Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 mai 2020 par lequel le maire du Taillan-Médoc a refusé de lui délivrer un permis de construire pour l'édification d'une exploitation avicole accueillant 450 poules, d'une maison d'habitation et d'une clôture, sur la parcelle cadastrée section AB n° 205 située chemin du Puy du Luc.
Par un jugement n° 2003239 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, des pièces complémentaires et un mémoire, enregistrés les 6 juillet 2022, 5 août 2022 et 13 juillet 2023, ainsi qu'un mémoire enregistré le 13 octobre 2023 qui n'a pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Boerner, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 5 mai 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 mai 2020 du maire du Taillan-Médoc ;
3°) d'enjoindre à la commune du Taillan-Médoc, à titre principal, de lui délivrer le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa demande dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de la commune du Taillan-Médoc la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation ;
- le classement en zone Ng par le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de Bordeaux Métropole de la parcelle cadastrée section AB n° 205 est illégal, par voie d'exception, dès lors qu'il est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreurs manifestes d'appréciation relatives aux motifs tirés de l'absence d'exploitation agricole d'une consistance suffisante et de l'absence de nécessité de son habitation à son activité agricole ;
- il porte atteinte à la liberté d'entreprendre, à la liberté du commerce et de l'industrie et au droit de propriété ;
- il viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 janvier 2023, ainsi qu'un mémoire enregistré le 22 février 2024, qui n'a pas été communiqué, la commune du Taillan-Médoc, représentée par Me Scaillierez, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- M. A... n'est pas recevable à présenter pour la première fois en appel un moyen relatif à la légalité externe ;
- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté du 1er février 2002 établissant les normes minimales relatives à la protection des poules pondeuses ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vincent Bureau,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- les observations de Me Paris représentant M. A... et de Me Scaillierez, représentant la commune du Taillan-Médoc.
Une note en délibéré, enregistrée le 18 septembre 2024, a été produite pour la commune du Taillan-Médoc.
Considérant ce qui suit :
1. Le 15 novembre 2019, M. A... a déposé une demande de permis de construire pour l'édification d'un bâtiment et d'installations d'exploitation avicole, d'une maison d'habitation et d'une clôture, sur la parcelle cadastrée section AB n° 205 située chemin du Puy du Luc sur le territoire de la commune du Taillan-Médoc. Par un arrêté du 27 mai 2020, la commune a refusé de faire droit à sa demande. M. A... relève appel du jugement du 5 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, M. A... soulève pour la première fois en appel le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté du 27 mai 2020. Il ressort de la demande de première instance que l'intéressé s'était borné à soulever devant le tribunal des moyens de légalité interne à l'encontre de cet arrêté. Par suite, ce moyen de légalité externe, fondé sur une cause juridique distincte nouvelle en appel, qui n'est pas d'ordre public, doit en tout état de cause être écarté comme irrecevable.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ". Aux termes de l'article R. 151-17 du même code : " Le règlement délimite, sur le ou les documents graphiques, les zones urbaines, les zones à urbaniser, les zones agricoles, les zones naturelles et forestières. / Il fixe les règles applicables à l'intérieur de chacune de ces zones dans les conditions prévues par la présente section ". Aux termes de l'article R. 151-24 de ce code : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; (...) 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; (...) ".
4. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
5. Il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement et de développement durables du PLUi de Bordeaux Métropole comporte une orientation n° 2.1.1 intitulée " Stabiliser le contour de la zone urbanisée, afin de préserver l'équilibre 50/50 existant entre espaces naturels et urbanisés " ayant pour objectif de concentrer l'urbanisation dans les " espaces aujourd'hui urbanisables, sans extension nouvelle en zone agricole, naturelle ou forestière ". Le projet d'aménagement et de développement durables comporte également une orientation n° 2.2.1 visant à " Conforter les espaces naturels et agricoles et préserver les continuités écologiques du territoire ".
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section AB n° 205, d'une superficie de 4 220 m², se situe au nord de la commune du Taillan-Médoc et est entièrement naturelle et dépourvue de constructions. Elle se situe au milieu d'une vaste zone naturelle et boisée au sein de laquelle se trouvent seulement quelques constructions éparses qui n'ont pas pour effet de conférer à ce secteur un caractère urbanisé. Dans ces conditions, et eu égard au parti d'aménagement indiqué au point 5 ci-dessus, consistant à préserver les espaces naturels de l'intercommunalité, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le classement de sa parcelle en zone Ng du PLUi serait entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation. En outre, il ne peut utilement, au motif que certaines parcelles voisines du terrain d'assiette de son projet sont construites, invoquer une rupture d'égalité de traitement entre administrés résultant de la mise en œuvre à son égard des prescriptions du PLUi.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 151-25 du code de l'urbanisme : " Peuvent être autorisées en zone N : 1° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière, ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; (...) ". Aux termes de l'article 1.3.2. du règlement de la zone Ng du PLUi, intitulé " Conditions particulière relatives à la destination des constructions " : " Sous réserve de ne pas porter atteinte au caractère naturel et paysager des lieux, sont autorisés : / - Les constructions, réhabilitations, extensions, surélévations, aménagements et installations destinés à l'exploitation agricole ou forestière et le changement de destination de constructions existantes vers cette destination. / Dès lors qu'ils sont nécessaires à l'activité agricole ou forestière : / - les constructions destinées à l'habitation (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 1er février 2002 établissant les normes minimales relatives à la protection des poules pondeuses : " La densité animale dans les bâtiments d'élevage ne doit pas comporter plus de neuf poules pondeuses par mètre carré de surface utilisable. (...) ".
