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14/11/2024 | FRANCE | N°24BX01907

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 14 novembre 2024, 24BX01907


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges, par deux demandes distinctes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 juin 2024 par lequel le préfet de la Corrèze a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de cinq ans, d'autre part, d'annuler l'arrêté du même jour par lequel cette même

autorité l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.





Par un jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges, par deux demandes distinctes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 juin 2024 par lequel le préfet de la Corrèze a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de cinq ans, d'autre part, d'annuler l'arrêté du même jour par lequel cette même autorité l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n°s 2401150, 2401151 du 9 juillet 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions de M. B... dirigées contre la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, ainsi que les conclusions aux fins d'injonction et celles relatives aux frais du litige afférentes à cette décision et rejeté le surplus de ses demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés, sous le n°24BX01907, les 29 juillet, 13, 16 août, 12 et 13 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Malabre, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 juillet 2024 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Corrèze en date du 25 juin 2024 en tant qu'elles portent obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi, interdiction de retour pour une durée de cinq ans et assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de dix jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de

3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le premier juge aurait dû interpréter les moyens relatifs à l'illégalité du refus de séjour comme également soulevés, par la voie de l'exception, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour du 25 juin 2024 et de la décision de retrait de titre de résident du 19 octobre 2023 ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français en date du 25 juin 2024, et de la décision de retrait de titre de résident du 19 octobre 2023 ;

- tout d'abord, ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 n'ont pas été précédées de la consultation de la commission du titre de séjour en violation de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 435-1 du même code ;

- ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 sont entachées d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen ;

- ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 méconnaissent les stipulations des articles 7 ter et 10 de l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 méconnaissent les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 sont entachées d'une erreur d'appréciation sur la menace à l'ordre public que sa présence en France constituerait ;

- à titre spécifique, la décision du 19 octobre 2023 a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- la décision en litige portant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment justifiée par la seule référence au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation sur la menace à l'ordre public que sa présence en France pourrait constituer ;

- la décision en litige portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans porte atteinte à sa situation personnelle et familiale et est entachée d'une erreur d'appréciation sur la menace à l'ordre public que sa présence en France pourrait constituer.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- les chantiers sur lesquels il est amené à travailler pendant la durée de la mesure litigieuse lui imposent des déplacements hors du département de la Corrèze et sont incompatibles avec ses obligations de présentation au commissariat.

La procédure a été régulièrement communiquée au préfet de la Corrèze, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par une décision n° 2024/002112 du 13 août 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés, sous le n°24BX02023, les 16, 22 août et 12 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Malabre, demande à la cour :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du préfet de la Corrèze en date du 25 juin 2024 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de dix jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de

2 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite quand bien même l'arrêté contesté a été exécuté, dès lors qu'il est porté une atteinte grave et immédiate à sa situation privée et familiale et que la responsabilité de l'Etat sera d'autant plus importante que cette situation aura perduré ;

- il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans, contenue dans l'arrêté du préfet de la Corrèze du 25 juin 2024 ;

- en effet, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français en date du 25 juin 2024, et de la décision de retrait de titre de résident du 19 octobre 2023 ;

- tout d'abord, ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 n'ont pas été précédées de la consultation de la commission du titre de séjour en violation de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 435-1 du même code ;

- ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 sont entachées d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen ;

- ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 méconnaissent les stipulations des articles 7 ter et 10 de l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 méconnaissent les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 sont entachées d'une erreur d'appréciation sur la menace à l'ordre public que sa présence en France constituerait ;

- la décision en litige portant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment justifiée par la seule référence au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- à titre spécifique, la décision du 19 octobre 2023 a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation sur la menace à l'ordre public que sa présence en France pourrait constituer ;

- la décision en litige portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans porte atteinte à sa situation personnelle et familiale et est entachée d'une erreur d'appréciation sur la menace à l'ordre public que sa présence en France pourrait constituer.

La procédure a été régulièrement communiquée au préfet de la Corrèze, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par une décision n° 2024/002403 du 26 septembre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

III. Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés, sous le n°24BX02024, les 17 août, 12 et 13 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Malabre, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 juillet 2024 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail valable jusqu'à ce qu'il soit statué au fond, dans un délai de sept jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de

2 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables à raison de sa situation privée et familiale ;

- les moyens soulevés sont sérieux ;

- le jugement est irrégulier, en ce que le premier juge n'a pas interprété les moyens relatifs à l'illégalité du refus de séjour comme également soulevés, par la voie de l'exception, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour du 25 juin 2024 et de la décision de retrait de titre de résident du 19 octobre 2023 ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français en date du 25 juin 2024, et de la décision de retrait de titre de résident du 19 octobre 2023 ;

- tout d'abord, ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 n'ont pas été précédées de la consultation de la commission du titre de séjour en violation de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 435-1 du même code ;

- ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 sont entachées d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen ;

- ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 méconnaissent les stipulations des articles 7 ter et 10 de l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 méconnaissent les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- ces décisions des 19 octobre 2023 et 25 juin 2024 sont entachées d'une erreur d'appréciation sur la menace à l'ordre public que sa présence en France constituerait ;

- à titre spécifique, la décision du 19 octobre 2023 a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- la décision en litige portant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment justifiée par la seule référence au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation sur la menace à l'ordre public que sa présence en France pourrait constituer ;

- la décision en litige portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans porte atteinte à sa situation personnelle et familiale et est entachée d'une erreur d'appréciation sur la menace à l'ordre public que sa présence en France pourrait constituer.

