Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté en date du 30 janvier 2023 par lequel le préfet de la Guadeloupe l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans à compter de l'exécution de cette décision.
Par un jugement n° 2300248 du 15 février 2024, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mars 2024, et un mémoire en production de pièces enregistré le 30 août 2024, M. A..., représenté par Me Lacave, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2300248 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 15 février 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2023 par lequel le préfet de la Guadeloupe l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans à compter de l'exécution de cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que l'autorité préfectorale n'a pas répondu à sa demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ;
- il est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il disposerait de ressources si le préfet lui délivrait le titre de séjour par le travail qu'il demande, qu'il ne trouble pas l'ordre public et est en danger dans son pays d'origine.
Par ordonnance du 2 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 2 septembre 2024 à 12 heures.
Un mémoire présenté pour le préfet de la Guadeloupe a été enregistré le 30 septembre 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Nicolas Normand a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant haïtien né en 1970, déclare être entré illégalement sur le territoire français en 2019. Il a été interpellé le 30 janvier 2023 par les services de gendarmerie de Baie-Mahault, pour des faits de conduite d'un véhicule, sous l'empire d'un état alcoolique, à une vitesse excessive et sans assurance. Par un arrêté du 30 janvier 2023, le préfet de la Guadeloupe l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 15 février 2024 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; [...] 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
3. Pour prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de M. A..., le préfet de la Guadeloupe s'est fondé, d'une part, sur les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que l'intéressé a déclaré être arrivé clandestinement sur le territoire en 2019 et être démuni de tout document lui permettant de séjourner légalement et, d'autre part, sur les dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que l'intéressé a adopté un comportement représentant un trouble à l'ordre public en conduisant un véhicule en vitesse excessive, sans assurance et en état d'alcoolémie.
4. De première part, aux termes de l'article L. 421-1 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail ". Selon l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". En application de l'article R. 5221-17 du code du travail : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger ".
5. Le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative édicte une mesure d'éloignement légalement fondée. Par suite, c'est à tort que le requérant soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit en ce que l'autorité préfectorale n'aurait pas répondu à sa demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Au surplus, le requérant n'avait pas acquis, postérieurement au dépôt de sa demande de titre de séjour, et au plus tard à la date de l'entrée en vigueur de la mesure d'éloignement, un droit à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, que si l'intéressé justifie d'une demande d'autorisation de travail présentée par son employeur pour qu'il exerce les fonctions de chef soudeur sous couvert d'un contrat à durée indéterminée et que son employeur a indiqué que l'emploi n'avait pas pu être pourvu en faisant appel à Pôle emploi, M. A... ne pouvait toutefois bénéficier de droit d'un tel titre, faute pour lui de justifier d'un visa long séjour.
6. De deuxième part, à la date de l'arrêté attaqué, le requérant, qui avait déclaré être sans profession, ne disposait pas de ressources suffisantes pour se maintenir sur le territoire français. Il ne justifie d'ailleurs que d'un seul bulletin de salaire au titre du mois de décembre 2022. L'arrêté attaqué n'est donc entaché de ce fait d'aucune erreur de fait ou d'appréciation.
7. De troisième part, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été placé en garde à vue le 30 janvier 2023 à Baie-Mahault pour conduite d'un véhicule en vitesse excessive, sans assurance et en état d'alcoolémie. Le requérant produit cependant une attestation d'assurance d'un véhicule immatriculé GB-695-EZ de nature à démontrer que le véhicule qu'il conduisait le 30 janvier 2023 était bien assuré. Et pour le surplus, malgré leur caractère récent et leur nature, les faits reprochés au requérant, qui sont isolés, ne traduisent pas un comportement constitutif d'un trouble à l'ordre public au sens des dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, l'arrêté est également légalement fondé sur les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il résulte de l'instruction que l'autorité préfectorale aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur ces dispositions.
8. De dernière part, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
9. A supposer même que le requérant ait entendu soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il se borne à faire état, en termes généraux, de la dégradation de la situation sécuritaire en Haïti, et n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'à la date de la décision contestée, à laquelle doit être appréciée sa légalité, il aurait été personnellement exposé, en cas de retour dans son pays, à des risques portant atteinte aux droits protégés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doit être écarté. La situation actuelle en Haïti est en revanche de nature à faire obstacle à l'exécution de la décision fixant cet Etat comme pays de renvoi, eu égard aux stipulations précitées de l'article 3 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
Le rapporteur,
Nicolas Normand
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00736