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22/10/2024 | FRANCE | N°22BX01243

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 22 octobre 2024, 22BX01243


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société Cocktail Développement, société par actions simplifiée (SAS), et la SAS Pixity ont demandé au tribunal administratif de Limoges l'annulation de la délibération du 27 juin 2019 par laquelle le conseil communautaire de Châteauroux Métropole a approuvé le règlement local de publicité intercommunal (RLPi) et la décision du président de Châteauroux Métropole du 6 septembre 2019 rejetant leur recours gracieux tendant à l'annulation de la délibération précitée

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Par un jugement n° 1901884 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Cocktail Développement, société par actions simplifiée (SAS), et la SAS Pixity ont demandé au tribunal administratif de Limoges l'annulation de la délibération du 27 juin 2019 par laquelle le conseil communautaire de Châteauroux Métropole a approuvé le règlement local de publicité intercommunal (RLPi) et la décision du président de Châteauroux Métropole du 6 septembre 2019 rejetant leur recours gracieux tendant à l'annulation de la délibération précitée.

Par un jugement n° 1901884 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 mai 2022, 8 décembre 2022, 1er mars 2023 et 5 avril 2023, la SAS Cocktail Développement et la SAS Pixity, représentées par Me Tertrais, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 4 mars 2022 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil communautaire de Châteauroux Métropole du 27 juin 2019 portant approbation du règlement local de publicité intercommunal (RLPI) et la décision du président de Châteauroux Métropole du 6 septembre 2019 rejetant leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de Châteauroux Métropole une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- elles ont intérêt à agir contre l'intégralité de la délibération attaquée dès lors que certains moyens impliquent l'annulation du règlement local de publicité intercommunal dans son ensemble ;

- la procédure d'élaboration du RLPi est entachée de plusieurs vices substantiels :

- le défaut d'information des conseillers communautaires ;

- l'absence de jonction au dossier d'enquête publique du bilan de la concertation ;

- le bilan de la concertation n'a pas été effectué en méconnaissance de l'article L. 103-6 du code de l'urbanisme ;

- le RLPi de Châteauroux Métropole poursuit pour l'essentiel un but étranger à celui de la protection du cadre de vie en méconnaissance des dispositions de l'article L. 581-2 du code de l'environnement et la limitation des consommations d'énergie ne constitue pas un but de protection du cadre de vie ;

- le zonage est illégal, plus particulièrement celui de la ZR2 qui est dépourvue de toute unité de cadre de vie, et celui de la zone ZR3 qui présente un environnement varié mêlant des secteurs à vocation d'habitation, d'équipement, commerciale, de services, artisanale ou encore industrielle ;

- le RLPi porte une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'expression ;

- il pose une interdiction générale et absolue en matière de publicité numérique sur l'ensemble du territoire couvert par le RLPi et interdit, en pratique, par l'effet des cumuls de limites et prohibitions, aux professionnels de l'affichage numérique d'exercer leur métier ; cette interdiction n'est pas proportionnée à ce qui est strictement nécessaire à assurer la protection du cadre de vie ;

- les règles imposées à la publicité numérique sont illégales car non justifiées ou porteuses de discrimination ;

- en autorisant, en ZR1, uniquement la publicité sur mobilier urbain et, en ZR2, la publicité numérique uniquement sur le mobilier urbain, les articles du RLPi révèlent une position discriminatoire illégale au bénéfice des opérateurs économiques capables d'associer la mise à disposition de mobilier urbain et la diffusion de publicité qu'elle soit numérique ou non, au préjudice des acteurs de la publicité numérique ; cette discrimination n'est pas justifiée par des enjeux en termes de protection du cadre de vie ; l'impact de toute publicité, notamment la publicité numérique, qu'elle soit apposée sur mobilier urbain ou sur tout autre support, est identique ;

- l'article 4.1.5 du RLPi applicable à la ZPR3 porte une atteinte manifestement disproportionnée en raison de la taille insignifiante de la partie située en agglomération de la D 920 ;

- l'interdiction de toute publicité numérique scellée au sol en ZR3, en dehors des abords de la D 920 situés en agglomération ne constitue pas la seule mesure apte à assurer la protection du cadre de vie de la ZR3 ;

- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en jugeant que la prohibition de la publicité numérique dite scellée au sol en ZR3 ne constituait pas une discrimination ;

- l'article 4.1.5 du RLPi réduit de manière abusive à 5 mètres la hauteur maximum par rapport au sol à laquelle peut être implanté un dispositif de publicité numérique sur bâtiment en ZR3 alors que l'affichage publicitaire classique est autorisé à une hauteur maximum de 6 mètres ;

- la limitation des règles de densité est abusive et non justifiée par des motifs locaux de protection du cadre de vie ;

