Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Centrale Moulin Neuf a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Indre a fixé des prescriptions impérieuses de fonctionnement pour l'exploitation de l'énergie hydroélectrique sur le barrage de Moulin Neuf, de lui donner acte de ce que la puissance fondée en titre des ouvrages du Moulin Neuf est de 48 kW à laquelle s'ajoute une augmentation de puissance de 134 kW autorisée en 1842 et de prononcer la suppression des passages injurieux ou diffamatoires contenus dans le mémoire en défense du préfet de l'Indre.
Par un jugement n° 1900566 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 28 janvier 2019 et a rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juillet 2022 et 3 mai 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par la société Centrale Moulin Neuf devant les premiers juges.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'erreur de droit dès lors que la centrale Moulin Neuf se situe sur un cours d'eau classé à la fois en liste 1 et en liste 2 au titre du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement et ne peut donc pas bénéficier des dispositions dérogatoires prévues par l'article L. 214-18-1 de ce même code qui concernent les seuls ouvrages situés sur des cours d'eau classés en liste 2 ;
- les dispositions de l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement ont été abrogées par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, après avoir été jugées inconventionnelles par une décision du Conseil d'Etat du 28 juillet 2022 n° 443911 ;
- il est entaché d'erreur d'appréciation dans la qualification juridique des faits dès lors que la centrale hydroélectrique de Moulin Neuf ne dispose pas des équipements nécessaires pour assurer la continuité écologique du cours d'eau ; le préfet était donc fondé à fixer des prescriptions impérieuses de fonctionnement pour l'exploitation de l'énergie hydroélectrique par cet ouvrage.
Par ordonnance du 3 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 juin 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 1100/2007 du conseil du 18 septembre 2007 instituant des mesures de reconstitution du stock d'anguilles européennes ;
- le code de l'énergie ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 ;
- la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lucie Cazcarra,
- et les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Centrale Moulin Neuf exploite une centrale hydroélectrique alimentée par les eaux de la Creuse dans la commune du Menoux (Indre). Le 21 janvier 2013, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques a dressé un procès-verbal de constatation dont il ressort que l'installation du Moulin Neuf constitue un obstacle à la continuité écologique dès lors qu'il est dépourvu de dispositifs assurant la circulation des poissons migrateurs, qu'il ne maintient pas dans le cours d'eau un débit minimum tel que prévu par la loi et fixé par le règlement d'eau, qu'enfin il utilise la force motrice de l'eau de la Creuse à des fins de production hydroélectrique sans détenir l'autorisation administrative adéquate, dès lors que la puissance utilisée est supérieure à la consistance du droit fondé en titre reconnu par l'autorité administrative. Par un arrêté du 11 décembre 2015, le préfet de l'Indre a fixé des prescriptions supplémentaires à l'autorisation d'exploiter l'énergie hydroélectrique sur le barrage de Moulin Neuf dont est titulaire la SARL Centrale Moulin Neuf. La société a vainement contesté la légalité de cet arrêté devant les juridictions administratives. Le délai de deux ans au cours duquel la société devait mettre en œuvre les prescriptions supplémentaires étant arrivé à expiration, le préfet de l'Indre a pris un nouvel arrêté le 28 janvier 2019 par lequel il a repris les mêmes prescriptions destinées à assurer la continuité écologique du cours d'eau sur lequel l'ouvrage de la SARL Centrale Moulin Neuf se situe. Par un jugement du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Limoges a, sur la demande de la SARL Centrale Moulin Neuf, annulé l'arrêté du 28 janvier 2019. Par la présente requête, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de la société portée devant les premiers juges
Sur le moyen retenu par le tribunal administratif :
2. Il appartient au juge du plein contentieux de la police de l'eau d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation, parmi lesquelles figurent celles relatives au contenu du dossier de demande d'autorisation, au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation. En revanche, le respect des règles de fond qui s'imposent à l'autorisation s'apprécie en fonction des considérations de droit et de fait en vigueur à la date de sa décision.
3. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du préfet de l'Indre du 28 janvier 2019 au motif que la centrale hydroélectrique du Moulin Neuf bénéficiait, du fait du droit d'usage de l'eau accordé par une ordonnance royale du 11 mars 1842, d'un droit fondé en titre sur la Creuse qui n'était pas abrogé à la date de publication de la loi du 24 février 2017 et pouvait, par suite, bénéficier de la dérogation prévue par l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement, lequel prévoyait alors une exonération des obligations mentionnées au 2° du I de l'article L. 214-17, destinées à assurer la continuité écologique des cours d'eau, au profit des moulins à eau bénéficiant d'un droit de prise d'eau fondé en titre à la date de publication de la loi du 24 février 2017.
