Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 17 février 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui accorder le renouvellement de son titre de séjour.
Par un jugement n° 2102646 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête enregistrée le 16 février 2024, M. A..., représenté par Me Gand, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2021 de la préfète de la Vienne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de résident dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a présenté une demande tendant, non pas à la première délivrance d'une carte de résident, mais au renouvellement de la carte de résident dont il était titulaire et dont les effets ont été prolongés jusqu'au 11 septembre 2019 ; or, pour le renouvellement d'un tel titre, le préfet ne pouvait légalement lui opposer la réserve tenant à la menace pour l'ordre public ;
- en tout état de cause, au regard de la condamnation dont il a fait l'objet, qui est ancienne et non avenue, la préfète a estimé à tort que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public.
Par une ordonnance du 11 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 août 2024.
Un mémoire a été présenté par le préfet de la Vienne le 17 septembre 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 21 décembre 1969, s'est vu délivrer une carte de résident mention " conjoint de réfugié " valable du 3 mars 2009 au 2 mars 2019, dont il a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 17 février 2021, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer une carte de résident au motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public. M. A... relève appel du jugement du 28 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII ainsi qu'à : (...) b) Son conjoint ou son partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires (...) ". Aux termes de l'article L. 314-1 du même code : " La carte de résident est valable dix ans. Sous réserve des dispositions des articles L. 314-5 et L. 314-7, elle est renouvelable de plein droit ". Aux termes de l'article L. 314-5 de ce code : " Par dérogation aux dispositions des articles L. 314 8 à L. 314-12, la carte de résident ne peut être délivrée à un ressortissant étranger qui vit en état de polygamie ni aux conjoints d'un tel ressortissant ni à un ressortissant étranger condamné pour avoir commis sur un mineur de quinze ans l'infraction définie à l'article 222 9 du code pénal ou s'être rendu complice de celle-ci ". Il résulte de ces dispositions que, contrairement à la délivrance d'une première carte de résident, le refus de renouvellement de cette carte ne peut être fondé sur la menace pour l'ordre public que constitue la présence en France de l'intéressé, mais uniquement sur l'un des motifs énoncés aux articles L. 314-5 et L. 314-7 précités.
3. Aux termes de l'article R. 311-22 de ce code, relatif à la demande de titre de séjour : " La demande est présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France. S'il y séjournait déjà, il présente sa demande : (...) 4° Soit dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une demande de renouvellement de carte de résident doit être présentée, à peine d'irrecevabilité, au cours des deux derniers mois précédant l'expiration de cette carte. Lorsque le préfet est saisi d'une demande de renouvellement d'une carte de résident après l'expiration de ce délai, cette demande doit être regardée comme tendant à la première délivrance d'une carte de résident, demande à laquelle la condition tenant à l'absence de menace à l'ordre public prévue par les dispositions précitées de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut, dès lors, être opposée.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a présenté le 12 mars 2019, lors d'un rendez-vous au guichet de la préfecture de la Vienne, sa demande de renouvellement de sa carte de résident, laquelle était arrivée à échéance le 2 mars 2019. Toutefois, lors de ce rendez-vous, il s'est vu délivrer un récépissé de demande de carte de séjour visant expressément sa demande de renouvellement de carte de résident et indiquant que les effets de la carte délivrée le 3 mars 2009 étaient prolongés jusqu'au 11 septembre 2019. Eu égard à cette prolongation de validité, sa demande doit s'analyser comme une demande de renouvellement de sa carte de résident et non comme une première demande de titre de séjour.
5. Il n'est pas soutenu, et encore moins établi, que M. A..., qui a sollicité le renouvellement de sa carte de résident, vivrait en état de polygamie, aurait été condamné pour avoir commis sur un mineur de quinze ans l'infraction définie à l'article 222-9 du code pénal. Par suite, ainsi que le soutient le requérant, la préfète de la Vienne ne pouvait légalement se fonder sur le motif tiré de ce que son comportement constitue une menace pour l'ordre public pour refuser de renouveler sa carte de résident.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
8. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique d'enjoindre au préfet de Vienne de délivrer une carte de résident à M. A.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
Sur les frais d'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État et au bénéfice de Me Gand, avocat de M. A..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2102646 du 28 septembre 2023 du tribunal administratif de Poitiers et l'arrêté du 17 février 2021 de la préfète de la Vienne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Vienne de délivrer à M. A... une carte de résident dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Gand une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Philippe Gand, au préfet de la Vienne et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2024.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve-Dupuy
Le président,
Laurent Pouget Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00401