Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2306608 du 2 mai 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 juin 2024 et des pièces reçues le 4 juillet suivant, M. C..., représenté par Me Cesso, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 mai 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- le préfet a écarté à tort les documents présentés pour justifier de son état-civil ; les informations obtenues par le préfet à partir du fichier Visabio ne constituent qu'un indice qui ne saurait remettre en cause les autres éléments prouvant son identité et sa date de naissance ;
- elle méconnaît l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses effets sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est irrégulière dès lors qu'il peut bénéficier d'un titre de séjour de plein droit ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle et porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale tel que consacré par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/001573 du 13 juin 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Stéphane Gueguein, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., qui se présente comme un ressortissant ivoirien né le 8 septembre 2003 à Abobo-Abidjan (Côte d'Ivoire), déclare être entré en France le 30 septembre 2019 et a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Gironde à compter du 22 janvier 2020. Il relève appel du jugement du 2 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur la légalité de l'arrêté dans son ensemble :
2. M. A... B... se borne à reprendre en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui a été apportée par le tribunal administratif sur ce point, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
4. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
5. D'autre part, selon l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1°Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / (...) La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil prévoit que : " Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
6. La délivrance à un étranger d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est subordonnée au respect par l'étranger des conditions qu'il prévoit, en particulier concernant l'âge de l'intéressé, que l'administration vérifie au vu notamment des documents d'état civil produits par celui-ci. A cet égard, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
7. Pour opposer un refus à la demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L.435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que l'intéressé n'avait pas produit de documents permettant d'établir son état-civil et donc sa minorité, le préfet de la Gironde s'est notamment fondé sur le rapport technique d'analyse documentaire établi par la police aux frontières le 11 janvier 2022 selon lequel la copie intégrale du registre d'état-civil pour l'année 2019 produite présentait des indices de contrefaçon, dans ses mentions et dans le timbre utilisé, et comportait au surplus des incohérences avec les mentions figurant dans l'extrait du registre des actes de l'état-civil du 22 octobre 2003 notamment quant à la date à laquelle la naissance aurait été déclarée. Il ressort des pièces du dossier que, pour établir son état civil, l'intéressé a produit, à l'appui de sa demande, un passeport n°20AD87847 délivré le 04 juin 2021, une copie intégrale du registre des actes d'état-civil pour l'année 2019 n°32385 daté du 4 novembre 2019 et un extrait du registre des actes de l'état-civil pour l'année 2003 du 22 octobre 2003 émanant de la République de Côte d'ivoire. La seule circonstance que les documents ont été produits par l'intéressé dans le cadre de l'instance à l'issue de laquelle le juge des enfants a, par une ordonnance du 15 janvier 2020 et sur avis favorable des services de la police aux frontières, confié le requérant au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Gironde, n'est pas de nature à établir l'authenticité des documents produits à l'appui de la demande de titre de séjour. En outre, la consultation du fichier Visabio a révélé l'existence d'une demande de visa déposée le 7 décembre 2018 par un ressortissant ivoirien de sexe masculin portant le même nom et ayant les mêmes empreintes décadactylaires que le requérant mais né le 8 mars 1989. Dans ces conditions, et alors que le passeport produit ne constitue pas un document d'état civil présentant une force probante particulière, le préfet a pu légalement en déduire que les documents d'état civil produits par l'intéressé ne pouvaient être considérés comme probants pour établir l'identité du demandeur de titre. Par suite, le préfet a pu légalement rejeter la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. A... B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que celui-ci ne justifiait pas de son état civil.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Si M. A... B... se prévaut de sa bonne intégration dans la société française, des liens qu'il a noués dans le cadre de son apprentissage qui lui a permis d'obtenir un CAP de menuisier en 2023 et de ses perspectives d'insertion professionnelle, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant, est entré récemment en France, n'établit pas y avoir noué des relations d'une particulière intensité et a vécu la majeure partie de sa vie en Côte d'Ivoire où résident ses parents et ses trois frères et sœurs. Dans ces conditions, la décision lui refusant un titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent donc être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux effets de la décision en litige sur sa situation personnelle doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir qu'il peut bénéficier d'un titre de séjour en France de plein droit. Le moyen tiré de ce qu'une telle circonstance ferait obstacle à son éloignement ne peut ainsi qu'être écarté.
11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 9, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision en litige sur la situation du requérant ne peuvent qu'être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, également, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera communiquée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 novembre 2024.
Le rapporteur,
Stéphane Gueguein La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01528