Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2306069 du 15 mai 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en production de pièces enregistrés le 11 juillet 2024 et le 24 juillet 2024, M. A... B..., représenté par Me Pitel-Marie, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 mai 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 24 juillet 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et, dans cette attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État et au bénéficie de Me Pitel-Marie une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré, pour l'examen du moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa relation de couple ne présentait pas un caractère stable et ancien et qu'il pourrait avec son compagnon, devenu son mari, mener une vie familiale normale au Venezuela où l'homophobie est patente ; d'une part, le centre de ses intérêts privés et familiaux est bien en France ; à la date de l'arrêté contesté, il vivait chez son compagnon depuis le 1er mai 2023 comme en justifie une attestation de droits établie par la caisse d'allocations familiales, et son mariage, célébré le 4 mai 2024 est certes postérieur à l'arrêté attaqué mais il atteste de la stabilité et du sérieux de la relation ; d'autre part, si, comme l'a retenu le tribunal, la législation vénézuélienne condamne toute forme de discrimination en raison de l'orientation sexuelle, le mariage homosexuel n'est pas reconnu dans cet État et les risques de persécution sont réels et toujours actuels ; le préfet a ainsi méconnu l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- après avoir opposé un refus à sa demande de titre de séjour sollicité en qualité d'étudiant le 18 mars 2023, le préfet ne peut sérieusement fonder le refus de séjour, alors qu'il a présenté une nouvelle demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour le 5 mai 2023, sur la circonstance que son maintien irrégulier en France durant ce court laps de temps serait la preuve d'un manque manifeste de déférence à la loi française ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions attaquées sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 juillet 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet du recours.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juin 2024.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Réaut ;
- et les observations de Me Cazau, substituant Me Pitel-Marie et représentant M. A... B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant vénézuélien né le 4 février 1996 à El Vigia, est entré régulièrement en France en septembre 2017 en qualité d'assistant étranger pour enseigner l'espagnol dans des établissements de l'académie de Lille. Il est revenu en France à compter du 11 décembre 2019 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour " jeune au pair ", renouvelé jusqu'au 13 décembre 2021. Il a ensuite bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant dont la validité a expiré le 13 décembre 2022. Le renouvellement de ce titre lui a été refusé par un arrêté du 28 mars 2023. Le 10 mai 2023, il a sollicité son admission au séjour au titre des articles L. 421-3 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet a rejeté sa demande par un arrêté du 24 juillet 2023 qui, en outre, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A... B... relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
3. L'admission au séjour en France dont M. A... B... a bénéficié de décembre 2019 à décembre 2022 en qualité de " jeune au pair " puis en qualité d'étudiant, qui ne donne pas vocation à s'installer durablement sur le territoire national, ne relève pas des situations dont l'intéressé peut utilement se prévaloir pour justifier d'une durée de présence significative sur le territoire national. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la relation dont il se prévaut avec un compatriote en séjour régulier, avec lequel il vivait depuis moins d'une année à la date de l'arrêté litigieux, présente un caractère récent, et il ne peut être reproché au préfet de ne pas avoir tenu compte de leur mariage célébré postérieurement au refus de titre. Enfin, en se bornant à produire un article de presse relatif à un incident ayant opposé un couple homosexuel à la direction d'un centre commercial de Caracas, et à faire état de ce que le Venezuela ne reconnait pas le mariage homosexuel, M. A... B... n'établit pas qu'il ne pourrait mener une vie privée et familiale normale dans son pays, dont la législation interdit toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Dans ces conditions, en dépit des relations sociales nombreuses que M. A... B... a tissé durant la courte période de sa présence en France, le préfet de la Gironde, en refusant de lui accorder un droit au séjour, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni n'a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle du requérant.
4. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être énoncés, le préfet de la Gironde n'a pas méconnu l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que M. A... B... ne justifie d'aucun motif exceptionnel ni d'aucune circonstance humanitaire au sens de ces dispositions.
5. En dernier lieu, M. A... B... relève que c'est de manière infondée que le préfet de la Gironde a mentionné dans l'arrêté litigieux que le fait qu'il se soit maintenu en situation irrégulière après le refus opposé à sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant caractérise " un manquement manifeste de déférence à la loi française ". Si une telle mention apparaît en effet inappropriée dès lors qu'il s'est écoulé moins de deux mois entre le rejet du renouvellement de titre et le dépôt de la demande présentée par le requérant au titre de la vie privée et familiale, elle ne saurait être regardée comme ayant déterminé la décision prise par le préfet, motivée par l'insuffisance des liens privés et familiaux de l'intéressé en France et l'absence de motifs exceptionnels de séjour. Le moyen doit par suite être également écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 novembre 2024.
La rapporteure,
Valérie Réaut
Le président,
Laurent PougetLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 24BX01744 2