Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2022 par lequel le préfet de la Guyane a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2201513 du 25 avril 2024, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 avril 2024, M. A..., représenté par Me Fettler, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 25 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2022 par lequel le préfet de la Guyane a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une " erreur manifeste d'appréciation " compte tenu de la situation actuelle en Haïti.
La requête a été communiquée au préfet de la Guyane qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 20 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 septembre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant haïtien né en 2014, a déclaré être entré sur le territoire français en 2016. Il a sollicité l'asile et, à la suite du rejet de cette demande, le préfet de la Guyane a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et lui a fait obligation de quitter le territoire français en 2018. Sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le 11 février 2022, M. A... a demandé au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour. Par un arrêté du 3 octobre 2022, le préfet de la Guyane a rejeté sa demande de titre de séjour mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler cet arrêté. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ".
3. Pour contester la décision en litige, M. A... fait valoir qu'il est entré en France en 2016, qu'il y a été scolarisé et y travaille comme professeur des écoles et que de nombreux membres de sa famille vivent en situation régulière sur le territoire national. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si, à compter de l'année 2018, M. A... a suivi des études supérieures en Guyane où il a obtenu une licence en droit en 2020 puis un master en droit, économie, gestion en 2022, il ne conteste pas qu'il n'avait aucun emploi à la date de l'arrêté litigieux. S'il travaille sous contrat à durée déterminée en tant que professeur des écoles remplaçant depuis janvier 2023, cette circonstance est postérieure à l'arrêté attaqué. Par ailleurs, la circonstance que ses frères et sœurs vivent en France ne saurait à elle seule lui conférer un droit au séjour alors qu'il est célibataire et sans charge de famille et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans et où réside à tout le moins sa mère. Par suite, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que le préfet de la Guyane n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes raisons, la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporterait sur la situation personnelle de M. A....
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences que la décision en litige emporterait sur la situation personnelle de M. A....
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
5. En premier lieu, la décision en litige vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle la nationalité haïtienne du requérant. Le préfet de la Guyane précise enfin que l'intéressé n'établit pas être exposé à des risques dans son pays d'origine. Dès lors, cette décision comporte les éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
6. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la même convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
7. En invoquant " l'erreur manifeste d'appréciation " qui entacherait la décision en litige compte tenu de la situation en Haïti, M. A... doit être regardé comme soulevant le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si aucun élément ne permet de considérer qu'à la date de la décision contestée, à laquelle doit être appréciée sa légalité, M. A..., qui fait état en termes généraux de la situation d'insécurité en Haïti, aurait été personnellement exposé, en cas de retour dans ce pays, à des risques portant atteinte aux droits protégés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la situation actuelle en Haïti fait obstacle à l'exécution de la décision fixant cet État comme pays de renvoi, eu égard à ces stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande. Dès lors, la requête de M. A... doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de la Guyane et au ministre chargé de l'outre-mer.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Guéguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 novembre 2024.
La rapporteure,
Caroline Gaillard
La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24BX01064