Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la commune de Couzeix à lui verser la somme de 222 400 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2020.
Par un jugement n° 2001321, 2001862 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté les demandes de Mme C....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2022, Mme D... épouse C..., représentée par Me Grèze, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 6 octobre 2022 ;
2°) de condamner la commune de Couzeix à lui verser une somme de 134 400 euros et une somme de 88 000 euros en réparation, respectivement, de ses préjudices professionnel et personnel qu'elle estime avoir subis, avec intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Couzeix la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ses requêtes devant le tribunal administratif de Limoges étaient recevables ;
- la commune de Couzeix a commis une faute en manquant à son obligation d'assurer la protection de sa santé physique et mentale ;
- l'accident de service du 17 juin 2016 est la conséquence de ses accidents successifs et résulte également de l'absence de mesure de prévention des risques ;
- la commune de Couzeix ne justifie pas avoir respecté ses obligations légales en matière de sécurité ;
- elle n'a pris aucune mesure pour prévenir le risque de renouvellement de l'accident en n'aménageant pas son poste lors de sa reprise du travail en juillet 2013 ;
- l'accident de juin 2016 est imputable à l'absence de mesure de protection et à l'absence d'aménagement de son poste qui comporte des gestes répétitifs et le port de charges lourdes ;
- la commune de Couzeix a manqué à son obligation de reclassement de son agent ;
- ses nouvelles attributions ne sont pas compatibles avec les restrictions de la médecine préventive ;
- en raison de ces différentes fautes, elle a subi un préjudice professionnel qu'elle évalue à 134 400 euros ;
- elle a également subi un préjudice moral en raison, en particulier, de l'accident de service du 17 janvier 2016 et des fautes commises par la commune qu'elle évalue à 88 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2023, la commune de Couzeix, représentée par son maire en exercice, par Me Verne, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de Mme C... ;
2°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les demandes de première instance étaient irrecevables ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;
- le décret n°92-850 du 28 août 1992 ;
- le décret n° 2000-542 du 16 juin 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Clémentine Voillemot,
- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public,
- les observations de Me Grèze, représentant Mme C..., et de Me Benyahia, représentant la commune de Couzeix.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... D... épouse C..., titulaire du grade d'adjoint technique et assurant alors des fonctions d'agent territorial spécialisé dans les écoles maternelles (ATSEM) auprès de la commune de Couzeix, a été victime d'un accident le 21 décembre 2011 lui causant des lésions au poignet droit, reconnu en accident de service le 9 janvier 2012. Elle a eu trois rechutes de cet accident de service les 29 janvier 2013, 17 janvier 2014 et 17 juin 2016. Par un arrêté du 16 octobre 2020, Mme C... a été placée en congé de longue maladie à compter du 16 octobre 2019, prolongé jusqu'au 16 janvier 2021, puis a été placée en congé de longue durée. Le 2 juin 2020, Mme C... a sollicité de la commune le versement d'une somme de 200 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait des fautes qu'aurait commises la commune de Couzeix en omettant d'adopter les mesures de nature à prévenir les dommages physiques et psychologiques qu'elle a subis.
2. Par un jugement du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté les demandes de Mme C... tendant à la condamnation de la commune de Couzeix à lui verser la somme de 222 400 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Mme C... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions indemnitaires de Mme C... :
3. Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dont les dispositions ont été reprises depuis à l'article L. 136-1 du code général de la fonction publique : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article 2 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Dans les collectivités (...), les locaux et installations de service doivent être aménagés, les équipements doivent être réalisés et maintenus de manière à garantir la sécurité des agents et des usagers. Les locaux doivent être tenus dans un état constant de propreté et présenter les conditions d'hygiène et de sécurité nécessaires à la santé des personnes ". Aux termes de l'article 2-1 du même décret : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ". Les autorités administratives ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents. Il leur appartient à ce titre, sauf à commettre une faute de service, d'assurer la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précise l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction issue du décret du 16 juin 2000.
