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31/10/2024 | FRANCE | N°22BX02750

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 31 octobre 2024, 22BX02750


Vu la procédure suivante :



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 26 octobre 2022, la société Lory, représentée par Me Nguyen, demande à la cour :



1°) d'annuler la décision implicite de rejet née le 25 juillet 2022 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique (CNACi) a rejeté son recours contre la décision de la commission départementale d'aménagement cinématographique (CDACi) de la Réunion du 18 février 2022 autorisant la SAS Cinéplaza à créer, à Saint-Denis, un étab

lissement cinématographique de 6 écrans et 971 sièges sur un terrain situé 3 rue de la Batterie ;



2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 octobre 2022, la société Lory, représentée par Me Nguyen, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet née le 25 juillet 2022 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique (CNACi) a rejeté son recours contre la décision de la commission départementale d'aménagement cinématographique (CDACi) de la Réunion du 18 février 2022 autorisant la SAS Cinéplaza à créer, à Saint-Denis, un établissement cinématographique de 6 écrans et 971 sièges sur un terrain situé 3 rue de la Batterie ;

2°) d'annuler la décision du président de la CNACi du 25 août 2022 lui communiquant les motifs de la décision implicite ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que la Commission nationale d'aménagement cinématographique (CNACi) a implicitement rejeté son recours et a de ce fait confirmé la décision de la Commission départementale d'aménagement cinématographique du 18 février 2022 ;

- les articles R.212-7-26 à R.212-7-29 du code du cinéma et de l'image animée ont été méconnus du fait de l'absence de réunion des membres de la CNACi qui ressort des échanges avec le secrétariat de la commission et du courrier du président de la CNACi lui communiquant les motifs, et en l'absence d'instruction du dossier alors qu'elle était saisie de son recours ;

- les articles L.212-6 et L.212-9 du code du cinéma et de l'image animée ont été méconnus dès lors que le projet litigieux porte atteinte à la diversité culturelle cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence pertinente, et entrainera à terme la fermeture du cinéma Lacaze qu'elle exploite, et qu'a été sous-estimé l'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, en portant une appréciation erronée sur la qualité de la desserte du projet ;

- la position dominante de la société ICC se trouve renforcée par l'autorisation qui entrainera la fermeture du cinéma Lacaze et aboutira à une situation de monopole méconnaissant ainsi les règles de la concurrence.

Par mémoire en défense enregistré le 26 septembre 2023, la Commission nationale d'aménagement cinématographique, représentée par son président, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- les conclusions tenant à l'annulation du courrier du 25 août 2022 communiquant les motifs de la décision implicite de rejet, sont irrecevables ;

- les moyens de la requête de la société Lory ne sont pas fondés.

Par mémoire en défense enregistré le 9 avril 2024, la société Cinéplaza, représentée par Me Bouyssou, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Lory la somme de 8 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, compte tenu d'une part, du caractère superfétatoire de la décision en litige, l'autorisation initiale d'exploitation cinématographique accordée en 2014 n'étant pas caduque en application de l'article R 212-7-20 du code du cinéma et de l'image animée et d'autre part, de l'absence d'intérêt pour agir de la société Lory ;

- les moyens de la requête de la société Lory ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 mai 2024 la clôture de l'instruction a été fixée au 17 juin 2024 à 12h00

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du cinéma et de l'image animée ;

- le décret n° 2021-181 du 18 février 2021 prolongeant les délais de validité des autorisations d'aménagement cinématographiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evelyne Balzamo,

- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,

- et les observations de Me Nguyen Xavier, représentant la société Lory et de Me Chevallier, représentant la société Cineplaza.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 8 novembre 2013, la commission départementale d'aménagement cinématographique (CDAC) de la Réunion a autorisé la société Cinéplaza à créer un établissement de spectacles cinématographiques de six salles et 1 001 sièges à l'enseigne " Cinépalmes " destiné à remplacer le cinéma " Le Ritz " qu'elle exploite à Saint-Denis. Par une décision du 9 avril 2014, la commission nationale d'aménagement cinématographique (CNACi) a confirmé cette décision. Le recours contre cette autorisation a été définitivement rejeté par la cour administrative d'appel de Bordeaux par un arrêt du 7 avril 2016, à la suite de la non-admission du pourvoi en cassation formé par la société Lory qui exploite à Saint-Denis un établissement cinématographique " Ciné Lacaze " de deux salles et 214 sièges depuis 1999. Un permis de construire a, par ailleurs, été délivré à la société Cinéplaza le 25 novembre 2013, et est devenu définitif le 28 septembre 2018 à la suite de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n°16BX03166 du 28 juin 2018 rejetant les recours dirigés contre cet acte. Le 24 décembre 2021, à la demande du centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), la société Cinéplaza a déposé une nouvelle demande d'autorisation d'aménagement cinématographique pour la création de l'établissement de spectacles cinématographiques à l'enseigne " Cinépalmes " de six écrans et 971 places. Par décision du 18 février 2022, la CDAC de la Réunion lui a délivré cette autorisation. La société Lory a alors saisi le 25 mars 2022, la commission nationale d'aménagement cinématographique (CNACi) d'un recours préalable contre cette autorisation. Par une décision implicite née le 25 juillet 2022, la CNACi a rejeté ce recours. Le président de la CNACi a communiqué le 25 août 2022 les motifs de cette décision à la société Lory. Par la présente requête, la société Lory demande à la cour l'annulation d'une part, de la décision implicite de la CNACi confirmant l'autorisation accordée à la société Cinéplaza, d'autre part, de la communication des motifs de rejet.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

