Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Somatrans a demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge des suppléments d'impôts sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, pénalités et amendes mis à sa charge au titre de la période du 1er mai 2014 au 30 avril 2017.
Par un jugement n° 2000202 du 26 avril 2022, le tribunal administratif de La Réunion a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés dans les conditions mentionnées aux points 15 et 26 et 27 du jugement, et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juillet 2022 et le 9 février 2023, la SARL Somatrans, représentée par Me Hoarau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 26 avril 2022 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions ;
2°) de prononcer la décharge des suppléments d'impôts sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, pénalités et amendes mis à sa charge au titre de la période du
1er mai 2024 au 30 avril 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure de contrôle est viciée, dès lors que l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 57, alinéa 5 du livre des procédures fiscales ;
- les dépenses immobilisées afférentes aux deux immeubles dont elle est propriétaire sont déductibles ; il est logique que le miroir ne figure pas dans l'entreprise dès lors qu'il a été détruit, mais la facture a été présentée ; s'agissant des travaux de séparation des parkings, ils concernaient bien l'appartement " Menthe à l'eau ", et l'indication portée sur la facture du prestataire est erronée ; les crédences et les stores n'ont pas été admis en déduction au motif que la justification de leur entrée sur le territoire de La Réunion n'était pas apportée, ce qui est un motif erroné ;
- s'agissant des charges réintégrées, elles doivent être admises dès lors qu'elles concernent l'appartement " Menthe à l'eau ", inscrit à l'actif et productif de revenus ; les dépenses engagées à l'occasion du déplacement de son PDG à l'île Maurice sont déductibles dès lors qu'elles impactent directement la SARL Somatrans, le projet envisagé par les Mauriciens étant calqué sur celui de La Réunion ;
- la minoration d'actif net ne correspond à aucune réalité ;
- s'agissant des investissements défiscalisés dans le cadre de l'article 217 undecies du code général des impôts, les sommes déduites à ce titre ont été réintégrées au motif que le dépôt des comptes sociaux au greffe du tribunal de commerce n'avait pas été effectué concomitamment à l'investissement ; or, ce motif méconnait la situation particulière de La Réunion au regard de la tenue du registre du commerce et des sociétés, qui souffre de retards conséquents ; elle a tout mis en œuvre comme le prouvent les multiples relances de son avocat ;
- s'agissant des amendes pour distributions occultes, elles ne sont pas motivées, en méconnaissance de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, dès lors, d'une part, que la réponse aux observations du contribuable ne précise pas leur montant et, d'autre part, que le courrier du 11 septembre 2018 n'a pas été reçu par la requérante.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 décembre 2022 et le 21 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête et fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès,
- et les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Somatrans exerce à La Possession
(La Réunion) une activité consistant en " toutes opérations de transit maritimes et aériens internationaux, transports et toutes opérations liées ". Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er mai 2014 au 30 avril 2017, à l'issue de laquelle le service lui a notifié, par proposition de rectification du 29 juin 2017, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôts sur les sociétés, assortis de la majoration pour manquement délibéré et des amendes des articles 1729 D et 1759 du code général des impôts. Par un jugement du 26 avril 2022, le tribunal administratif de La Réunion a prononcé la décharge d'une partie des suppléments d'impôts sur les sociétés et rejeté le surplus de conclusions de la demande de la société. Elle relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions.
Sur la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ".
3. Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de considérer que, sauf stipulation contraire, le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable pour recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition et y répondre emporte élection de domicile auprès de ce mandataire. Par suite, lorsqu'un tel mandat a été porté à la connaissance de l'administration fiscale, celle-ci est en principe tenue d'adresser au mandataire l'ensemble des actes de la procédure d'imposition. Lorsque le mandataire du contribuable a la qualité d'avocat et que celui-ci déclare que son client a élu domicile à son cabinet, l'administration fiscale est tenue de lui adresser les actes de la procédure d'imposition sans qu'il soit besoin d'exiger la production d'un mandat exprès.
4. Si la SARL Somatrans soutient que, dans ses observations en réponse à la proposition de rectification rédigées par son avocat, elle a informé l'administration de ce qu'elle désignait son avocat comme mandataire, elle ne produit ni ces observations ni aucun document démontrant l'existence d'un tel mandat. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que, faute d'adresser la réponse aux observations du contribuable à son avocat, l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les dotations aux amortissements et les autres charges :
5. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) / 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise (...) 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : a. Les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ; b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes ; (...) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise. (...) ". Il appartient au contribuable de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.
6. S'agissant des dotations aux amortissements, il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 29 juin 2018 que le vérificateur a réintégré aux résultats de la société requérante, au titre des trois années contrôlées, des dotations aux amortissements de nombreux biens, travaux et aménagements de l'appartement " Menthe à l'eau ", et notamment un miroir glace argenté, des travaux de séparation des parkings et une crédence et des stores. Le vérificateur a constaté que le miroir ne figurait pas dans l'entreprise, que les travaux de séparation des parkings ne concernaient pas l'appartement " Menthe à l'eau " mais un bien non productif de revenus professionnels et non affecté à l'exploitation et que la crédence et les stores étaient relatifs à des biens non affectés à l'exploitation et qu'il n'y avait pas de justificatif de leur entrée sur l'île. En se bornant à soutenir que le miroir a été détruit en 2017, que l'indication portée sur la facture de l'entreprise en charge des travaux de séparation des parkings est erronée et qu'on ne peut lui reprocher de ne pouvoir justifier de l'entrée des biens sur le territoire de La Réunion, la SARL Somatrans n'apporte aucun élément de nature à justifier du caractère déductible des amortissements pratiqués.
