Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 mai 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.
Par un jugement n° 2304942 du 25 janvier 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 mars 2024, M. B... A..., représenté par Me Foucard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 janvier 2024 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 mai 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son traitement n'est ni remplaçable ni substituable par d'autres molécules ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.
M. B... A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2024.
Par une ordonnance du 10 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 septembre 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Vincent Bureau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant algérien d'origine sahraouie né le 28 octobre 1985, déclare être entré régulièrement sur le territoire français le 25 juillet 2019 sous couvert d'un passeport muni d'un visa D Schengen délivré par les autorités espagnoles, valable jusqu'au 15 octobre 2019. Il a formulé une demande d'asile le 29 août 2019. Sa demande a fait l'objet d'une décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 mars 2021, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 4 août 2021. Par un arrêté du 27 octobre 2021, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour qu'implique la reconnaissance du statut de réfugié ou l'octroi d'une protection subsidiaire, a refusé de renouveler l'attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... A... avait toutefois sollicité, le 12 novembre 2020, son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles. Il a bénéficié d'un certificat de résidence algérien valable du 16 février 2022 au 15 février 2023, puis en a sollicité le renouvellement le 10 novembre 2022. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a émis un avis le 13 mars 2023. Par un arrêté du 2 mai 2023, le préfet de la Gironde a refusé de renouveler le titre de séjour de M. B... A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. L'intéressé relève appel du jugement du 25 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Dans son avis du 13 mars 2023, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. B... A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque. Le préfet de la Gironde s'est approprié l'avis du collège de médecins sur l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine de M. B... A... pour refuser la délivrance d'un titre de séjour.
5. Pour contester l'avis du collège des médecins de l'OFII, le requérant, qui a levé le secret médical, fait valoir qu'il souffre d'une cardiopathie ischémique sévère et nécessite la prise d'un traitement quotidien en France à base de six médicaments. Il produit un certificat médical établi le 14 septembre 2023 par un médecin du service de cardiologie du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, qui précise qu'il nécessite un traitement médical comportant les produits " Entresto (sacubritil-Valsartan), Eplerone, Bisoprolol, Empaglifozine, Coumadine " et que ces traitements ne sont pas substituables. Le requérant produit également des captures d'écran du site Internet " Pharm'Net ", qui se présente comme le " référentiel algérien des médicaments ", témoignant de la non-disponibilité de la moitié de ces traitements, ainsi qu'un certificat médical établi le 2 février 2024 par un médecin du service de cardiologie du CHU de Bordeaux, qui précise que les traitements de M. B... A... " ne sont pas remplaçables par d'autres molécules et ne doivent pas être modifiés. Cela ferait courir un risque vital pour le patient ". Dans ces conditions, le requérant apporte des éléments de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII et par le préfet de la Gironde sur la possibilité pour lui de bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie. Il est par suite fondé à soutenir que le préfet de la Gironde a commis une erreur d'appréciation en estimant qu'il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et en lui refusant, pour ce motif, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour. Il est également fondé, par voie de conséquence, à demander l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer à M. B... A..., sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou droit, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
8. M. B... A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Foucard, avocat de M. B... A..., de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2304942 du 25 janvier 2024 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du 2 mai 2023 du préfet de la Gironde sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. B... A..., sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou droit, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Foucard, avocat de M. B... A..., une somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... A..., à Me Romain Foucard et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2024.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
Le président,
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00788