- l'article 1.3.7 du RLPi porte atteinte arbitrairement à la liberté du commerce et de l'industrie des professionnels de l'affichage publicitaire lumineux en réduisant dans les quatre zones le créneau horaire d'allumage des panneaux publicitaires lumineux ;

- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en jugeant que la plage horaire d'extinction des dispositifs de publicité numérique pouvait être étendue d'une heure au regard d'un motif d'économie d'énergie ;

- la règle n'autorisant les enseignes numériques qu'à la condition qu'elles soient posées à plat sur façade et se situent en ZR3 est disproportionnée par rapport à ce qui est strictement nécessaire à protéger le cadre de vie à Châteauroux ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en justifiant les différences de traitement entre les enseignes lumineuses et non lumineuses par le fait que ces dernières engendrent moins de nuisances visuelles ;

- les dispositions de l'article 1.3.7 du RLPi créent une rupture d'égalité entre les différents opérateurs économiques du secteur ;

- l'article 1.4.4 du RLPi apporte une restriction illégale à la liberté du commerce et de l'industrie en étendant la plage horaire d'extinction des dispositifs numériques ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en retenant que les prescriptions de cet article étaient comparables à ce que prévoit l'article R. 581-59 du code de l'environnement et a pris, à tort, en compte le souci d'économie d'énergie alors que seule la protection du cadre de vie peut justifier une telle mesure ;

- le rapport de présentation et les dispositions réglementaires du RLPi sont incohérents ;

- aucune considération d'intérêt général ne justifie un différé dans le temps d'une annulation dès lors que l'ancien règlement trouverait à s'appliquer.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 novembre 2022, 9 février 2023 et 15 mars 2023, Châteauroux Métropole, représentée par Me Lherminier, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS Pixity et de la SAS Cocktail Développement, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer pour permettre à Châteauroux Métropole de régulariser le règlement et en cas d'annulation et de différer dans le temps les effets d'une éventuelle annulation.

Elle fait valoir que :

- les sociétés requérantes ne justifient pas d'un intérêt à agir contre la délibération du 27 juin 2019 en tant qu'elle a approuvé les dispositions du RLPi relatives aux dispositifs de publicité autres que numériques ;

- les moyens soulevés par la SAS Pixity et la SAS Cocktail Développement ne sont pas fondés ;

- si la cour retient un vice entachant la légalité du règlement de publicité local, il lui est demandé de surseoir à statuer pour permettre de régulariser le document ;

- les effets dans le temps d'une annulation devront être limités pour protéger le cadre de vie du territoire et empêcher le développement et l'implantation sans limite de la publicité, y compris dans les quartiers sensibles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Clémentine Voillemot,

- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public,

- les observations de Me Tertrais, représentant la SAS Cocktail Développement et la SAS Pixity, et Me Roulette, représentant Châteauroux Métropole.

Une note en délibéré a été enregistrée le 9 octobre 2024, présentée par Me Lherminier pour Châteauroux Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 24 mars 2017, le conseil communautaire de Châteauroux Métropole a prescrit l'élaboration d'un règlement local de publicité intercommunal (RLPi) et a défini ses objectifs et modalités de concertation. Par délibération du 27 juin 2019, il a adopté le règlement local de publicité intercommunal. Par jugement n° 1901884 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Limoges saisi par la SAS Cocktail développement et la SAS Pixity, a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 27 juin 2019. La SAS Cocktail Développement et la SAS Pixity relèvent appel de ce jugement.

Sur la fin de non-recevoir opposée par Châteauroux Métropole :

2. Châteauroux Métropole fait valoir que les sociétés requérantes ne justifient pas d'un intérêt à agir contre la délibération du 27 juin 2019 en tant qu'elle a approuvé les dispositions du RLPi relatives aux dispositifs de publicité autres que numériques. Cependant, la délibération attaquée porte approbation du règlement local de publicité intercommunal, composé notamment d'un rapport de présentation, de certaines dispositions du règlement et d'un zonage, communs aux différents dispositifs de publicité. Par conséquent, l'intérêt à agir des sociétés requérantes, même si elles interviennent dans le secteur de la publicité principalement numérique, ne peut être limité aux seules dispositions relatives à la publicité numérique.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisante information des conseillers communautaires :

3. Aux termes respectivement des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, applicables à l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale en vertu de l'article L. 5211-1 de ce code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal./ Si la délibération concerne un contrat de service public, le projet de contrat ou de marché accompagné de l'ensemble des pièces peut, à sa demande, être consulté à la mairie par tout conseiller municipal dans les conditions fixées par le règlement intérieur. / Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. (...) " et " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose toutefois pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de la solliciter, conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

4. Si Châteauroux Métropole produit la convocation, datée du 17 juin 2019 pour la séance du 27 juin 2019 ainsi qu'un document intitulé " note de synthèse ", constitué du seul projet de délibération, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conseillers communautaires auraient reçu, dans les conditions prévues par les textes précités, d'autres éléments et, notamment, le projet de règlement local de publicité intercommunal à approuver ou ses principaux éléments. Dans ces conditions, l'information donnée aux conseillers communautaires ne peut être regardée comme suffisante pour leur permettre de se prononcer utilement et ne satisfaisait dès lors pas aux exigences prévues par les articles précités du code général des collectivités territoriales.

