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14/11/2024 | FRANCE | N°16BX03142

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 14 novembre 2024, 16BX03142


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 24 juillet 2013 par laquelle le maire de la commune d'Urrugne les a mis en demeure de retirer, dans un délai de deux mois, tous les éléments leur appartenant se trouvant selon le maire de la commune sur le domaine public et de réaliser une clôture en limite de leur propriété, ainsi que la décision implicite par laquelle le maire de la commune a rejeté leur recours gracieux.


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 24 juillet 2013 par laquelle le maire de la commune d'Urrugne les a mis en demeure de retirer, dans un délai de deux mois, tous les éléments leur appartenant se trouvant selon le maire de la commune sur le domaine public et de réaliser une clôture en limite de leur propriété, ainsi que la décision implicite par laquelle le maire de la commune a rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1400107 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du 24 juillet 2013, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux présenté le 17 septembre 2013.

Procédure devant la cour :

Par un arrêt avant dire droit n° 16BX03142 du 21 juin 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a sursis à statuer sur la requête de la commune d'Urrugne dirigée contre le jugement du 21 juin 2016 du tribunal administratif de Pau, jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle de la limite effective de la propriété de M. et Mme E... au droit du chemin Xearbaïta au vu notamment des actes de propriété. Par ce même arrêt, la cour a réservé toutes conclusions et moyens des parties jusqu'en fin d'instance.

Par un jugement du 10 juin 2024, le tribunal judiciaire de Bayonne a dit que la limite de la propriété de M. et Mme C... E... aux droits desquels se trouvent M. B... F... et Mme A... D..., est telle que tracée par l'expert, au plan figurant en annexe 3 de son rapport, plan annexé au jugement, avec lequel il fait corps.

Le jugement du 10 juin 2024 du tribunal judiciaire de Bayonne a été transmis aux parties.

Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2024, M. et Mme C... E..., Mme D... et M. F... représentés par Me Le Corno, concluent au sursis-à-statuer dans l'attente de l'issue de la médiation entreprise ou de l'arrêt de la cour d'appel de Pau et maintiennent, en tout état de cause, leurs précédentes écritures.

Ils soutiennent que la médiation entreprise et l'appel formé devant la cour d'appel de Pau justifient qu'il soit sursis-à-statuer.

Par une ordonnance du 28 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2024.

La commune d'Urrugne a produit un mémoire, enregistré après clôture de l'instruction, le 16 octobre 2024, qui n'a pas été communiqué, par lequel s'associe aux conclusions du dernier mémoire présenté par les requérants, concluant au sursis-à-statuer dans l'attente de l'issue de la médiation entreprise ou de l'arrêt de la cour d'appel de Pau.

Mme D... et M. F... ont produit un mémoire en intervention volontaire, enregistré après clôture de l'instruction, le 22 octobre 2024, qui n'a pas été communiqué.

Par un courrier du 17 octobre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de Mme D... et M. F... qui n'a pas été présentée par mémoire distinct.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de procédure civile ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la voirie routière ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure,

- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,

- et les observations de Me Missonnier, représentant M. et Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 24 juillet 2013, le maire de la commune d'Urrugne a, d'une part, mis en demeure M. et Mme E... de retirer dans un délai de deux mois " tous les éléments leur appartenant se trouvant sur le domaine public chemin de Xearbaïta " et de réaliser une clôture en limite de leur propriété, afin de procéder à l'élargissement du chemin et, d'autre part, leur a précisé que s'ils n'accomplissaient pas ces travaux, les frais de leur exécution d'office seraient mis à leur charge. Par un jugement n° 1400107 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du 24 juillet 2013, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux présenté le 17 septembre 2013. La commune d'Urrugne a relevé appel de ce jugement.

2. Par un arrêt n°16BX03142 avant dire droit du 21 juin 2018, la cour a sursis à statuer sur la requête de la commune d'Urrugne jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle de la limite effective de la propriété de M. et Mme E..., au droit du chemin Xearbaïta au vu notamment des actes de propriété. Par un jugement du 10 juin 2024, le tribunal judiciaire de Bayonne a statué sur la question préjudicielle posée par la cour.

Sur l'intervention volontaire :

3. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct (...) ". L'intervention de Mme D... et M. F... présentée dans le dernier mémoire de M. et Mme E..., enregistré au greffe de la cour le 26 septembre 2024, n'a pas été présentée par mémoire distinct. Si, à la suite du courrier qui a été adressé par la cour aux parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, en vue de les informer de ce que l'arrêt était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité de cette intervention formée sans mémoire distinct, Mme D... et M. F... ont présenté une intervention par mémoire distinct, ce mémoire a été enregistré postérieurement à la clôture d'instruction. Dès lors, leur intervention n'est pas recevable.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. ". Aux termes de l'article L. 2111-2 de ce code : " Font également partie du domaine public les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable. ". Aux termes de l'article L. 2111-14 du même code : " Le domaine public routier comprend l'ensemble des biens appartenant à une personne publique mentionnée à l'article L. 1 et affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l'exception des voies ferrées ". Aux termes de l'article L. 141-1 du code de la voirie routière : " Les voies qui font partie du domaine public routier communal sont dénommées voies communales (...) ". Aux termes de l'article L. 112-1 du même code : " L'alignement est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'alignement, soit par un alignement individuel. / (...) ".

5. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges ont, pour faire droit à la demande d'annulation présentée par M. et Mme E..., estimé que le maire d'Urrugne ne pouvait légalement adresser à ces derniers de mise en demeure de retirer tous les éléments leur appartenant se trouvant sur le domaine public chemin de Xearbaïta et de déplacer leur clôture, dès lors qu'il n'était pas établi que le terrain en cause constitue effectivement une dépendance du domaine public.

6. Toutefois, par un jugement du 10 juin 2024, qui est devenu définitif par application de l'article 126-15 du code de procédure civile, le tribunal judiciaire de Bayonne, statuant sur la question préjudicielle posée par la cour, a estimé, sur la base de l'expertise qu'il avait ordonnée, que les limites de la propriété de M. et Mme E..., telles que tracées par l'expert sur le plan figurant en annexe 3 de son rapport, correspondent aux limites d'un plan de bornage établi le 19 septembre 2000 et annexé au titre de propriété de l'acquisition de la parcelle BO n° 216 à Urrugne. Or, à ce titre, il résulte de l'examen du tracé de l'expert figurant en annexe 3 de son rapport, plan annexé au jugement du tribunal judiciaire avec lequel il fait corps, que le terrain longeant le chemin Xearbaïta, objet de la mise en demeure adressée par le maire d'Urrugne à M. et Mme E... appartient, non pas à ces derniers, mais bien à la commune d'Urrugne.

7. Par ailleurs, par délibération du 2 mars 1986, le conseil municipal d'Urrugne a procédé au classement de plusieurs chemins communaux dans le domaine public routier communal, parmi lesquels le chemin de Xearbaïta. Il ressort des pièces du dossier que le terrain, objet de la mise en demeure adressée par le maire d'Urrugne à M. et Mme E..., s'inscrit dans le prolongement immédiat du chemin de Xearbaïta. Alors que ce chemin a une largeur de trois mètres à trois mètres cinquante de large et est actuellement longé d'un talus du côté de la propriété de M. et Mme E..., d'une largeur de seulement quelques dizaines de centimètres du fait de la haie plantée par ces derniers, le terrain en cause en constitue, pour des raisons d'exploitation de la voie et de sécurité des usagers, un accessoire indissociable. Ainsi, ce terrain doit être regardé comme constituant une dépendance du domaine public routier communal.

8. Il en résulte que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de l'erreur de droit commise par le maire d'Urrugne pour annuler la décision du 24 juillet 2013, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre cette décision.

9. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme E... devant le tribunal administratif de Pau et devant la Cour.

Sur les autres moyens :

10. Aux termes de l'article de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs rapports avec les administrations, alors en vigueur : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; / (...) ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des acte administratifs : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) ".

11. La décision du 24 juillet 2013 par laquelle le maire d'Urrugne a mis en demeure M. et Mme E... de retirer tous les éléments leur appartenant se trouvant sur le domaine public chemin de Xearbaïta et de réaliser une clôture en limite de leur propriété constitue une mesure de police, qui doit être motivée en vertu de l'article 1er précité de la loi du 11 juillet 1979 et qui, ne statuant pas sur une demande, devait être précédée d'une procédure contradictoire en application de l'article 24 également précité de la loi du 12 avril 2000. Si cette décision se réfère à une rencontre en mairie en présence des services techniques avec M. et Mme E..., il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers auraient été invités à présenter leurs observations écrites avant son édiction. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'une situation d'urgence ou des circonstances exceptionnelles auraient empêché la mise en œuvre de cette procédure. Par suite, M. et Mme E..., qui ont été privés d'une garantie, sont fondés à soutenir que la décision attaquée est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens et les fins de non-recevoir opposés par M. et Mme E..., et sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer, que la commune d'Urrugne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du 24 juillet 2013, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux présenté le 17 septembre 2013.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Urrugne la somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme E... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme E..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la collectivité requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune d'Urrugne est rejetée.

Article 2 : La commune d'Urrugne versera la somme de 1 500 euros à M. et Mme E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Urrugne et à M. et Mme C... E....

Copie en sera adressée à Mme A... D... et M. B... F....

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 novembre 2024.

La rapporteure,

Béatrice Molina-Andréo

La présidente,

Evelyne Balzamo La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX03142


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16BX03142
Date de la décision : 14/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Biens de la commune - Voirie communale.

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Domaine - Domaine public - Délimitation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : LE CORNO CABINET JURIPUBLICA

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-14;16bx03142 ?
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