Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme Agriculture Gastronomie Région d'Outre-mer (AGRO) a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge de la pénalité pour distributions occultes d'un montant de 96 000 euros, qui a été mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Par un jugement n° 2200003 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 mars et 11 septembre 2023, la SA AGRO, représentée par Me Zapf, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 2 mars 2023 ;
2°) de prononcer la décharge de la pénalité d'un montant de 96 000 euros mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a dénaturé les faits en considérant que les locaux qu'elle a pris à bail au centre commercial la Galleria II au Lamentin n'étaient pas utilisés dans son intérêt direct et en considérant, dès lors, que c'est à bon droit que l'administration a pu remettre en cause la déductibilité des loyers afférant à ces locaux ;
- les loyers versés pour la location de l'appartement situé au 7ème étage du bâtiment B du centre commercial la Galleria auraient dû être admis en déduction de son bénéfice net dès lors qu'ils ont été engagés dans l'intérêt de la société ;
- la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts ne pouvait donc être mise en œuvre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2023, et un mémoire non communiqué, enregistré le 2 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société AGRO ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 1er juillet 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lucie Cazcarra,
- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,
- et les observations de Me Boutet-Mangon, représentant la SA AGRO.
Une note en délibérée présentée pour la SA AGRO a été enregistrée le 4 octobre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme (SA) Agriculture Gastronomie Région d'Outre-mer (AGRO), anciennement société DATEX, a été créée en 1992 pour exercer une activité de holding et de services à ses filiales dans le secteur de la fabrication et de la distribution de repas. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période allant du 1er septembre 2014 au 31 août 2016 au terme de laquelle, par une proposition de rectification du 5 septembre 2017 établie dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et à des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015 et 2016. Elle a également demandé à la société de désigner le bénéficiaire des revenus regardés distribués en 2016 sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts. En l'absence de réponse, l'administration a infligé à la société AGRO l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, d'un montant de 96 000 euros correspondant à la totalité du montant des revenus regardés comme distribués au titre de l'exercice clos en 2016. L'amende a été mise en recouvrement le 14 mai 2021. La réclamation préalable présentée par la société le 8 juin 2021 ayant été implicitement rejetée par l'administration fiscale, la société AGRO a porté le litige devant le tribunal administratif de la Martinique. Par la présente requête, la société relève appel du jugement du 2 mars 2023 par lequel le tribunal a rejeté sa demande tendant à la décharge de la pénalité mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Sur le bien-fondé de l'amende litigieuse :
2. D'une part, aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 % ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 39 de ce même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire (...) ". Aux termes de l'article 109 de ce code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Aux termes de l'article 117 du même code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ".
4. Au titre de l'exercice clos le 31 août 2016, la société AGRO a déduit de ses résultats imposables les loyers relatifs à l'appartement situé dans un ensemble immobilier dénommé Centre commercial la Galleria II, au Lamentin, pris à bail à compter du 1er janvier 2007, pour un montant de 96 000 euros. L'administration fiscale soutient que la location de cet immeuble n'est pas engagée dans l'intérêt direct de l'entreprise. Elle relève en ce sens que le local visité par le service vérificateur le 7 juin 2017 est un appartement entièrement meublé d'une surface de 156 m², comprenant notamment une terrasse de 43 m², trois chambres et un séjour doté d'un téléviseur grand format équipé d'une box internet. Elle indique également que l'aménagement attendu au regard de la destination professionnelle assignée aux lieux loués est inexistant dès lors que les éléments présents dans la cuisine sont ceux d'usage commun. Elle souligne enfin que la société dispose de locaux professionnels suffisants pour organiser une activité de dégustation.
5. Pour contester la réintégration de cette somme dans ses résultats imposables, la société AGRO fait valoir que cet appartement était utilisé pour organiser des réunions de dégustation et des contrôles organoleptiques de ses produits, indispensables à son activité de production et de distribution de plats préparés, ainsi que pour accueillir des partenaires économiques et financiers. Au-delà même de l'absence de tout élément permettant d'établir la réalité de réunions avec des partenaires économiques et financiers tenues dans ces locaux, la société se borne à produire au soutien de ses allégations deux mails de sa présidente, dont l'un ne relève pas de l'exercice redressé, attestant de la réalisation de réunions de dégustation dans les locaux concernés. Quant aux attestations produites, elles sont peu circonstanciées et ne respectent pas, au surplus, les conditions de validité de l'article 202 du code de procédure civile. Si la société AGRO produit également des photographies de séances de dégustation, ces photographies ne sont pas datées et ne permettent pas de démontrer que ces réunions se sont tenues dans l'appartement en litige, ce qui ne ressort pas davantage des feuilles d'expérience et de mise en œuvre de la société. Il est par ailleurs constant que la société AGRO a aménagé une salle de réunion et de dégustation au sein de son usine Piment dès septembre 2015. La société requérante fait enfin valoir que le contrat de bail conclu avec la société Epidaure prévoit le caractère exclusivement professionnel des lieux. Toutefois, le bail a été conclu entre la société Epidaure et la société Datex, toutes deux détenues et dirigées par Mme A..., et les stipulations du contrat de bail ne sauraient suffire, à elles seules, à démontrer l'utilisation réelle par la société AGRO du local à des fins professionnelles. Par conséquent, en l'absence d'élément probant permettant d'établir que la location contestée aurait été justifiée par les besoins effectifs de l'exploitation de la société, la société AGRO n'est pas fondée à contester la réintégration dans ses résultats imposables des loyers dont elle s'est acquittée auprès de la société Epidaure au titre de l'exercice clos en 2016.
6. Il résulte de ce qui précède que les charges liées à la location de l'appartement, comptabilisées pour un montant de 96 000 euros au titre de l'exercice clos au 31 août 2016, n'étant pas engagées dans l'intérêt de la société, elles n'étaient pas déductibles de ses résultats. L'administration ayant vainement demandé à la société AGRO l'identité du bénéficiaire des distributions, conformément à ce que prévoit l'article 117 du code général des impôts, c'est à bon droit qu'elle a fixé une amende, sur le fondement de l'article 1759 de ce même code, d'un montant correspondant à la totalité des revenus distribués.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société AGRO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société AGRO demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société AGRO est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société AGRO et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLa présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX00821