En ce qui concerne les autres moyens de légalité externe :

5. En premier lieu, selon l'article L. 103-6 du code de l'urbanisme : " A l'issue de la concertation, l'autorité mentionnée à l'article L. 103-3 en arrête le bilan. / Lorsque le projet fait l'objet d'une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, le bilan de la concertation est joint au dossier de l'enquête. ".

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que lors de la délibération du 15 novembre 2018 portant sur l'arrêt du projet du règlement local de publicité intercommunal et sur le bilan de la concertation, le président a exposé le cadre et les objectifs de la concertation, a indiqué qu'un registre de concertation a été mis à disposition du 7 décembre 2017 au 4 avril 2018 dans chaque commune de l'agglomération et qu'aucune remarque n'a été faite sur les registres. La délibération précise également qu'en parallèle, plusieurs réunions de travail ont été organisées ainsi qu'une réunion publique, que l'avant-projet de RLPi a été adressé pour avis le 16 février 2018 aux personnes publiques associées et aux personnes qualifiées, qu'une réunion de travail s'est déroulée le 4 avril 2018 faisant le bilan de la concertation, procédant aux derniers arbitrages et validant le projet de RLPi en vue de la délibération. Il ressort également des pièces du dossier qu'un bilan de la concertation et la validation du projet de RLPi a fait l'objet d'une réunion du 4 avril 2018 avec les personnes publiques associées, détaillant la procédure de concertation menée, les points soulevés lors de la concertation, les demandes des afficheurs et des entreprises locales et les remarques des personnes publiques associés et cette phase de concertation est mentionnée dans les visas de la délibération du 15 novembre 2018. Les conseillers communautaires avaient donc connaissance, notamment, de cette phase détaillée de la concertation et ont pu en arrêter le bilan avec les informations nécessaires à leur disposition. Dans ces circonstances, en approuvant le rapport à l'unanimité, le conseil communautaire a bien arrêté le bilan de la concertation.

7. D'autre part, la délibération communautaire du 15 novembre 2018 arrêtant le bilan de la concertation était jointe au dossier d'enquête publique comme en atteste le rapport d'enquête mentionnant cette délibération dans la partie relative à la composition du dossier. En outre, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, les personnes intéressées par le RLPi et le commissaire enquêteur avaient connaissance des problématiques pointées lors de la concertation dès lors que, malgré l'absence de remarque sur les registres de la concertation, plusieurs réunions ont eu lieu dans le cadre de la concertation associant précisément les personnes intéressées par le RLPi. Le commissaire enquêteur mentionne ces réunions, notamment celle du 4 avril 2018, dans son rapport, et indique que les observations émises lors de la concertation ont été prises en compte dans le projet d'élaboration. Le rapport du commissaire enquêteur comporte également le tableau des observations du public, notamment celles émises par les professionnels de la publicité. Enfin, les sociétés requérantes soutiennent que c'est uniquement lors de la concertation qu'a été relevée " l'excessivité manifeste des contraintes imposées à l'affichage publicitaire numérique " et que la délibération du 15 novembre 2018 ne précise pas cet élément. Toutefois, le bilan de la concertation n'a pas vocation à détailler chaque observation formulée lors de la phase de concertation ni à se substituer aux remarques qui peuvent être portées à la connaissance du commissaire enquêteur et du public dans le cadre de l'enquête publique. Ainsi, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le bilan de la concertation n'était pas joint au dossier de l'enquête et que la composition de ce dossier aurait privé le public d'une garantie ou eu une influence sur le sens de la décision.

