Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite née du silence gardé par la préfète de la Gironde sur sa demande de titre de séjour du 3 février 2020 ainsi que l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel la même autorité a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2302403 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 septembre 2024, M. B... A..., représenté par Me Coste, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 octobre 2023 ;
2°) d'annuler la décision implicite de refus de titre de séjour ainsi que l'arrêté de la préfète de la Gironde du 13 septembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et, dans l'attente, de lui accorder une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui restituer l'intégralité des documents d'état civil qu'il a conservés dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu que ses documents d'état civil étaient irréguliers alors que l'autorité consulaire lui a délivré une carte d'identité au vu de ces documents ; le rapport établi par la police aux frontières concluant au caractère frauduleux de ces documents ne permet pas d'écarter la présomption de validité qui s'attache aux actes d'état civil en vertu de l'article 47 du code civil ; dès lors que, par ailleurs, le caractère réel et sérieux de ses études a été admis par le tribunal, le préfet ne pouvait rejeter sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour ; enfin, une appréciation globale de sa situation devait conduire le préfet à lui accorder un droit au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions attaquées sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la mesure d'éloignement :
- elle est dépourvue de base légale en conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 septembre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet du recours.
Une pièce complémentaire a été produite par M. A... le 28 octobre 2024, sans être communiquée.
Par une ordonnance du 11 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 octobre 2024 à 12h00.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2023.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Réaut,
- et les observations de Me Coste, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien, est entré irrégulièrement en France en 2017 selon ses déclarations. Par un courrier du 3 février 2020, il a demandé à être admis au séjour en qualité de salarié, et subsidiairement en qualité d'étudiant. Une décision implicite de rejet est née quatre mois plus tard, confirmée par un arrêté du 13 septembre 2021 en vertu duquel la préfète de la Gironde lui a en outre fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. Par un jugement du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions. Il relève appel de ce jugement.
Sur l'étendue du litige :
2. L'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté la demande de M. A... tendant à la délivrance d'un titre de séjour, intervenue au cours de la première instance, s'est substituée à la décision implicite de rejet attaquée née du silence gardé par l'administration sur cette même demande. Si M. A... persiste en appel à demander l'annulation de cette décision implicite de rejet, c'est à juste titre que les premiers juges ont regardé les conclusions tendant à son annulation comme étant dirigées contre l'arrêté du 13 septembre 2021.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. En premier lieu, à l'appui des moyens tirés de ce que l'arrêté serait entaché d'incompétence et de ce que la mesure d'éloignement serait insuffisamment motivée, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement les réponses apportées par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " À titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
6. Aux termes des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial. La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 de ce code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. "
7. La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
8. Pour établir son âge lors de son arrivée en France, M. A... a prétendu être né le 13 janvier 2000 et a présenté au préfet de la Gironde un acte de naissance malien du 28 janvier 2020, un jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 27 juillet 2020 par le tribunal civil de Markala, et un extrait d'acte de naissance du 20 septembre 2017. L'acte de naissance ne précise ni le jour ni le mois de naissance et se réfère à une déclaration de naissance " n° 65 du 24 janvier 2020 " que ne reprend pas le jugement supplétif dont l'objet est en principe, au demeurant, de pallier l'absence d'acte de naissance. Par ailleurs, l'extrait d'acte de naissance ne comporte pas la mention de la transcription de ce jugement supplétif mais vise un acte d'état de naissance établi le 13 juin 2017, encore différent de l'acte de naissance produit. Du fait de ces nombreuses incohérences, d'ailleurs relevées dans le rapport d'analyse de la cellule de lutte contre la fraude documentaire et à l'identité de la police aux frontières, il est impossible de considérer que ces documents ni même l'un d'entre eux justifie valablement de la date de naissance de M. A.... A cet égard, la préfète de la Gironde pouvait porter cette appréciation sans qu'elle soit tenue de saisir préalablement les autorités maliennes à fin de vérification. Dès lors, la préfète peut être regardée comme renversant la présomption d'exactitude des mentions figurant dans les actes d'état civil produits par l'intéressé. Elle a pu en conséquence retenir que M. A... ne justifiait pas de son état civil par des documents probants et qu'il ne remplissait pas, par voie de conséquence, la condition d'âge prévue à l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
10. M. A... se prévaut de sa présence en France depuis 2017, de la formation professionnelle qu'il a suivi avec sérieux et de la disparition de ses parents. Toutefois, il n'a été autorisé au séjour et il n'a eu accès à une formation professionnelle que grâce à sa prise en charge par les services départementaux de l'aide sociale à l'enfance à raison de la qualité de mineur isolé, dont il vient d'être dit qu'elle était fondée sur des documents qui ne l'établissaient pas. Par ailleurs, alors même que ses parents sont décédés, il n'établit pas être dépourvu de liens familiaux et personnels dans son pays. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il est protégé par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
11. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation.
En ce qui concerne la mesure d'éloignement :
12. Dès lors que les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour sont écartés, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement est dépourvue de base légale.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de séjour et de la mesure d'éloignement en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que ses conclusions relatives aux frais liés à l'instance ne peuvent être que rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 novembre 2024.
La rapporteure,
Valérie Réaut
Le président,
Laurent PougetLe greffier
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 24BX02147 2