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31/10/2024 | FRANCE | N°22BX01295

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 31 octobre 2024, 22BX01295


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Millet portes et fenêtres a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui ont été mis à sa charge pour les périodes du 1er janvier au 31 décembre 2009, du 1er janvier au 31 décembre 2010, du 1er janvier au 31 décembre 2011 et du 1er janvier au 31 décembre 2012.



Par un jugement n° 2002848 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Po

itiers a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Millet portes et fenêtres a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui ont été mis à sa charge pour les périodes du 1er janvier au 31 décembre 2009, du 1er janvier au 31 décembre 2010, du 1er janvier au 31 décembre 2011 et du 1er janvier au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 2002848 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mai 2022, la société Millet portes et fenêtres, représentée par Me Moyne, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002848 du 4 mars 2022 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de prononcer la restitution des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et pénalités, mis à sa charge pour les périodes du 1er janvier au 31 décembre 2009, 2010, 2011 et 2012, pour un montant de 403 187 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale ne pouvait se prévaloir de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales pour retenir un délai spécial de reprise et rectifier les années 2009, 2010, 2011 et 2012 ; elle aurait pu déclencher des investigations à la lecture de la liasse fiscale des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2015, dont le tableau n° 2058 A de détermination du résultat fiscal au cadre " réintégrations diverses " indiquait " charges exceptionnelles non déductibles 210 100 € " dès lors qu'aucune somme de ce montant n'avait été passée en charges ; la vérification de comptabilité des exercices 2011 et 2012 en matière d'impôt sur les sociétés pouvait lui permettre de déceler les irrégularités comptables des années en litige ;

- l'article L. 188 C dans sa version 2012 n'était pas applicable dès lors que la supposée révélation est intervenue le 3 mai 2017, soit après la publication de la loi de finances rectificative pour 2015 ; le délai de reprise avait expiré pour les années 2009 à 2011 ; la rédaction 2015 de l'article L. 188 C n'est applicable qu'à l'année 2012.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Reynaud, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée Millet portes et fenêtres exerce une activité de fabrication de menuiseries, charpentes et tous éléments pour la construction. A la suite de l'exercice, le 3 mai 2017, du droit de communication prévu aux articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Niort, l'administration fiscale a pris connaissance de documents recueillis par l'autorité judiciaire dans le cadre d'une procédure pénale diligentée à l'encontre de M. A..., directeur administratif et financier de la société Millet portes et fenêtres. Par la proposition de rectification du 11 décembre 2017, l'administration fiscale a notifié à la société, selon la procédure contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2009, 2010, 2011 et 2012, en raison du refus d'admettre la déductibilité de la TVA figurant sur des factures émises par M. A... au nom d'associations créées par lui, pour un montant total en droits et intérêts de retard de 403 187 euros. La société Millet portes et fenêtres relève appel du jugement du 4 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur les impositions en litige :

2. En premier lieu, l'article L. 176 du livre des procédures fiscales dispose que, pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. Aux termes de l'article L. 170 du même livre, dont les dispositions ont été abrogées par l'article 10 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, puis reprises en application du II du même article, à l'article L. 188 C du même livre, du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2016, et rendues applicables aux délais de reprise venant à expiration à compter de l'entrée en vigueur de la loi le 1er janvier 2013 : " (...), les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ".

3. Aux termes de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ". L'article 92 de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 précise que ces dispositions s'appliquent aux délais de reprise venant à expiration à compter de la publication de la présente loi, soit le 30 décembre 2015, et que l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de l'article 10 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, demeure applicable aux révélations intervenues avant la publication de la présente loi.

4. Les droits de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société appelante au titre des périodes des 1er janvier au 31 décembre 2009, 2010, 2011 et 2012 ont été mis en recouvrement le 14 décembre 2018. Les insuffisances d'impositions à la taxe sur la valeur ajoutée établies au titre des années et des périodes atteintes par la prescription de droit commun ont été révélées à l'administration à la suite de l'exercice du droit de communication auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Niort. La société soutient que l'administration fiscale ne peut procéder aux rappels de TVA au titre des années 2009 à 2011 sur le fondement de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, ni dans sa version issue de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, ni dans celle de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015, dès lors que les faits révélés par l'autorité judiciaire l'ont été après la publication de cette loi.