En ce qui concerne la légalité interne :

8. D'une part, aux termes de l'article L. 581-1 du code de l'environnement : " Chacun a le droit d'exprimer et de diffuser informations et idées, quelle qu'en soit la nature, par le moyen de la publicité, d'enseignes et de préenseignes, conformément aux lois en vigueur et sous réserve des dispositions du présent chapitre. ". Aux termes de l'article L. 581-2 du même code : " Afin d'assurer la protection du cadre de vie, le présent chapitre fixe les règles applicables à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes, visibles de toute voie ouverte à la circulation publique, au sens précisé par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 581-3 du même code : " Au sens du présent chapitre : / 1° Constitue une publicité, à l'exclusion des enseignes et des préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités ; / 2° Constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s'y exerce ; / 3° Constitue une préenseigne toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d'un immeuble où s'exerce une activité déterminée. ". Aux termes de l'article L. 581-9 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les agglomérations, et sous réserve des dispositions des articles L. 581-4 et L. 581-8, la publicité est admise. Elle doit toutefois satisfaire, notamment en matière d'emplacements, de densité, de surface, de hauteur, d'entretien et, pour la publicité lumineuse, d'économies d'énergie et de prévention des nuisances lumineuses au sens du chapitre III du présent titre, à des prescriptions fixées par décret en Conseil d'Etat en fonction des procédés, des dispositifs utilisés, des caractéristiques des supports et de l'importance des agglomérations concernées. Ce décret précise également les conditions d'utilisation comme supports publicitaires du mobilier urbain installé sur le domaine public. / (...) L'installation des dispositifs de publicité lumineuse autres que ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence est soumise à l'autorisation de l'autorité compétente. ".

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 581-14 du même code : " L'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, (...) peut élaborer sur l'ensemble du territoire de l'établissement public (...) un règlement local de publicité qui adapte les dispositions prévues aux articles L. 581-9 et L. 581-10. / Sous réserve des dispositions des articles L. 581-4, L. 581-8 et L. 581-13, le règlement local de publicité définit une ou plusieurs zones où s'applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions du règlement national (...) ". Aux termes de l'article R. 581-74 du code de l'environnement dans sa rédaction alors en vigueur : " La partie réglementaire comprend les prescriptions adaptant les dispositions prévues aux articles L. 581-9 et L. 581-10, ainsi que, le cas échéant, les prescriptions mentionnées aux articles R. 581-66 et R. 581-77 et les dérogations prévues par le I de l'article L. 581-8. / Les prescriptions du règlement local de publicité peuvent être générales ou s'appliquer aux seules zones qu'il identifie. ". Aux termes en outre de l'article R. 581-78 du même code : " Le ou les documents graphiques font apparaître sur l'ensemble du territoire de la commune ou de l'intercommunalité les zones et, le cas échéant, les périmètres, identifiés par le règlement local de publicité et sont annexés à celui-ci. (...) ".

10. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'un règlement local de publicité peut définir une ou plusieurs zones où s'applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions du règlement national. Ces dispositions confèrent aux autorités locales, en vue de la protection du cadre de vie et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, un large pouvoir de réglementation de l'affichage, qui leur permet notamment d'interdire dans ces zones toute publicité, préenseigne ou enseigne ou certaines catégories de publicité, préenseigne ou enseigne en fonction des procédés ou des dispositifs utilisés.

11. En premier lieu, il ressort du rapport de présentation que des orientations ont été retenues pour les préenseignes, les publicités, les enseignes avec pour justification principale la qualité paysagère des différentes zones de l'agglomération. La synthèse statistique du rapport de présentation conclut en précisant que la simple application de la réglementation nationale n'est pas suffisante au regard des objectifs de qualité du cadre de vie qu'ambitionne la collectivité. L'une des orientations retenues est consacrée aux économies d'énergie, qui constitue l'un des éléments mentionnés à l'article L. 581-9 du code de l'environnement et pour lesquels des prescriptions règlementaires doivent être respectées. La métropole de Châteauroux pouvait ainsi légalement prendre en compte cet élément comme orientation dans l'élaboration de son règlement local de publicité intercommunal. En tout état de cause, cette orientation n'a pas constitué le but déterminant de la mesure relative à la limitation des enseignes lumineuses en général, et numérique en particulier, dès lors qu'il ressort également du rapport de présentation que les enseignes numériques sont proscrites dans trois zones pour préserver le site patrimonial remarquable et que la limitation de leur impact visuel constitue un des objectifs pour la quatrième zone. Ainsi, le but de ces mesures relatives aux enseignes lumineuses réside dans la protection du cadre de vie. De même, si l'amélioration de l'image du territoire communautaire et l'harmonisation des dispositions réglementant la publicité extérieure sont mentionnées dans le rapport de présentation, ces éléments ne sont pas étrangers aux objectifs pouvant être pris en compte dans un règlement local de publicité. Il ressort des pièces du dossier que les objectifs affichés dans le rapport de présentation sont principalement de valoriser le patrimoine paysager, de valoriser le patrimoine architectural et d'affirmer l'identité et l'image du territoire pour améliorer non seulement son attractivité mais également le bien-être des habitants. Dans ces circonstances, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que Châteauroux Métropole a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en prenant en compte les objectifs d'économies d'énergie, d'amélioration de l'image du territoire communautaire et d'harmonisation des dispositions réglementant la publicité extérieure.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 581-7 du code de l'environnement : " En dehors des lieux qualifiés d'agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière, toute publicité est interdite. / (...) / . La publicité peut également être autorisée par le règlement local de publicité de l'autorité administrative compétente à proximité immédiate des établissements de centres commerciaux exclusifs de toute habitation et situés hors agglomération, dans le respect de la qualité de vie et du paysage et des critères, en particulier relatifs à la densité, fixés par décret ". Aux termes de l'article L. 581-8 du même code : " I. ' A l'intérieur des agglomérations, la publicité est interdite : (...) / 2° Dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables mentionnés à l'article L. 631-1 du même code ; (...) / Il ne peut être dérogé à cette interdiction que dans le cadre d'un règlement local de publicité établi en application de l'article L. 581-14 ".