S'agissant de la communication des motifs de la décision implicite de rejet de la CNACi :

2. Ainsi qu'il est soutenu en défense, la communication par courrier du 25 août 2022 du président de la CNACi, des motifs de la décision implicite née le 25 juillet 2022 rejetant le recours préalable obligatoire de la société Lory, ne constitue pas une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours. Par suite, les conclusions de la société requérante tendant à son annulation sont irrecevables et doivent être rejetées.

S'agissant de la décision implicite de rejet née le 25 juillet 2022 :

3. Aux termes de l'article R 212-7-20 du code du cinéma et de l'image animée : " (...)Lorsque la réalisation d'un projet autorisé est subordonnée à l'obtention d'un permis de construire, l'autorisation est périmée si le dossier de demande de permis de construire considéré comme complet au regard des articles R. 423-19 à R. 423-22 du code de l'urbanisme n'est pas déposé dans un délai de deux ans à compter de la date fixée au premier alinéa. Si la faculté de recours prévue à l'article L. 212-10-3 a été exercée, ces délais courent à compter de la date de la notification de la décision de la Commission nationale d'aménagement cinématographique. Lorsque la demande de permis de construire a été déposée dans le délai et les conditions prévus au deuxième alinéa, l'autorisation est périmée pour les salles et pour les places de spectateurs qui n'ont pas été mises en exploitation dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle ce permis de construire est devenu définitif. (...) En cas de recours devant la juridiction administrative, les délais prévus au présent article sont suspendus jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle irrévocable. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 1er du décret n° 2021-181 du 18 février 2021 : " Les délais de mise en œuvre des autorisations d'aménagement cinématographique prévus à l'article R. 212-7-20 du code du cinéma et de l'image animée, en cours à la date d'entrée en vigueur du présent décret, sont prorogés d'une durée de douze mois. ".

4. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que par une décision du 8 novembre 2013, la commission départementale d'aménagement cinématographique (CDAC) de la Réunion a autorisé la société Cinéplaza à créer un établissement de spectacles cinématographiques de six salles et 1 001 sièges à l'enseigne " Cinépalmes " à Saint-Denis. Par une décision du 9 avril 2014, la commission nationale d'aménagement cinématographique (CACi) a confirmé cette décision. Cette autorisation a fait l'objet d'un recours définitivement rejeté par la cour administrative d'appel de Bordeaux par un arrêt du 7 avril 2016, à la suite de la non-admission du pourvoi en cassation formé par la société Lory. Un permis de construire a, par ailleurs, été délivré à la société Cinéplaza le 25 novembre 2013, et est devenu définitif le 28 septembre 2018 à la suite de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n°16BX03166 du 28 juin 2018 rejetant les recours dirigés contre cet acte et qui n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation. Eu égard aux dispositions précitées du code du cinéma et de l'image animée et du décret du 18 février 2021 prévoyant la prorogation de douze mois du délai de mise en œuvre d'une telle autorisation, la société Cinéplaza, qui poursuivait le même projet, devait donc mettre en œuvre l'autorisation d'exploitation cinématographique qu'elle détenait, avant le 28 septembre 2022. Or, il ressort des pièces du dossier que les travaux de construction de l'établissement cinématographiques en litige se sont achevés en décembre 2021 et que celui-ci a été exploité à compter de mai 2022. Dès lors, ainsi que le soutient la société Cinéplaza, l'autorisation qui lui a été initialement délivrée n'était pas caduque et la décision de la CNACi née le 25 juillet 2022 lui accordant l'autorisation d'exploitation présente un caractère superfétatoire. Par suite, la société Cinéplaza est fondée à soutenir que les conclusions à fin d'annulation dirigées contre un tel acte, qui ne présente pas le caractère d'une décision faisant grief, sont irrecevables.

5. Il résulte de ce qui précède, que la société Lory n'est fondée à demander l'annulation ni de la décision implicite de rejet de la CNAC née le 25 juillet 2022 ni de la communication des motifs de cette décision en date du 25 août 2022.

Sur les frais liés au litige :

6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation. "

7. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Commission nationale d'aménagement cinématographique, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société Lory au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Lory la somme de 1 500 euros demandée sur le fondement des mêmes dispositions par la société Cinéplaza.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Lory est rejetée.

Article 2 : La société Lory versera à la société Cinéplaza une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lory, à la Commission nationale d'aménagement cinématographique et à la société Cinéplaza.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Evelyne Balzamo présidente de chambre,

Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2024.

La présidente rapporteure,

Evelyne Balzamo Le président de la cour,

Luc Derepas

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX02750 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02750
Date de la décision : 31/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-31;22bx02750 ?
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