4. En premier lieu, aux termes de l'article 20 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Les agents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 1er bénéficient d'un examen médical périodique au minimum tous les deux ans. Dans cet intervalle, les agents qui le demandent bénéficient d'un examen médical supplémentaire. (...) ". Aux termes de l'article 21 du même décret : " En sus de l'examen médical prévu à l'article 20, le médecin du service de médecine professionnelle et préventive exerce une surveillance médicale particulière à l'égard : (...) / - des agents réintégrés après un congé de longue maladie ou de longue durée ; - des agents occupants des postes dans des services comportant des risques spéciaux ; (...)/ Le médecin du travail définit la fréquence et la nature du suivi que comporte cette surveillance médicale (...) ". Aux termes de l'article 25 du même décret : " Le service de médecine préventive est informé par l'autorité territoriale dans les plus brefs délais de chaque accident de service et de chaque maladie professionnelle ou à caractère professionnel ".
5. Si Mme C... se prévaut des articles 20, 21 et 25 du décret du 10 juin 1985 et soutient qu'elle n'a jamais été examinée, cette allégation, dépourvue de toute précision, ne suffit pas à démontrer un manquement de la commune de Couzeix à son obligation d'assurer la sécurité et la protection de son agent au regard de ces dispositions alors qu'il résulte de l'instruction que la commune de Couzeix a assuré le suivi de la situation médicale de la requérante. Elle a notamment reconnu l'imputabilité au service de l'accident du 21 décembre 2011 et des rechutes du 29 janvier 2013, 17 janvier 2014 et du 17 juin 2016, organisé des expertises médicales le 23 mai 2013, le 12 juin 2017, le 22 janvier 2018, le 26 février 2018, le 4 avril 2018 et le 2 juillet 2018, saisi à de nombreuses reprises le service intercollectivité de médecine professionnelle et la commission de réforme, obtenu l'avis du médecin de prévention le 7 décembre 2017, le 28 août 2018 et le 19 décembre 2018 et sollicité l'avis du médecin de prévention sur les nouvelles activités de la requérante le 25 juillet 2019. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'un défaut de suivi ou d'examen médical aurait été à l'origine d'un accident de service ou d'une rechute de Mme C.... Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Couzeix aurait commis une faute en s'abstenant d'organiser les examens médicaux nécessaires à la sécurité et la protection de la requérante.
6. En deuxième lieu, il est constant que Mme C... a subi des évènements de rechute ou d'aggravation de son accident de service du 21 décembre 2011, le 29 janvier 2013, le 17 janvier 2014 et le 17 juin 2016. Toutefois, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que l'accident initial et les rechutes ou aggravations de 2013 et 2014 soient en lien avec d'éventuels manquements de la commune de Couzeix pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de Mme C.... Il résulte au contraire de l'instruction qu'ils sont dus à des chutes de cette dernière sans qu'aucun élément produit au dossier ne permette de rattacher ces chutes à des manquements de la collectivité. Par ailleurs, les circonstances de l'accident du 17 juin 2016 ne sont pas davantage imputables à la commune de Couzeix puisqu'il résulte de l'instruction que Mme C... s'est blessée au poignet en tentant de soulever un enfant lors d'un exercice de gymnastique scolaire alors qu'aucune consigne en ce sens ne lui avait été adressée et que ce geste n'est pas requis par les fonctions dévolues à la requérante. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que les accidents de travail subis par la requérante seraient en lien avec une absence de mesure de prévention des risques.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale: " Le fonctionnaire territorial reconnu, par suite d'altération de son état de santé, inapte à l'exercice de ses fonctions peut être reclassé dans un emploi d'un autre cadre d'emplois ou d'un autre corps ou dans un autre emploi, en priorité dans son administration d'origine ou à défaut dans toute administration ou établissement public mentionnés à l'article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, s'il a été déclaré en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. Par dérogation, la procédure de reclassement peut être engagée en l'absence de demande de l'intéressé. Ce dernier dispose, en ce cas, de voies de recours ".
8. Aux termes de l'article 2 du décret du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles dans sa version en vigueur jusqu'au 4 mars 2018 : " Les agents spécialisés des écoles maternelles sont chargés de l'assistance au personnel enseignant pour la réception, l'animation et l'hygiène des très jeunes enfants ainsi que de la préparation et la mise en état de propreté des locaux et du matériel servant directement à ces enfants. Les agents spécialisés des écoles maternelles participent à la communauté éducative. / Ils peuvent, également, être chargés de la surveillance des très jeunes enfants dans les cantines. Ils peuvent, en outre, être chargés, en journée, des mêmes missions dans les accueils de loisirs en dehors du domicile parental des très jeunes enfants. / Ils peuvent également assister les enseignants dans les classes ou établissements accueillant des enfants handicapés ".