13. Il ressort du descriptif des zones du règlement local de publicité intercommunal que quatre zones ont été distinguées, une zone ZR1 concernant le centre ancien concentrant l'essentiel du patrimoine architectural de Châteauroux, une zone ZR2 pour la ceinture de boulevard comprenant l'intégralité des secteurs agglomérés en bordure de la ZR1 constitués de bâti dense du XIXème siècle et compris en quasi intégralité dans le site patrimonial remarquable, une zone ZR3 pour le reste des secteurs agglomérés et une zone ZR4 concernant les secteurs hors agglomération. Chaque zone comprend des territoires devant faire l'objet d'une protection particulière afin de respecter les dispositions du code de l'environnement ou afin de protéger le cadre de vie selon les particularités du secteur. Il en va ainsi des zones ZR 1 et ZR 2 délimitées afin de prendre en compte l'article L. 581-8 du code de l'environnement interdisant la publicité à l'intérieur de l'agglomération dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables et permettant de déroger à cette interdiction uniquement dans le cadre d'un règlement local de publicité. Les orientations du rapport de présentation affichent la volonté de préserver la qualité paysagère et architecturale du centre historique en ZR1 et la qualité paysagère des grands boulevards en ZR2. La zone ZR 4 a notamment été délimitée afin de prendre en compte les dispositions de l'article L. 581-7 du code de l'environnement interdisant toute publicité en dehors des lieux qualifiés d'agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière. Enfin, la zone ZR 3 comprend les territoires en secteurs agglomérés et hors site patrimonial remarquable mais dans laquelle la métropole veut préserver les paysages urbains. Ainsi, malgré les caractéristiques variées des territoires situés au sein des différentes zones, le zonage n'est entaché ni d'une erreur manifeste d'appréciation ni d'une erreur de droit.

14. En troisième lieu, dès lors que l'exercice de pouvoirs de police administrative est susceptible d'affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures de police ont pour objectif la protection de l'ordre public ou, dans certains cas, la sauvegarde des intérêts spécifiques que l'administration a pour mission de protéger ou de garantir n'exonère pas l'autorité investie de ces pouvoirs de police de l'obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité de ces mesures de police administrative en recherchant si elles ont été prises compte tenu de l'ensemble de ces objectifs et de ces règles et si elles en ont fait, en les combinant, une exacte application. Tel est notamment le cas de la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte qui, tout en ayant pour objectif la protection du cadre de vie, est susceptible d'affecter l'activité économique de l'affichage et il appartient aux auteurs du règlement local de publicité de veiller à ce que les mesures de police ainsi prises ne portent aux règles de la concurrence que les atteintes justifiées au regard des objectifs de la réglementation de l'affichage

S'agissant des dispositifs de publicité numérique :

15. D'une part, il ressort des articles 1.3.6, 2.1.1 et 3.1.1 qu'en zones ZR1 et ZR2, la publicité numérique constitue un dispositif interdit sauf sur mobilier urbain n'excédant pas un format unitaire de 2 m². En se bornant à soutenir que leur cœur de métier est d'être afficheur publicitaire " grand format " et qu'elles ne sont pas titulaires du marché de fourniture de mobilier urbain sur le territoire de la commune de Châteauroux, les sociétés requérantes n'apportent pas d'éléments permettant de retenir que les professionnels de l'affichage numérique seraient dans l'impossibilité d'exercer leur métier dans les zones ZR1 et ZR2 et que le règlement attaqué poserait une interdiction générale et absolue d'affichage numérique dans ces mêmes zones. En outre, comme l'ont relevé les premiers juges, alors que la publicité numérique est admise, certes de façon restrictive, même dans les zones faisant l'objet de la protection la plus stricte au regard de leur sensibilité paysagère, patrimoniale et urbanistique, et de façon moins limitée dans la ZR3 couvrant une grande partie du territoire, les sociétés requérantes n'apportent pas d'éléments traduisant une atteinte disproportionnée à l'exercice de la liberté d'expression et à la liberté du commerce et de l'industrie.