5. D'une part, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Poitiers, la circonstance que le droit de communication exercé auprès du parquet, relativement aux faits à l'origine de la rectification contestée, a été postérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 29 décembre 2015, ne fait pas obstacle à l'application du délai de reprise spéciale, prévu par l'article L. 170 puis L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans la mesure où l'application dans le temps de ces dispositions n'est pas déterminée par la date de la révélation des faits justifiant les reprises d'imposition, mais par celle à laquelle expire le délai de reprise de droit commun. D'autre part, il n'est pas contesté que les faits délictueux dont a pris connaissance, le 3 mai 2017, l'administration fiscale devaient faire l'objet, sur renvoi du procureur de la République, d'une instance devant le juge judiciaire, dans le cadre d'une audience initialement prévue le 23 mars 2017 et renvoyée au 26 juin 2017. Par suite, les dispositions de l'article L. 170 puis de l'article L. 188 C, dans sa version issue de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, prévoyant le délai de prescription spéciale, étaient applicables aux rappels de TVA notifiés au titre des années 2009 à 2011, dès lors que l'administration n'a pris connaissance de l'engagement de poursuites que postérieurement à l'ouverture de l'instance. Conformément aux nouvelles dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015, l'administration fiscale a pu appliquer le droit de reprise à l'année 2012, compte tenu des faits révélés par la procédure judiciaire en cours. Dans ces conditions, l'administration fiscale n'a pas commis d'erreur de droit.

6. En second lieu, des insuffisances ou omissions d'imposition ne peuvent pas être regardées comme révélées par une instance devant les tribunaux au sens de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 188 C du même livre, lorsque l'administration dispose d'éléments suffisants lui permettant, par la mise en œuvre des procédures d'investigation dont elle dispose, d'établir ces insuffisances ou omissions d'imposition dans le délai normal de reprise prévu à l'article L. 176 du livre des procédures fiscales. Il en va également ainsi lorsque, à la date à laquelle l'administration dispose de ces informations, le délai prévu à l'article L. 176 du livre des procédures fiscales est expiré et qu'elle n'est plus en mesure, sur ce seul fondement, de réparer les insuffisances et omissions d'imposition. La circonstance que ces informations seraient ultérieurement mentionnées dans une procédure judiciaire n'ouvre pas à l'administration le droit de se prévaloir de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales comme de l'article L. 188 C du même livre, dès lors qu'en pareille hypothèse, ces informations ne peuvent être regardées comme ayant été révélées par cette instance.

7. La société appelante soutient que l'administration fiscale disposait dès 2015, à partir de la liasse fiscale de l'exercice clos au titre de l'année 2015, de la déclaration mensuelle de TVA souscrite le 24 mars 2016 ou des informations recueillies lors la vérification de comptabilité des exercices clos au titre des années 2011 et 2012, d'éléments suffisants lui permettant, par la mise en œuvre des procédures d'investigation dont elle dispose, d'établir les insuffisances d'imposition dans le délai normal de reprise. Toutefois, il résulte de l'instruction que si la société Millet portes et fenêtres a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de ses exercices 2011 et 2012, en matière d'impôt sur les sociétés, il ne saurait être déduit de la seule mise en œuvre de cette procédure que l'administration fiscale aurait été en mesure d'identifier de la TVA déduite de factures fictives. De même, il ne résulte pas de l'instruction que la mention de la réintégration de charges exceptionnelles non déductibles au titre de l'exercice clos en 2015 ou l'inscription en février 2016 d'un montant de TVA antérieurement déduite à reverser au motif qu'il s'agit de " TVA sur factures non déductibles " auraient dû conduire l'administration à soupçonner l'existence de prestations fictives, facturées par des associations créées par l'ancien directeur administratif et financier, contre lequel la société appelante n'a d'ailleurs déposé plainte que le 20 janvier 2016. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction, en l'absence de tout élément contraire, que l'administration fiscale aurait disposé d'éléments qui lui auraient permis de procéder aux rectifications litigieuses dans le délai normal de reprise. Par suite, l'administration était fondée à faire application du délai spécial de reprise.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Millet portes et fenêtres n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Millet portes et fenêtres en application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Millet portes et fenêtres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Millet portes et fenêtres et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera communiquée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2024.

La rapporteure,

Bénédicte B...La présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01295


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01295
Date de la décision : 31/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : FIDAL NANTES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-31;22bx01295 ?
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