4. Postérieurement au jugement contesté, les dispositions de l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement ont été abrogées par l'article 71 de la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Par conséquent, à la date du présent arrêt, la SARL Centrale Moulin Neuf ne peut plus bénéficier de l'exemption de l'obligation de restaurer la continuité écologique.
5. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement du tribunal administratif de Limoges, c'est à bon droit que la ministre de la transition écologique en sollicite l'annulation. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL Centrale Moulin Neuf à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2019.
Sur les autres moyens soulevés en première instance et en appel :
En ce qui concerne la régularité de la situation administrative de la centrale :
6. L'arrêté contesté n'est pas fondé sur l'irrégularité de la situation administrative de la centrale Moulin Neuf, mais sur la circonstance que l'installation ne permet pas la circulation des espèces piscicoles protégées mentionnées à son article premier. Par suite, le moyen tiré de la régularité de la situation administrative de la centrale est inopérant et doit être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance du principe du contradictoire :
7. Aux termes de l'article R. 181-45 du code de l'environnement : " Les prescriptions complémentaires prévues par le dernier alinéa de l'article L. 181-14 sont fixées par des arrêtés complémentaires (...) / Le préfet peut solliciter l'avis de la commission ou du conseil mentionnés à l'article R. 181-39 sur les prescriptions complémentaires (...). L'exploitant peut se faire entendre et présenter ses observations dans les conditions prévues par le même article. (...) ". L'article R. 181-39 dispose que lorsque le préfet sollicite l'avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST), " Il en informe le pétitionnaire au moins huit jours avant la réunion de la commission ou du conseil, lui en indique la date et le lieu, lui transmet le projet qui fait l'objet de la demande d'avis et l'informe de la faculté qui lui est offerte de se faire entendre ou représenter lors de cette réunion de la commission ou du conseil ".
8. Par un procès-verbal établi le 23 janvier 2013, les agents de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) ont relevé diverses non-conformités de la centrale Moulin Neuf, tenant à l'exercice sans autorisation d'activité nuisible au débit des eaux ou au milieu aquatique, au non respect des dispositions relatives au débit minimal et à l'exploitation d'ouvrage dans un cours d'eau douce empêchant la circulation des poissons migrateurs. Un projet d'arrêté fixant des prescriptions complémentaires a été transmis à la SARL Centrale Moulin Neuf par courriel du 24 septembre 2018. Par ce même courriel, les services préfectoraux ont informé le gérant de la société de la date de réunion du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) fixée au 1er octobre 2018 à la préfecture, et lui ont indiqué qu'il pouvait être entendu lors de cette réunion ou s'y faire représenter. Ce même jour, le gérant de la société a sollicité le report de la réunion du CODERST, et par courrier du 28 septembre 2018, le conseil de la société a présenté ses observations et sollicité à nouveau le report de la réunion du CODERST. Par courriel du 7 novembre 2018, les services préfectoraux ont informé le gérant de la société du report de la réunion du CODERST au 19 novembre suivant. Si la société soutient qu'elle n'a jamais reçu ce dernier courriel, il lui a toutefois été envoyé à la même adresse que celui du 24 septembre 2018. Par suite, contrairement à ce qui est soutenu, le caractère contradictoire de la procédure préalable à l'adoption de l'arrêté attaqué n'a pas été méconnu.
