Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2023 par lequel la préfète des Deux-Sèvres lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2302784 du 2 février 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Poitiers, après avoir renvoyé à une formation collégiale les conclusions dirigées contre la décision refusant de délivrer à M. A... B... un titre de séjour, a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, contenues dans l'arrêté du 12 septembre 2023.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 février 2024, la préfète des Deux-Sèvres demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 février 2024 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. A... B....
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi ne sont pas dépourvues de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour ; les liens personnels et familiaux en France de M. A... B... ne sont caractérisés ni par leur ancienneté, ni par leur stabilité ;
- les autres moyens soulevés par M. A... B... devant le tribunal administratif de Poitiers ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. A... B..., qui n'a pas produit d'observations en défense.
Par une ordonnance du 12 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 avril 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Vincent Bureau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant comorien né le 1er janvier 1986, est entré en France le 26 avril 2016. Il a bénéficié d'une carte de séjour portant la mention " visiteur " valable du 17 mai 2021 au 16 mai 2022. Le 27 avril 2022, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour auprès des services de la préfecture du Val d'Oise. Par un courrier du 17 janvier 2023, il a sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " auprès des services de la préfecture des Deux-Sèvres. Par un arrêté du 12 septembre 2023, la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 26 février 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers a annulé les décisions du 12 septembre 2023 par lesquelles la préfète des Deux-Sèvres a fait obligation à M. A... B... de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, et a renvoyé à une formation collégiale du tribunal le jugement des conclusions de la requête de l'intéressé tendant à l'annulation de la décision du même jour par laquelle cette même autorité a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par la présente requête, la préfète des Deux-Sèvres relève appel du jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers du 26 février 2024 annulant la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M. A... B... et la décision fixant le pays de renvoi.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
3. Pour annuler les décisions en litige de la préfète des Deux-Sèvres, la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers a considéré que M. A... B... démontrait la réalité et l'intensité des liens familiaux qu'il entretenait en France et que, par suite, la préfète avait porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en refusant de lui délivrer un titre de séjour, accueillant ainsi l'exception d'illégalité de ce refus invoquée à l'encontre de ces décisions.
4. Toutefois, s'il est constant que M. A... B... est entré en France en 2016, il ne démontre pas le caractère habituel de sa présence sur le territoire national depuis cette date par la seule production d'une attestation de bénévolat de l'association " Le Club ", d'un arrêté du 6 juillet 2018 portant refus de délivrance d'un titre de séjour du préfet du Val d'Oise abrogé par un arrêté du 16 septembre 2019, d'un avis d'imposition au titre de l'année 2020, d'une attestation de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise de 2022 et d'une attestation de prise en charge signée par sa sœur en 2023. Au demeurant, il ressort des mentions de son passeport comorien délivré en 2020 qu'il a déclaré son domicile aux Comores. Par ailleurs, si l'intéressé, qui est célibataire et sans enfant, fait état de la présence en France de sa mère, de nationalité française, de sa sœur, chez qui il était hébergé à la date d'édiction des décisions en litige, ainsi que de collatéraux, dont certains de nationalité française, il ne se prévaut que de son lien de parenté avec eux, sans produire notamment d'attestations de leur part, et n'établit ainsi pas la nature et l'intensité des liens qu'il entretient avec eux. En outre, M. A... B... ne fait état d'aucune insertion sociale ni professionnelle depuis son arrivée en France, n'ayant exercé aucune activité au moins jusqu'à la date des décisions attaquées. Enfin, il ne démontre pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales aux Comores, où il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans.
5. Il s'ensuit que la préfète des Deux-Sèvres est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif a considéré qu'elle avait entaché le refus de séjour opposé à M. A... B... d'une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et retenu l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de renvoi contenues dans son arrêté du 12 septembre 2023.
6. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le tribunal et en appel par M. A... B... à l'encontre des décisions considérées.
Sur les autres moyens :
7. En premier lieu, M. Xavier Marotel, secrétaire général de la préfecture des Deux-Sèvres, a reçu délégation de signature de la préfète par un arrêté du 2 février 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, à l'effet de signer notamment tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de ceux énumérés parmi lesquels les décisions en litige ne figurent pas. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
8. En second lieu, la décision portant refus délivrance d'un titre de séjour, dont M. A... B... excipe l'illégalité à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'article L. 423-23 de ce code. Elle mentionne les conditions d'entrée et de séjour sur le territoire français de l'intéressé et indique également que M. A... B..., célibataire et sans enfant, ne démontre pas avoir établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, et qu'il ne démontre pas être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision contestée, qui comporte les motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, est suffisamment motivée, contrairement à ce que soutient l'appelant.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Poitiers doit être rejetée. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2302784 du 2 février 2024 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers est annulé en tant qu'il a annulé les décisions faisant obligation à M. A... B... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Article 2 : Les conclusions de M. A... B... présentées devant le tribunal administratif et tendant à l'annulation des décisions en date du 12 septembre 2023 par lesquelles la préfète des Deux-Sèvres lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination sont rejetées, de même que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à la préfète des Deux-Sèvres et à M. C... B....
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2024.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
Le président,
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00465