16. Les sociétés requérantes soutiennent que les articles 2.1.1 et 3.1.1 sont illégaux en ce qu'ils limitent les possibilités d'affichage numérique dans les zones ZR1 et ZR2 au mobilier urbain. Toutefois, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, les publicités apposées sur des mobiliers urbains ont un impact visuel différent de celles apposées sur d'autres supports. Le rapport de présentation précise dans ses orientations que pour préserver le site patrimonial remarquable, les enseignes numériques en ZR1, ZR2 et ZR4 sont proscrites. Ainsi, cette limitation, notamment dans les deux secteurs situés dans le périmètre du site patrimonial remarquable, est justifiée et n'engendre pas de discrimination ou de différence de traitement illégales. En outre, le mobilier urbain se différencie des autres dispositifs pouvant accueillir de la publicité numérique en ce qu'il n'a qu'une vocation publicitaire accessoire, mais a pour objet principal de répondre aux besoins des administrés. Dans ces conditions, Châteauroux Métropole n'a pas institué une discrimination irrégulière au profit du mobilier urbain, ni au profit des sociétés spécialisées dans le mobilier urbain, en permettant l'apposition de la publicité numérique sur le mobilier urbain.

17. D'autre part, aux termes de l'article 4.1.5 relatif à la publicité numérique en ZR3 : " La publicité numérique scellée au sol est interdite, sauf sur mobilier urbain (1.3.6) et sur une bande de 30 m de part et d'autre de l'axe de la chaussée de la rocade sud (D920), dans sa partie située en agglomération. / Les règles de densité à respecter sur cet axe sont les suivantes : - unité foncière présentant un linéaire de façade sur une même voirie inférieur à 100 m : aucun dispositif. / - Pour les unités foncières dont le linéaire de façade sur une même voirie est supérieur ou égal à 100 m : un dispositif distant de 100 m minimum d'un dispositif non numérique situé sur la même unité foncière. / - La surface unitaire maximum des publicités numériques est de 8 m², encadrement compris. / - La publicité numérique apposée sur bâtiment est soumise aux mêmes règles d'implantation que la publicité non numérique. La hauteur maximum par rapport au sol est toutefois réduite à 5 m ". Contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, il ressort des pièces du dossier que les unités foncières dont le linéaire de façade sur la D 920 est supérieur à 100 mètres en ZR3 ne sont pas rares et la circonstance, à la supposer établie, que des propriétaires de ces unités foncières refuseraient de donner à bail leurs parcelles pour l'implantation de panneaux publicitaires n'est pas de nature à traduire une interdiction absolue de procéder à des affichages numériques. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que la règle imposant l'implantation de panneaux numériques à plus de 100 mètres d'un dispositif non numérique situé sur la même unité foncière engendrerait une interdiction générale et absolue. Enfin, la circonstance que l'affichage numérique sur bâtiment, à une hauteur maximum de 5 mètres, limite la visibilité de la publicité, ne peut être regardée comme une interdiction générale et absolue de l'affichage numérique. Dans ces circonstances, et alors que les mesures relatives à l'affichage numérique ont pour objectif la protection du cadre de vie et la réduction de la consommation d'énergie, les moyens tirés de ce que le règlement local de publicité intercommunal pose une interdiction générale et absolue faites aux afficheurs numériques d'exercer leur métier et de ce que cette interdiction est disproportionnée à l'objectif de protection du cadre de vie identifiable, notamment dans les zones ZR2 et ZR3, doivent être écartés.

18. Il résulte de l'article 4.1.5 du règlement local de publicité intercommunal cité au point 15 que la publicité numérique scellée au sol est interdite, sauf sur mobilier urbain (1.3.6) et sur une bande de 30 m de part et d'autre de l'axe de la chaussée de la rocade sud (D920), dans sa partie située en agglomération. Si cette interdiction est propre à la publicité numérique, cette seule circonstance ne suffit pas à traduire l'existence d'une discrimination illégale dès lors que la différence de traitement est justifiée par l'importance de l'impact visuel des dispositifs de publicité numérique. Comme le précise le rapport de présentation dans la rubrique relative aux dispositions applicables à la publicité numérique en ZR3, la règlementation a été prise pour " préserver au maximum les paysages urbains et notamment les pénétrantes dans l'agglomération d'une forme de publicité particulièrement impactante ". Alors même que l'éclairage par LED permettrait de limiter l'impact lumineux des dispositifs de publicité numérique et que cet impact peut être régulé grâce à un système de réglage de la luminosité par gradation, comme le font valoir les sociétés requérantes, cette circonstance ne permet pas d'estimer que l'impact visuel des dispositifs de publicité numérique serait moindre ou même équivalent à celui des autres dispositifs. Par ailleurs, la restriction de hauteur maximale imposée pour les affiches numériques implantées sur un bâtiment, fixée à 5 mètres au lieu de 6 mètres autorisés pour les publicités non numériques, et les règles relatives à la densité d'implantation des panneaux de publicité numérique sont également justifiées par la différence d'impact visuel et ne constituent pas une discrimination illégale. Ainsi, les mesures fixées à l'article 4.1.5 du règlement sont justifiées par des circonstances particulières locales et ne peuvent être regardées comme un renforcement non justifié des règles nationales ou comme méconnaissant le principe de la liberté du commerce et de l'industrie en lui portant une atteinte disproportionnée par rapport au but poursuivi.

