Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner l'Etat à lui verser une somme de 34 599,95 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de la restriction d'exploitation pour les véhicules dont la hauteur est supérieure à trois mètres qui a été imposée par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Nouvelle-Aquitaine à son centre de contrôle technique pour la période du 16 janvier au 20 juin 2019.
Par un jugement n° 2001300 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2022 et le
1er septembre 2023, M. A..., représenté par Me Lagrange, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal :
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté sa demande indemnitaire préalable ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 25 185,42 euros hors taxe en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi à raison de la faute commise par l'administration ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- ainsi que l'a retenu le tribunal, l'administration a commis une faute en décidant d'une restriction illégale à l'exploitation de son centre de contrôle technique s'agissant des véhicules d'une hauteur supérieure à trois mètres ;
- cette faute est à l'origine d'une perte de chiffre d'affaires de 25 185,42 euros, somme à hauteur de laquelle il y a lieu d'indemniser son préjudice matériel.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 août 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- si une erreur de calcul a conduit l'administration à décider d'une restriction d'exploitation pour les véhicules d'une hauteur excédant trois mètres le 10 janvier 2019, celle-ci a été levée le 23 janvier suivant et M. A... a été informé verbalement de cette erreur dès le
16 janvier ; la suppression de la restriction d'exploitation a été formellement levée par un courrier du 1er avril 2019 ;
- à supposer l'existence d'une faute engageant la responsabilité de l'Etat, M. A... ne démontre pas que la diminution de son chiffre d'affaires lui serait imputable ;
- subsidiairement, il ne justifie pas du chiffrage de son préjudice.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la route ;
- l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kolia Gallier Kerjean,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,
- et les observations de Me Lagrange, représentant M. B... A....
Considérant ce qui suit :
1. Depuis 2007, M. A... exerce une activité de contrôle technique de véhicules légers dans un centre, rattaché au réseau Dekra, situé 2 rue Pierre et Marie Curie à Argentat. Souhaitant en faire un centre indépendant, M. A... a sollicité la modification de l'agrément qui lui avait été précédemment délivré. A l'issue d'une visite réalisée le 8 janvier 2019 par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Nouvelle-Aquitaine, plusieurs anomalies ont été relevées dont une justifiant, selon l'administration, une restriction d'exploitation pour les véhicules d'une hauteur supérieure à trois mètres. M. A... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de cette restriction illégale de son activité. Il relève appel du jugement du 20 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Sur le principe de la responsabilité :
2. Aux termes de l'annexe III à l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes, dans sa version applicable à l'espèce : " Equipement des installations de contrôle (...) / C. Contrôle visuel / Les installations de contrôle comprennent également : / - une fosse et/ou un pont élévateur et/ ou une fosse semi-enterrée équipée d'un pont élévateur ; / - en fonction de l'équipement en fosse ou pont, un vérin de fosse ou un système de levage auxiliaire sur pont. / Ces équipements permettent le contrôle des véhicules d'une hauteur de 3 mètres, d'une longueur de 7 mètres, d'une largeur de 2,50 mètres et d'un empattement compris entre 1,80 mètres et
4,50 mètres. (...) / E. Bâtiment (...) / Le bâtiment de contrôle dispose a minima d'un ensemble de postes de contrôle adaptés au contrôle des véhicules d'une longueur de 7 mètres, d'une hauteur de 3 mètres et d'une largeur de 2,50 mètres. (...) ".
3. D'une part, il résulte de l'instruction que les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Nouvelle-Aquitaine ont procédé à une première visite du centre de contrôle technique de M. A... le 8 janvier 2019, à l'occasion de laquelle ont été relevées dix-sept anomalies dont l'intéressé a été informé par un courrier du
10 janvier. Au nombre de ces anomalies était relevée " la hauteur disponible sous-plafond au droit du pont élévateur de 4,60 m au point le plus défavorable ", le responsable de l'unité de contrôle des véhicules précisant qu'" une restriction d'exploitation doit être affichée à proximité du pont de levage, laquelle devra fixer une hauteur maximale de 3 m pour les véhicules admis ". Toutefois, il résulte de l'instruction que cette mesure a été réalisée sans tenir compte de la profondeur de la fosse qui, une fois prise en compte, permet de porter la hauteur sous-plafond utile à 4,96 mètres. M. A... soutient qu'une telle hauteur ne justifiait pas que soit imposée à son centre de contrôle technique la restriction qui lui a été appliquée s'agissant de la hauteur maximale des véhicules pouvant y être admis, ce que reconnait l'administration dans ses écritures. Dans ces conditions, alors que la version applicable à l'espèce de l'annexe III de l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes n'imposait pas une hauteur disponible de cinq mètres minimum entre le fond de la fosse et le plafond au niveau du pont élévateur, M. A... est fondé à soutenir que l'administration a commis une faute en lui imposant une telle restriction.