9. D'une part, Mme C... soutient que son poste aurait dû être aménagé lors de sa reprise du travail le 29 juillet 2013 dès lors que le docteur G... et le docteur F... préconisaient la limitation du port de charges lourdes et des mouvements répétitifs et d'éviter les tâches ménagères et notamment le lavage de vitres. Toutefois, Mme C... se borne à se prévaloir de façon générale des fonctions des agents spécialisés des écoles maternelles en se référant à l'article 2 du décret du 28 août 1992 et aux risques associés sans détailler les missions précises qui lui étaient confiées par la commune de Couzeix et qui auraient été à l'encontre des préconisations médicales. Plus particulièrement, il ne résulte pas de l'instruction que le poste de Mme C... exigeait de porter des charges lourdes et d'effectuer des mouvements répétitifs. En outre, et comme indiqué au point 6, il ne résulte pas davantage de l'instruction que les accidents de service de Mme C... seraient liés à l'absence d'aménagement de son poste avant sa rechute de 2016.
10. D'autre part, il résulte de l'instruction que la requérante a fait une demande, le 22 décembre 2017, pour bénéficier d'un temps partiel thérapeutique à compter du 7 janvier 2018. Les expertises médicales du docteur A... du 22 janvier 2018 puis du docteur B... du 26 février 2018 concluaient à la nécessité d'une reprise des fonctions de Mme C... à temps partiel thérapeutique à 50% au regard des préconisations de la médecine de prévention relatives à un aménagement du poste pour enlever le port de charge supérieur à 5 kg, le ménage et le travail en hauteur. La commune de Couzeix a accédé à la demande de Mme C... et suivi les préconisations médicales en plaçant la requérante en temps partiel thérapeutique à compter du 7 janvier 2018, renouvelé jusqu'au 6 octobre 2018. En l'absence de demande de renouvellement du temps partiel thérapeutique au-delà de cette date, Mme C... a été réintégrée à temps complet. Le 16 octobre 2018, la commune de Couzeix a saisi la commission de réforme afin d'obtenir son avis sur l'aptitude de la requérante à ses fonctions ou son reclassement. Par un avis du 6 novembre 2018, la commission de réforme a préconisé une nouvelle affectation ou un reclassement sans ménage, ni port de charges supérieur à 5 kg et sans travail en hauteur. Enfin, il résulte de l'instruction, notamment du courrier du 8 juillet 2019 adressé par la commune de Couzeix à la requérante, que les conditions de travail de Mme C... ont été adaptées et qu'elle a été affectée à des postes et sur des fonctions compatibles avec les restrictions médicales. Les missions confiées consistaient, notamment, en du pointage à la cantine, une aide à la bibliothèque scolaire, de la surveillance interclasse, de l'aide aux animateurs de l'accueil de loisirs sans hébergement, de l'accompagnement du trajet des enfants puis dans l'ouverture et le contrôle des installations sportives au sein du complexe sportif. Il ne résulte pas de l'instruction que l'état de santé de Mme C... nécessitait d'autres aménagements ni que les missions qui lui ont été confiées n'auraient pas été compatibles avec les restrictions médicales de la requérante tendant à ne pas effectuer de ménage, ne pas porter des charges supérieures à 5 kg et ne pas travailler en hauteur. Enfin, Mme C... n'a formulé aucune demande de reclassement dans un autre cadre d'emplois qui n'aurait pas été satisfaite par la commune de Couzeix. Dans ces circonstances, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'absence de reclassement constitue une faute qui engage la responsabilité de la commune ni que ses affectations n'étaient pas compatibles avec les restrictions médicales préconisées.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Couzeix présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... épouse C... et à la commune de Couzeix.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
La rapporteure,
Clémentine Voillemot
La présidente,
Elisabeth JayatLa greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 22BX02979