Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (Eurl) Of Course a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2018, ainsi que des pénalités correspondantes et de l'amende de 5 % prévue par l'article 1788 A du code général des impôts au titre de l'exercice 2015.
Par un jugement n° 2003062 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet 2022 et le 30 décembre 2022, l'Eurl Of Course, représentée par Me Moyaert, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 juin 2022 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2018, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de prononcer la décharge de l'amende de 5 % prévue par l'article 1788 A du code général des impôts qui lui a été appliquée au titre de l'exercice 2015 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le tribunal a omis de se prononcer et à tout le moins a insuffisamment motivé sa réponse au moyen, soulevé dans son mémoire en réplique de première instance, tiré de ce que les dispositions légales en vigueur, à savoir les dispositions combinées des articles L. 52, L. 54 et L. 47 A du livre des procédures fiscales, devant être interprétées comme n'imposant la remise du fichier des écritures comptables ( FEC) que pour les exercices clos, l'administration ne pouvait lui demander de produire les fichiers des écritures comptables concernant la période du 1er janvier au 30 septembre 2018.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
- la vérification de comptabilité a duré plus de trois mois, en méconnaissance de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales compte tenu de ce qu'à la date du 4 décembre 2018, date à laquelle la vérification de comptabilité a commencé, elle a produit l'ensemble des documents comptables et notamment les FEC relatifs aux exercices clos en 2015, 2016 et 2017 ainsi que les documents comptables informatisés concernant la période du 1er janvier au 30 septembre 2018 ;
- les dispositions légales n'imposant la remise d'un FEC que pour les exercices clos à la date de la demande, elle avait produit l'ensemble des documents comptables demandés par la vérificatrice, au sens et pour l'application du livre des procédures fiscales, à la date du 4 décembre 2018 à laquelle la vérification de comptabilité a débuté ; il en résulte que la vérificatrice ne peut être regardée comme ayant suspendu par courrier du 4 décembre 2018 la procédure de vérification dans l'attente de la remise complète des fichiers comptables et plus précisément du FEC de l'exercice clos au 31 décembre 2018 qui ne pouvait lui être remis, à défaut d'être clôturé ;
- l'instruction référencée BOI-CF-IOR-60-40-20 est illégale en tant qu'elle ajoute des conditions non prévues par la loi, elle ne lui est donc pas opposable.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 décembre 2022 et le 6 février 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté numérique et industrielle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 2 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard,
- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public,
- et les observations de Me Lezer représentant l'Eurl Of Course.
Considérant ce qui suit :
1. L'Eurl Of course, qui exerce une activité de vente de karts et de pièces détachées servant à leur réparation, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 prorogée jusqu'au 30 septembre 2018 en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), à l'issue de laquelle l'administration a procédé à des rappels de TVA et a appliqué l'amende de 5% prévue par l'article 1788 A du code général des impôts au titre de l'exercice clos 2015. L'Eurl Of Course a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de TVA mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2018, des pénalités correspondantes ainsi que de l'amende de 5 % prévue par l'article 1788 A du code général des impôts appliquée au titre de l'exercice 2015. Elle relève appel du jugement par lequel ce tribunal a rejeté sa demande et réitère ses conclusions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour répondre au moyen tiré de ce que la vérification de comptabilité s'est étendue sur une durée supérieure à trois mois, en méconnaissance de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, le tribunal administratif, a indiqué que " le délai de trois mois prévu par les dispositions précitées de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales a été suspendu du 4 décembre 2018 au 8 mars 2019, date de la remise de la copie complète des fichiers des écritures comptables, pour l'ensemble des impositions en litige, alors même que la société requérante avait remis l'intégralité des documents comptables relatifs à la TVA au titre des années 2015 à 2017 dès le 4 décembre 2018 ". Toutefois, ainsi que le soutient la société requérante, ce faisant, le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse en ne répondant pas à la branche du moyen tenant à ce que la suspension de la vérification n'a pu intervenir dès lors que les documents comptables manquants concernaient l'exercice 2018 qui n'était pas encore clos à la date de début des opérations de vérification à laquelle la remise des documents comptables a été demandée.
3. Il résulte de ce qui précède que l'Eurl Of Course est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à sa régularité, le jugement attaqué doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'Eurl Of Course devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; / (...) III. - En cas de mise en œuvre du I de l'article L. 47 A, le délai de trois mois prévu au I du présent article est suspendu jusqu'à la remise de la copie des fichiers des écritures comptables à l'administration (...) ". Aux termes du I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables (...) ".
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la vérification sur place des livres et documents mentionnée à l'article L. 52 débute à la date à laquelle le vérificateur commence à contrôler sur place la sincérité des déclarations fiscales et se trouve suspendue jusqu'à la remise de la copie des fichiers des écritures comptables à l'administration lorsque, conformément à l'article L 47 A du LPF, la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés.
7. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité dont l'Eurl Of Course a fait l'objet, engagée par une première intervention sur place le 4 décembre 2018 s'est achevée le 28 mai 2019 et a porté sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 prorogée jusqu'au 30 septembre 2018 en matière de TVA. Le représentant de la société a remis au vérificateur, le 4 décembre 2018, une copie dématérialisée des fichiers des écritures comptables (FEC) au titre des exercices 2015, 2016 et 2017.
8. La remise de la copie des fichiers des écritures comptables relatifs à l'ensemble de la période vérifiée étant seule de nature à mettre fin à la suspension du délai prévue par les dispositions du III de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, le délai de trois mois prévu par le I de ce même article a été, en l'espèce, suspendu entre le 4 décembre 2018 et le 8 mars 2019, date à laquelle a été remise à l'administration la copie des fichiers des écritures comptables relatifs à l'ensemble de la période vérifiée qui a été prorogée jusqu'au 30 septembre 2018. Dans ces conditions, et alors même que l'exercice ouvert le 1er janvier 2018 n'était pas encore clos à la date à laquelle la vérificatrice a demandé la remise des documents comptables portant sur la période de vérification prolongée, le délai de trois mois mentionné à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales n'était pas expiré le 28 mai 2019. Par suite, le moyen tiré de ce que cet article aurait été méconnu doit être écarté.
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :
9. La société requérante ne peut utilement invoquer les paragraphe n° 220 et 230 de l'instruction administrative référencée BOI-CF-IOR-60-40-10 du 7 juin 2017 dès lors qu'elle est relative à la procédure d'imposition et, par suite, ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
10. Il résulte de ce qui précède que l'Eurl Of Course n'est pas fondée à demander la décharge des impositions et pénalités et amende en litige.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'Eurl Of Course demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2003062 du 23 juin 2022 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de l'Eurl Of Course et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Eurl Of Course et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Une copie en sera adressée pour information à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Guéguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 novembre 2024.
La rapporteure,
Caroline Gaillard
La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX02140