7. S'agissant des charges de l'appartement " Menthe à l'eau ", le service les a réintégrées au résultat de la société requérante aux motifs que le bon de commande de " Bazar chic " et la facture " My tapis 3 " mentionnent une livraison à la SAS Somatrans sise à Vaulx-en-Velin et non à la SARL Somatrans sise à La Réunion, que la facture " Comptoir " ne comporte aucun destinataire et que les trois factures " Porcelanosa " concernent l'achat d'éléments sanitaires qui sont sans rapport avec l'activité de la SARL Somatrans et qui ne figurent pas au siège de cette société. En se bornant à soutenir que ces charges doivent être admises en déduction dès lors qu'elles concernent l'appartement " Menthe à l'eau ", inscrit à l'actif et productif de revenus, la société requérante ne justifie pas de la déductibilité de ces sommes.
8. Enfin, s'agissant des frais de déplacements, il résulte de l'instruction que le service a réintégré au résultat de l'année 2015 une somme de 3 500 euros engagée en paiement d'une facture de la société " Marine ", relative à un séjour effectué par le président directeur général de la SARL Somatrans et son épouse sur l'Ile Maurice du 10 au 15 novembre 2015, au motif que le justificatif produit, un courrier d'une société Mauricienne demandant au président de la SARL Somatrans de se rendre à Port Louis pour y aider à la mise en place d'un entrepôt à l'image de celui de la société requérante, concernait ce seul président et non son épouse. En se bornant à soutenir que le projet envisagé par les Mauriciens étant calqué sur celui de La Réunion, la société ne critique pas utilement les motifs de la réintégration de la charge litigieuse.
En ce qui concerne la minoration de l'actif net :
9. La SARL Somatrans reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que la minoration de l'actif ne correspondrait à aucune réalité. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne l'application de l'article 217 undecies du code général des impôts :
10. Aux termes de l'article 217 undecies du code général des impôts : " I. Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés réalisant, au titre de leur dernier exercice clos, un chiffre d'affaires inférieur à 20 millions d'euros peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant, hors taxes et hors frais de toute nature (...) des investissements productifs (...) qu'elles réalisent dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte et de La Réunion pour l'exercice d'une activité éligible en application du I de l'article 199 undecies B. (...) " Le II ter du même article étend le droit à déduction aux souscriptions au capital de sociétés " soumises à l'impôt sur les sociétés et qui sont affectées exclusivement à l'acquisition ou à la construction de logements neufs dans les départements d'outre-mer lorsque ces sociétés ont pour activité exclusive la location de tels logements dans les conditions mentionnées aux septième et huitième alinéas du I ". Aux termes du IV ter du même article : " La déduction prévue aux I, II ou II ter est subordonnée au respect par les sociétés réalisant l'investissement ou la souscription et, le cas échéant, les entreprises exploitantes, de leurs obligations fiscales et sociales et de l'obligation de dépôt de leurs comptes annuels selon les modalités prévues aux articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce à la date de réalisation de l'investissement ou de la souscription. ". Enfin, aux termes du I de l'article
L. 232-22 du code de commerce : " I. - Toute société à responsabilité limitée est tenue de déposer au greffe du tribunal, pour être annexés au registre du commerce et des sociétés, dans le mois suivant l'approbation des comptes annuels par l'assemblée ordinaire des associés ou par l'associé unique ou dans les deux mois suivant cette approbation lorsque ce dépôt est effectué par voie électronique : / 1° Les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés, le rapport sur la gestion du groupe, les rapports des commissaires aux comptes sur les comptes annuels et les comptes consolidés, éventuellement complétés de leurs observations sur les modifications apportées par l'assemblée ou l'associé unique aux comptes annuels qui leur ont été soumis ; (...) ".
11. Il résulte de l'instruction que le service a refusé la déduction d'une somme correspondant à une souscription en vue de l'acquisition d'appartements dans le cadre de l'article 217 undecies du code général des impôts, au motif que la société n'avait pas déposé ses comptes annuels au greffe du tribunal de commerce, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 232-22 du code de commerce auxquelles renvoie le IV de l'article 217 undecies. Si la société établit avoir rencontré des difficultés pour obtenir du greffe du tribunal le certificat de dépôt des comptes au titre des années 2011 et 2012, elle ne conteste pas ne pas avoir déposé ses comptes annuels au titre des exercices 2014 à 2017, seuls en cause dans le présent litige.
Sur l'amende pour distributions occultes :
12. Aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. "
13. Il résulte de l'instruction que dans la proposition de rectification du 29 juin 2018, le service a informé la SARL Somatrans du montant des rectifications regardées comme des revenus distribués et l'a invitée, en application de l'article 117 du code général des impôts, à lui fournir dans un délai de trente jours l'identité des bénéficiaires de ces distributions, en l'informant qu'à défaut de réponse, les sommes correspondantes donneraient lieu à l'application de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. En l'absence de réponse dans le délai imparti, le service a informé la société, par courrier du 11 septembre 2018, de son intention de lui infliger l'amende de l'article 1759 du code général des impôts, en précisant son montant. Ce courrier, présenté le 14 septembre, est retourné au service à l'issue du délai de garde postal avec la mention " avisé, non réclamé ". Par suite, la SARL Somatrans n'est pas fondée à soutenir que l'amende litigieuse ne serait pas motivée.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Somatrans n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Somatrans est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Somatrans et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.
La présidente-assesseure,
Bénédicte MartinLa présidente-rapporteure,
Frédérique Munoz-PauzièsLa greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au le ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX01824