19. Aux termes de l'article R. 581-35 du code de l'environnement : " Les publicités lumineuses sont éteintes entre 1 heure et 6 heures, à l'exception de celles installées sur l'emprise des aéroports et des marchés d'intérêt national, et de celles supportées par le mobilier urbain affecté aux services de transport et durant les heures de fonctionnement desdits services, à condition, pour ce qui concerne les publicités numériques, qu'elles soient à images fixes. (...) ".

20. Le règlement de la publicité et des enseignes du règlement local de publicité de Châteauroux Métropole prévoit, à l'article 1.3.7 que les dispositifs lumineux doivent être éteints entre 24 heures et 6 heures du matin. Ce faisant, le règlement local de publicité litigieux étend la plage horaire d'extinction de la publicité lumineuse et des enseignes prévue par les dispositions précitées de l'article R. 581-35 du code de l'environnement, valant règlement national de publicité.

21. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de présentation qu'en cohérence avec son engagement en faveur du développement durable, la collectivité souhaite limiter la consommation d'énergie des dispositifs de publicité extérieure en limitant les heures d'éclairage des enseignes et des publicités. Il ressort en outre, notamment, des dispositions de l'article L. 581-9 précité du code de l'environnement que la prévention des nuisances lumineuses et les économies d'énergie relèvent de la protection du cadre de vie au sens de l'article L. 581-2 du code de l'environnement. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que Châteauroux Métropole aurait poursuivi une finalité que la loi ne lui avait pas assignée en édictant les dispositions litigieuses imposant l'extinction des publicités lumineuses entre 24 heures et 6 heures du matin. En outre, la circonstance que la plage horaire d'extinction des dispositifs publicitaires lumineux soit allongée d'une heure par rapport à ce que prévoient les dispositions du règlement national ne permet pas à elle seule de caractériser une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie.

S'agissant des dispositions applicables aux enseignes numériques :

22. Aux termes de l'article 1.4.4 portant sur les prescriptions relatives aux enseignes lumineuses : " (...) / - Les enseignes lumineuses autres que par projection et transparence apposées perpendiculairement à la façade sont interdites à l'exception des enseignes signalant les pharmacies, les vétérinaires et les services d'urgence. / Les enseignes lumineuses numériques scellées au sol sont interdites, sauf croix de pharmacie et affichage des prix obligatoires / (...) / - Les enseignes lumineuses doivent être éteintes de minuit à six heures du matin, sauf pour les établissements ouverts au-delà de ces horaires. / (...) ". En outre, les articles 2.2.1, 3.2.1 et 5.2.1 interdisent les enseignes numériques apposées à plat en façade dans les zones ZR1, ZR2 et ZR4. Enfin, l'article 4.2 prévoit en ZR3 qu'une seule enseigne numérique de 8m² maximum peut être admise par établissement si elle est apposée à plat sur la façade du bâtiment

23. Les sociétés requérantes soutiennent que la combinaison de ces dispositions engendre une interdiction quasiment absolue. Toutefois, cette interdiction n'est pas absolue, les enseignes numériques restant notamment admises à plat sur façade dans la ZR3. En outre, il ressort du rapport de présentation que les restrictions sont justifiées en ZR1, ZR2 et ZR4 pour préserver le site patrimonial remarquable et, en ZR3, pour limiter l'impact des enseignes numériques et sont ainsi justifiées par des circonstances locales. De même, la différence de traitement entre les enseignes numériques et les enseignes lumineuses autres que par projection et transparence résulte des dispositions de l'article R. 581-35 du code de l'environnement et Châteauroux Métropole pouvait ainsi légalement retenir cette distinction pour fixer des règles différentes entre ces deux types d'enseignes. Enfin, les possibilités d'enseignes lumineuses en général et numérique en particulier sont également limitées dans un objectif d'économie d'énergie. Par suite, les moyens tirés de ce que les prescriptions prévues par le règlement litigieux en matière d'enseignes lumineuses ont pour effet de procéder à une interdiction générale et absolue, de porter une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie et de créer une rupture d'égalité entre les différents opérateurs économiques du secteur doivent être écartés.