En ce qui concerne les prescriptions imposées en matière de franchissement piscicole :
9. Aux termes de l'article L. 214-17 du code de l'environnement, " I.- Après avis des conseils départementaux intéressés, des établissements publics territoriaux de bassin concernés, des comités de bassins et, en Corse, de l'Assemblée de Corse, l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous-bassin : / 1° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux parmi ceux qui sont en très bon état écologique ou identifiés par les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux comme jouant le rôle de réservoir biologique nécessaire au maintien ou à l'atteinte du bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou dans lesquels une protection complète des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée est nécessaire, sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils constituent un obstacle à la continuité écologique. / Le renouvellement de la concession ou de l'autorisation des ouvrages existants, régulièrement installés sur ces cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux, est subordonné à des prescriptions permettant de maintenir le très bon état écologique des eaux, de maintenir ou d'atteindre le bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou d'assurer la protection des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée ; / 2° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant (...). / II.- Les listes visées aux 1° et 2° du I sont établies par arrêté de l'autorité administrative compétente, après étude de l'impact des classements sur les différents usages de l'eau visés à l'article L. 211-1. Elles sont mises à jour lors de la révision des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux pour tenir compte de l'évolution des connaissances et des enjeux propres aux différents usages. / III.- Les obligations résultant du I s'appliquent à la date de publication des listes. Celles découlant du 2° du I s'appliquent, à l'issue d'un délai de cinq ans après la publication des listes, aux ouvrages existants régulièrement installés. Lorsque les travaux permettant l'accomplissement des obligations résultant du 2° du I n'ont pu être réalisés dans ce délai, mais que le dossier relatif aux propositions d'aménagement ou de changement de modalités de gestion de l'ouvrage a été déposé auprès des services chargés de la police de l'eau, le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant de l'ouvrage dispose d'un délai supplémentaire de cinq ans pour les réaliser. / Le cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique et l'article L. 432-6 du présent code demeurent applicables jusqu'à ce que ces obligations y soient substituées, dans le délai prévu à l'alinéa précédent. A l'expiration du délai précité, et au plus tard le 1er janvier 2014, le cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 précitée est supprimé et l'article L. 432-6 précité est abrogé. / Les obligations résultant du I du présent article n'ouvrent droit à indemnité que si elles font peser sur le propriétaire ou l'exploitant de l'ouvrage une charge spéciale et exorbitante. / (...) ".
10. Par deux arrêtés du 10 juillet 2012, le préfet coordonnateur du bassin Loire-Bretagne a classé certaines parties de la Creuse, notamment celle sur laquelle est installée la centrale du Moulin Neuf, sur les listes 1 et 2 prévues au 1° et au 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement.
11. En premier lieu, en application de la règle rappelée au point 2 du présent arrêt, la SARL Moulin Neuf ne peut utilement soutenir qu'à la date de l'arrêté litigieux, les obligations découlant du 2° du I de l'article L. 214-17 ne lui étaient pas opposables, et qu'elle bénéficiait pour réaliser les travaux nécessaires d'un délai qui n'expirait que le 23 juillet 2022 en application du III des dispositions précitées, dès lors qu'à la date du présent arrêt, les obligations prévues par ces dispositions s'imposent à la société.
12. En second lieu, il résulte de l'instruction que, pour établir les mesures temporaires relatives à la montaison et la dévalaison, le préfet a retenu que l'installation en litige est un moulin avec bief en dérivation à partir d'un seuil qui n'a pas été équipé de dispositifs de franchissement. Il a constaté que cet ouvrage en barrage n'est pas franchissable en montaison par plusieurs espèces migratrices, la grande alose, la lamproie marine, la lamproie fluviatile, la truite fario, l'anguille et le brochet et présente un risque avéré, notamment pour les anguilles, en retenant un taux de mortalité théorique de 22 %, alors que tout le cours de la Creuse en aval du complexe hydro-électrique d'Eguzon (retenues d'Eguzon, de Roche Au Moine et de Roche Bât l'Aigue) est inclus dans une zone d'action prioritaire pour la mise en conformité des ouvrages représentant un obstacle à la libre circulation des anguilles, espèce reconnue en danger critique d'extinction et visée par le règlement (CE) n°1100/2007 du conseil du 18 septembre 2007 susvisé. Il a alors prescrit à l'exploitante, dans l'attente de la mise en place des dispositifs permanents destinés à remplir les obligations de l'article L. 214-17 du code de l'environnement et pour une durée de deux ans, de ne faire usage de la force motrice de l'eau pendant les mois de mai et juin qu'à la condition expresse de laisser se déverser sur le seuil une lame d'eau d'une épaisseur minimale de 20 cm et de mettre la turbine à l'arrêt entre les 1er septembre et 1er mars pendant 5 nuits consécutives (heures de coucher à heure de lever légal du soleil) et cela à 8 reprises maximum dont au maximum 4 fois entre le 1er novembre et le 1er mars.
