont été informés de leur affectation dans les bureaux de vote par mails des 30 avril et 5 juin 2024. S'agissant de l'organisation des élections législatives les 30 juin et 7 juillet 2024, le maire a, par courrier du 11 juin 2024, rappelé aux conseillers municipaux leurs obligations en matière de tenue des bureaux de vote, conformément à l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales et les a invités à lui faire part au plus vite de leurs absences et des justificatifs correspondants. Par mail du 20 juin 2024, les élus ont été informés de leurs affectations dans les bureaux de vote pour les deux tours. Mme C... a été affectée en qualité d'assesseure au 3ème bureau pour chacun de ces scrutins. Il résulte de l'instruction que l'intéressée a informé par mail du 8 juin 2024 à 18h23 la direction générale des services et l'ensemble des élus qu'elle serait absente le lendemain, sans en préciser le motif, qu'elle a procédé de même le 6 juillet 2024 à 23h22 en raison d'une fracture de l'orteil et qu'en revanche, elle n'a effectué aucune démarche pour prévenir de son absence le 30 juin 2024. Pour justifier postérieurement à l'introduction de la demande du maire devant le tribunal administratif de son impossibilité de tenir un bureau de vote, l'intéressée a produit, pour le 9 juin 2024, une attestation du 17 juillet 2024 d'une responsable d'association faisant part de la nécessaire présence en qualité d'encadrante de Mme C..., membre du conseil d'administration, pour accompagner une sortie comprenant plus d'enfants mineurs que prévu. Toutefois, une telle circonstance, au demeurant dépourvue de toute précision, ne peut constituer une excuse valable pour se soustraire à une obligation dévolue à un conseiller municipal en application de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales. Si s'agissant de son absence au second tour des élections législatives, Mme C... a produit un certificat médical, établi plus d'une semaine après la date du scrutin, selon lequel son état de santé ne lui permettait pas sa présence au bureau de vote les 30 juin et 7 juillet 2024, cet élément peu circonstancié et tardif ne peut être regardé comme constituant une excuse valable au sens de l'article L. 2121-5 précité.
10. Enfin, Mme C... s'est prévalue en première instance de son appartenance à l'opposition municipale, de l'absence de réponse du maire à ses différentes interrogations, de l'attitude menaçante de la part d'un adjoint, du refus de se voir accorder la protection fonctionnelle, de l'entrave mise à sa volonté d'expression notamment dans le journal de la municipalité et de la volonté du maire, par conséquent de la démettre de ses fonctions d'élue. Il résulte de l'instruction que, d'une part, le précédent maire de la commune a, par lettre du 17 février 2023, refusé la protection fonctionnelle à Mme C... sur le fondement de l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales pour des faits qui se sont déroulés le 8 novembre 2022. D'autre part, un échange a eu lieu lors du conseil municipal du 2 juillet 2024 sur la décision de refus du maire de publication dans le journal municipal d'un article du groupe " Tarnos-Seignanx, notre avenir en commun " à l'issue duquel un désaccord a été acté. Alors que le maire de Tarnos allègue, sans être démenti, des difficultés d'organisation auxquelles il doit faire face en raison de l'existence de 12 bureaux de vote, de la présence requise a minima de 48 personnes pour la tenue des bureaux de vote, alors que la commune ne compte que 33 élus et de la concomitance des élections européennes et législatives, il ne résulte pas de l'instruction que le maire de Tarnos se serait livré à des manœuvres et n'aurait sollicité Mme C... qu'en vue de provoquer un refus permettant d'engager à son encontre une procédure de démission d'office. En l'absence d'excuses valables présentées par la conseillère municipale au sens de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales, le maire de Tarnos est fondé à demander la démission d'office de Mme C... de ses fonctions d'élue.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 19 juillet 2024 est annulé.
Article 2 : Mme C... est déclarée démissionnaire d'office de ses fonctions de conseillère municipale de la commune de Tarnos.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... C....
Copie en sera adressée au maire de Tarnos.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Bénédicte Martin, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2024.
La présidente-assesseure,
Anne Meyer La présidente-rapporteure,
Bénédicte A... La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX02069