La procédure a été régulièrement communiquée au préfet de la Corrèze, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par une décision n° 2024/002406 du 26 septembre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,

- et les observations de Me Malabre, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 5 janvier 1984, déclare être présent en France depuis l'âge de 4 ans. Il a bénéficié d'une carte de résident à compter du 27 mai 2003, renouvelée le 26 septembre 2013, qu'il s'est néanmoins vu retirer le 19 octobre 2023 par un arrêté du préfet de la Corrèze, à l'encontre duquel un recours gracieux a été formé par courrier du 11 décembre 2023. L'intéressé a sollicité la délivrance d'un nouveau titre de séjour le 23 juin 2024. Par un arrêté du 25 juin 2024, le préfet de la Corrèze a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour pour une durée de cinq ans. M. B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler cet arrêté, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement n°s 2401150, 2401151 du 9 juillet 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges, après avoir joint les deux affaires et renvoyé devant une formation collégiale les conclusions dirigées contre la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, ainsi que les conclusions aux fins d'injonction et celles relatives aux frais du litige afférentes à cette décision, a rejeté le surplus des demandes. Par les présentes requêtes, M. B..., d'une part, relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes, d'autre part, sollicite la suspension de l'exécution de l'arrêté en litige en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond, enfin, demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 juillet 2024.

2. Les requêtes n° 24BX01907, 24BX02023 et 24BX02024 concernent la situation d'un même requérant. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

3. M. B... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 13 août 2024. Par suite, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

5. Pour refuser d'accorder un titre de séjour à M. B..., le préfet de la Corrèze a considéré, d'une part, que l'intéressé ne démontrait pas la viabilité de sa société et qu'il en tirerait des moyens d'existence suffisants au sens de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, qu'il constituait une menace pour l'ordre public au sens des dispositions des articles L. 412-5 et L. 432-1 du même code. S'agissant de ce second motif, l'arrêté préfectoral relève en particulier que M. B... a été condamné à quatre reprises pour des délits routiers en récidive, qu'il a fait l'objet le 10 novembre 2022 d'un signalement au procureur de la République de Tulle au titre de l'article 40 du code procédure pénale pour des faits ayant eu pour objet de faciliter ou tenter de faciliter, par aide directe ou indirecte, l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France et réprimés par les dispositions de l'article L. 823-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il serait " connu pour tenir des propos attentatoires aux principes et valeurs de la République " et " pour se commettre dans des actes de prosélytisme religieux auprès d'étrangers en situation irrégulière, notamment en les employant illégalement et en les hébergeant ". Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le signalement qui a été fait auprès du procureur de la République le 10 novembre 2022, et complété le 24 novembre 2023, aurait, à la date de l'arrêté en cause, donné lieu à des poursuites pénales. Ce signalement faisait d'ailleurs état d'une condamnation pénale de M. B... par jugement du 28 avril 2022 du tribunal correctionnel de Tulle pour des faits de menaces de mort avec ordre de remplir une condition, commise en raison de l'ethnie, la race, la nation ou la religion, lequel jugement a été infirmé par un arrêt de la cour d'appel de Limoges du 9 novembre 2022, qui a relaxé M. B... des fins de la poursuite. A ce titre, et alors que M. B... conteste la matérialité des faits de radicalisation qui lui sont reprochés par le préfet de la Corrèze, l'examen du bulletin n°2 de son casier judiciaire fait seulement état de condamnations, prononcées entre 2009 et 2019, à trois peines d'amende de 300 à 450 euros et à une peine d'emprisonnement de deux mois au titre de délits routiers de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance et conduite malgré injonction de restituer le permis de conduire résultant du retrait de la totalité des points. Or, pour regrettables qu'elles soient, ces condamnations ne sont pas de nature à faire regarder la présence de M. B... sur le territoire français comme constituant une menace pour l'ordre public, l'inscription de l'intéressé au fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste ne pouvant suffire, en l'absence de production par l'administration d'éléments précis, à apporter une telle preuve. Par suite, M. B... est fondé à soutenir, par la voie de l'exception, que la décision portant refus de séjour, contenue dans l'arrêté préfectoral du 25 juin 2024, est entachée d'une erreur d'appréciation sur la menace à l'ordre public qu'il représente. Il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle ne s'était pas fondée sur la circonstance que le requérant constituait une menace à l'ordre public.

6. L'illégalité de la décision de refus de séjour prive de base légale la décision du même jour portant obligation de quitter le territoire français sans délai, et, par voie de conséquence, celles portant fixation du pays de renvoi, interdiction de retour pour une durée de cinq ans et l'assignation à résidence sur laquelle elles se fondent.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges, a rejeté le surplus de ses demandes.

Sur les conclusions à fin de suspension :

8. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de la Corrèze du 25 juin 2024, les conclusions de la requête n° 24BX02023 tendant à la suspension de l'exécution du même arrêté sont devenues sans objet.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

9. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 juillet 2024, les conclusions de la requête n° 24BX02024 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

10. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

11. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français implique un réexamen de la situation de M. B... et l'octroi d'une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Corrèze ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation du requérant et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen.

Sur les frais liés à l'instance :

12. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Malabre, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24BX02023 tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de la Corrèze du 25 juin 2024.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24BX02024 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 juillet 2024.

Article 3 : Les arrêtés du préfet de la Corrèze du 25 juin 2024 sont annulés en tant qu'ils portent obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi, interdiction de retour pour une durée de cinq ans et assignation à résidence.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Corrèze de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours et de statuer à nouveau sur son cas dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à Me Malabre la somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête n° 24BX01907 est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Malabre, au préfet de la Corrèze et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.

La rapporteure,

Béatrice Molina-Andréo

La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX01907, 24BX02023, 24BX02024


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01907
Date de la décision : 14/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Béatrice MOLINA-ANDREO
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : CABINET LABROUSSE & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-14;24bx01907 ?
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