8. Pour vérifier que la construction ou l'installation projetée est nécessaire à cette exploitation, l'autorité administrative compétente doit s'assurer au préalable, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la réalité de l'exploitation agricole ou forestière, au sens de ces dispositions, laquelle est caractérisée par l'exercice effectif d'une activité agricole ou forestière d'une consistance suffisante.
9. Il résulte de l'arrêté litigieux et des écritures en défense que pour justifier le rejet de la demande de M. A..., le maire de la commune du Taillan-Médoc s'est fondé sur la circonstance que la réalité et la consistance de l'activité avicole n'étaient pas suffisamment établies, invoquant notamment l'avis défavorable de la chambre d'agriculture du 16 décembre 2019.
10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... dispose d'une entreprise enregistrée à l'INSEE, dont l'activité principale est l'élevage de volaille et justifie de son affiliation à la Mutualité sociale agricole depuis le 8 février 2019, ainsi que du suivi, en octobre 2019, d'une formation en matière de biosécurité en élevage avicole. Il présente en outre un " business plan " pour un élevage de 450 poules pondeuses, dont les éléments ne sont pas sérieusement critiqués par la commune du Taillan-Médoc. Cette dernière fait en revanche valoir, au visa de l'article L. 722-5 du code rural et de la pêche maritime, que la surface du poulailler projeté, de 72,52 m², correspond à 10 % seulement de la surface minimale requise pour l'assujettissement au régime de protection sociale des professions agricoles, qui est de 750 m2 pour un élevage de poules pondeuses. Toutefois, l'article L. 722-5 du code rural et de la pêche maritime prévoit des critères alternatifs d'assujettissement, tenant soit au temps de travail consacré à l'activité, soit aux revenus de l'exploitation, dont il n'est pas allégué qu'ils ne pourraient être respectés par M. A.... Par ailleurs, le bâtiment projeté à usage de poulailler, d'une capacité de 450 poules, respecte les prescriptions précitées de l'article 3 de l'arrêté du 1er février 2002 en matière de densité animale dans les bâtiment d'exploitation, d'autant qu'il est prévu un espace extérieur de plus de 1 800 m². Dans ces conditions, les éléments produits par M. A... sont de nature à établir l'exercice effectif d'une activité agricole d'une consistance suffisante sur la parcelle concernée. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que le maire du Taillan-Médoc a entaché sur ce point son arrêté d'une erreur d'appréciation.
11. En quatrième lieu, le lien de nécessité entre la maison et l'activité agricole, qui doit faire l'objet d'un examen cas par cas, s'apprécie entre, d'une part, la nature et le fonctionnement des activités de l'exploitation agricole, d'autre part, la destination de la construction projetée. Lorsque la construction envisagée est à usage d'habitation, il convient d'apprécier le caractère indispensable de la présence permanente de l'exploitant sur l'exploitation au regard de la nature et du fonctionnement des activités de l'exploitation agricole.
12. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du dossier de permis de construire, que le projet en litige prévoit la construction d'une maison d'habitation d'une surface de 138,12 m2. Le dossier de demande de permis mentionne que cette la maison est nécessaire à l'activité agricole. Toutefois, M. A... ne se prévaut d'aucun élément précis de nature à justifier que son activité agricole nécessiterait la présence indispensable de l'exploitant sur place, alors que la commune du Taillan-Médoc fait valoir sans être sérieusement contredite que tel n'est pas le cas en l'occurrence, eu égard au nombre limité de poules de l'élevage envisagé et à la circonstance que M. A... réside actuellement dans la commune à une distance de seulement 2,2 kilomètres du lieu d'exploitation, qu'il peut rejoindre par un trajet de cinq minutes en voiture. Dans ces conditions, M. A... ne peut être regardé comme démontrant la nécessité de disposer d'une maison d'habitation sur le site de l'exploitation agricole. Par suite, le maire du Taillan-Médoc n'a pas entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation.
13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si M. A... invoque une violation de ces dispositions, la décision par laquelle le maire refuse, sur le fondement d'un plan local d'urbanisme, un permis de construire, de même que les règles fixées par ce plan, n'ont pas le caractère d'une ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. En dernier lieu, si le requérant soutient que l'arrêté litigieux porte atteinte à la liberté d'entreprendre, à la liberté du commerce et de l'industrie et au droit de propriété, il n'assortit pas ces moyens de précisions suffisantes.
15. Les bâtiments projetés, à usage pour l'un de poulailler et pour l'autre de maison d'habitation, constituent des constructions distinctes ne comportant pas entre elles de liens physiques ou, en l'espèce, fonctionnels, et sont susceptibles de faire l'objet de demandes d'autorisations dont la conformité aux règles d'urbanisme est appréciée par l'autorité administrative de manière également distincte. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 mai 2020 en tant que celui-ci porte sur l'édification d'une construction à usage d'exploitation avicole. Par suite, il est également fondé à demander dans cette mesure l'annulation de ce jugement et de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
16. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, il y a seulement lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au maire de la commune du Taillan-Médoc de réexaminer la demande de M. A... en tant qu'elle porte sur la construction d'une construction à usage d'exploitation avicole, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'apparait en revanche pas nécessaire, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
17. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2003239 du 5 mai 2022 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en ce qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 mai 2020 en tant qu'il porte sur une construction à usage d'exploitation avicole.
Article 2 : L'arrêté du maire du Taillan-Médoc du 27 mai 2020 est annulé en tant qu'il porte sur une construction à usage d'exploitation avicole.
Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune du Taillan-Médoc de procéder à un nouvel examen de la demande de M. A... en tant qu'elle porte sur la construction d'un bâtiment et d'installations d'exploitation avicole dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune du Taillan-Médoc.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
Le président,
Laurent Pouget
La greffière,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX01818