24. Aux termes de l'article R. 581-59 du code de l'environnement : " (...) / Les enseignes lumineuses sont éteintes entre 1 heure et 6 heures, lorsque l'activité signalée a cessé. / ". Le règlement litigieux prévoit en son article 1.4.4 que les enseignes lumineuses doivent être éteintes de minuit à six heures du matin, sauf pour les établissements ouverts au-delà de ces horaires. Au regard des orientations figurant au rapport de présentation relatives aux enseignes numériques rappelées au point précédent, l'autorité administrative en litige a pu abaisser d'une heure le début de la plage horaire d'extinction des enseignes lumineuses sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie. En outre, en se fondant également sur un motif d'économie d'énergie, elle n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ni d'erreur de droit.

S'agissant de l'incohérence entre les dispositions du règlement et le rapport de présentation :

25. Aux termes de l'article R. 581-72 du code de l'environnement : " Le règlement local de publicité comprend au moins un rapport de présentation, une partie réglementaire et des annexes ". Aux termes de l'article R. 581-73 du même code : " Le rapport de présentation s'appuie sur un diagnostic, définit les orientations et objectifs de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale en matière de publicité extérieure, notamment de densité et d'harmonisation, et explique les choix retenus au regard de ces orientations et objectifs ".

26. Les sociétés requérantes soutiennent qu'il existe une incohérence entre le rapport de présentation et les dispositions réglementaires du règlement litigieux, en se prévalant des avantages de la publicité numérique en termes de limitation du nombre d'équipements, de qualité et de lisibilité de la publicité et de réduction des émissions à effet de serre. Toutefois, tant le rapport de présentation que les dispositions règlementaires insistent sur la volonté de limiter les dispositifs numériques dans un objectif de protection du cadre de vie, au sein duquel la réduction de la consommation d'énergie s'insère, et aucune incohérence n'entache ainsi le règlement litigieux.

27. Il résulte de tout ce qui précède que, pour le seul motif exposé au point 5 ci-dessus, la société Cocktail Développement et la société Pixity sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leurs demandes et à demander l'annulation de la délibération du 27 juin 2019 par laquelle le conseil communautaire de Châteauroux Métropole a approuvé le règlement local de publicité intercommunal (RLPi) et la décision du président de Châteauroux Métropole du 6 septembre 2019 rejetant leur recours gracieux tendant à l'annulation de la délibération.

Sur la demande de sursis à statuer :

28. Si Châteauroux Métropole demande à la cour de surseoir à statuer afin de procéder à la régularisation de l'acte attaqué, aucune disposition ni aucun principe ne prévoient le prononcé d'un tel sursis en vue de la régularisation d'une délibération approuvant un règlement local de publicité intercommunal. En outre, dans les circonstances de l'espèce, aucun élément ne justifie qu'il soit sursis à statuer dans l'attente d'une régularisation. Ainsi, ces conclusions doivent être rejetées.

Sur la demande de modulation dans le temps des effets de l'annulation :

29. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

30. Alors que les publicités et enseignes font l'objet d'une réglementation nationale qui s'applique en l'absence de règlement local de publicité, l'effet rétroactif de l'annulation n'est pas de nature à emporter des conséquences manifestement excessives au regard notamment des atteintes susceptibles d'être portées à la qualité du cadre de vie de Châteauroux Métropole et des situations qui ont pu se constituer. Ainsi, les conclusions tendant à différer les effets de l'annulation doivent également être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Cocktail Développement et à la société Pixity, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Châteauroux Métropole de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

32. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Châteauroux Métropole le versement à la société Cocktail Développement et à la société Pixity d'une somme globale de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 4 mars 2022 est annulé.

Article 2 : La délibération du 27 juin 2019 par laquelle le conseil communautaire de Châteauroux Métropole a approuvé le règlement local de publicité intercommunal (RLPi) et la décision du président de Châteauroux Métropole du 6 septembre 2019 rejetant le recours gracieux des sociétés Cocktail Développement et Pixity sont annulées.

Article 3 : Châteauroux Métropole versera aux sociétés Cocktail Développement et Pixity la somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par Châteauroux Métropole sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cocktail Développement, à la société Pixity et à Châteauroux Métropole.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.

La rapporteure, La présidente

Clémentine Voillemot Elisabeth Jayat

La greffière

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de l'Indre, en ce qui le concerne, et à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 22BX01243


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01243
Date de la décision : 22/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Clémentine VOILLEMOT
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : SCP SEBAN & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-22;22bx01243 ?
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