13. La SARL Centrale Moulin Neuf soutient que l'administration n'établit pas le caractère nécessaire de ces mesures par la production d'une étude fondée sur un échantillon d'une soixantaine de turbines souffrant d'une sous-représentation des petites turbines de puissances inférieures à 500 kW fonctionnant sous très basses chutes ((3-4 m) et turbinant des débits relativement faibles ((15-20 m3/s). Toutefois, il résulte de cette même étude que les turbines comportant 4 pales, telles que celles qui équipent l'ouvrage, sont bien représentées dans l'échantillon. De plus, contrairement à ce que soutient la société, le taux de 22% de mortalité des anguilles au franchissement de l'ouvrage n'est pas fondé sur une hypothèse où la totalité des poissons dévalant le cours d'eau transiteraient dans la turbine mais repose sur un taux de mortalité théorique de 50 % des anguilles qui passent dans la turbine. Le calcul de ce taux prend également en compte la hauteur de chute de l'ouvrage du Moulin Neuf. Enfin, s'il est vrai qu'aucune étude sur site n'a été réalisée, le préfet n'en était pas moins fondé à imposer que l'installation soit mise en conformité pour préserver la continuité écologique, particulièrement la circulation piscicole des espèces migratrices et le transit sédimentaire, dès lors que celle-ci a un impact significatif sur la migration vers l'amont des poissons et que l'ouvrage ne comporte aucun dispositif d'évitement à l'aspiration des poissons dans les turbines de type " pseudo Kaplan à pales variables ", créant un risque avéré pour les poissons dévalants et notamment les anguilles.
14. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Indre a pu à bon droit prescrire à la société les mesures relatives à la montaison et à la dévalaison prévues par les articles 1, 2, 3 et 9 de l'arrêté du 28 janvier 2019.
En ce qui concerne les prescriptions imposées en matière de restitution d'un débit réservé :
15. Il résulte de l'article L. 214-18 du code de l'environnement que tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage. Ce débit minimal est fixé, selon les cours d'eau, au dixième ou au vingtième du module du cours d'eau. Pour les ouvrages existant à la date de promulgation de la loi du 30 décembre 2006 précitée, les obligations qu'elle institue sont substituées, dès le renouvellement de leur concession ou autorisation et au plus tard le 1erjanvier 2014, aux obligations qui leur étaient précédemment faites.
16. Il résulte de l'instruction que pour imposer l'augmentation du débit minimal biologique, d'une valeur de 3,25 m3/s à 5 m3/s entre le 1er décembre et le 30 juin, le préfet s'est fondé d'une part, sur une étude relative aux impacts des écluses sur la Creuse en aval du complexe hydro-électrique d'Eguzon concluant à un débit de base inter-éclusées de 8m3/s de l'automne à la fin du printemps, ou à défaut à un débit de base inter-éclusée de 5m3/s de la mi-novembre à la fin du printemps et d'autre part, sur les conclusions du comité technique, institué par l'arrêté du 18 juin 2013 portant règlement d'eau de la chute hydroélectrique concédée d'Eguzon/Roche-au-moine, qui a retenu à titre provisoire la nécessité d'un débit minimal de 5m3/s en aval de Roche-aux-Moines entre le 1er décembre et le 30 juin. La SARL Centrale Moulin Neuf n'est donc pas fondée à soutenir que les mesures temporaires prévues par l'arrêté litigieux résultent uniquement de l'avis du comité technique qui n'est, au demeurant, pas dépourvu de lien avec l'ouvrage de la société. L'article 11 de l'arrêté du 18 juin 2013 prévoit à cet égard que le comité technique est chargé d'examiner les résultats de l'étude environnementale réalisée par le concessionnaire des ouvrages des chutes d'Eguzon et de Roche-au-Moine sur l'incidence des éclusées à l'aval de Roche-au-Moine et d'en tirer les conclusions sur la restitution des débits. Or, il est constant que l'installation en litige se situe en aval de l'ouvrage de Roche-au-Moine. Dès lors, si la société fait valoir que les éléments retenus ne sont pas suffisants pour établir la nécessité d'une augmentation du débit réservé alors que l'impact économique d'une telle augmentation équivaut à une baisse de production de l'ordre de 20 %, sans que la société n'en justifie, il demeure que les éléments retenus par le préfet couvrent l'impact environnemental du complexe hydro-électrique d'Eguzon sur tout le cours de la Creuse en aval de cet ouvrage, dont relève la centrale du Moulin Neuf. Dans ces conditions, la SARL Centrale Moulin Neuf n'est pas fondée à soutenir que les prescriptions critiquées sont infondées.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de la transition écologique est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 28 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Indre a fixé des prescriptions impérieuses de fonctionnement sur l'exploitation de l'énergie hydroélectrique sur le barrage de Moulin Neuf.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 5 mai 2022 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SARL Centrale Moulin Neuf devant le tribunal administratif de Limoges est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la transition écologique et à la SARL Centrale Moulin Neuf.
Copie en sera adressée au préfet de l'Indre.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLa présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX01826