4. D'autre part, l'administration fait valoir que la restriction imposée au centre de contrôle technique de M. A... a été levée verbalement à l'occasion de la seconde visite des installations à laquelle il a été procédé le 16 janvier 2019, ce qu'établirait la circonstance que l'anomalie n° 3 correspondant à l'existence d'une hauteur sous plafond insuffisante ne figure plus dans le courrier du 18 janvier 2019 indiquant également que les " anomalies 1 à 9 sont levées ". Toutefois, cette levée verbale de la restriction ne résulte d'aucun élément versé au dossier, une personne présente lors de la visite ayant, au contraire, attesté n'en avoir aucun souvenir. En outre, M. A... a saisi l'administration d'une demande de levée de cette restriction par un courrier du 15 mars 2019 auquel il lui a été répondu, le 28 mars suivant, que cette restriction était bien justifiée avant que l'administration ne l'informe d'un changement de position le 1er avril 2019, lui précisant finalement que cette restriction avait été levée dès le
16 janvier 2019 et lui demandant de prendre acte que la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement ne lui imposait pas de restriction d'exploitation sur la hauteur des véhicules admissibles dans son centre. Au regard des éléments au dossier et des informations contradictoires délivrées par l'administration, M. A... est fondé à soutenir que l'administration a imposé une restriction illégale à son activité s'agissant de la hauteur des véhicules du 16 janvier 2019, date d'affichage de la restriction, au 2 avril 2019, date à laquelle toute ambiguïté était levée s'agissant de sa levée.
Sur l'indemnisation des préjudices :
5. M. A... soutient que la faute commise par l'administration a été à l'origine d'une perte de chiffre d'affaires, les véhicules d'une hauteur supérieure à trois mètres représentant une part conséquente de son activité compte tenu notamment de la proportion de véhicules agricoles contrôlés dans son centre. Pour établir la réalité d'un tel préjudice, le requérant se borne à indiquer le chiffre d'affaires obtenu par son établissement en 2017, 2018, 2021 et 2022, résultats qui sont en effet supérieurs à celui effectué en 2019, sans produire aucun détail s'agissant du nombre et de la proportion des véhicules contrôlés d'une hauteur de plus de trois mètres. De tels éléments ne sauraient suffire à établir l'existence du préjudice économique allégué dès lors qu'il résulte de l'instruction que M. A... possède une quinzaine de centres de contrôle technique de véhicules légers sur plusieurs départements des régions Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes et en particulier l'unique autre centre de contrôle technique de la commune d'Argentat, ses plus proches concurrents se trouvant respectivement à trente et trente-sept kilomètres de distance. La préfète de la Corrèze avait indiqué devant les premiers juges, sans être contredite par M. A..., que celui-ci avait informé le contrôleur de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la Nouvelle-Aquitaine qu'il ne voyait aucun inconvénient à la restriction de la hauteur des véhicules qu'il pouvait accueillir dans son centre situé rue Pierre et Marie Curie puisqu'il inviterait ses clients à se réorienter vers l'autre centre de contrôle technique qu'il exploite sur la même commune. D'autre part, l'administration relève également une baisse conjoncturelle du nombre de contrôles techniques réalisés en Corrèze sur la période de janvier à juin 2019 de 18,69 % par rapport à l'année précédente, qui permettrait d'expliquer la baisse du chiffre d'affaires dont se prévaut M. A.... Au regard de l'ensemble des éléments du dossier, la réalité d'un préjudice économique présentant un lien de causalité direct et certain avec la faute retenue au point 4 ne peut être regardée comme établie.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Sa requête ne peut, par suite, qu'être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.
La rapporteure,
Kolia Gallier KerjeanLa présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22BX03108 2