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03/10/2024 | FRANCE | N°24BX00088

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 03 octobre 2024, 24BX00088


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2023 par lequel le préfet de la Guadeloupe lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation.



Par un jugement n° 2300116 du 21 décembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 13 janvier 2024 et un mémoire enregistré le 30 avril 2024, M. C..., représenté par la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2023 par lequel le préfet de la Guadeloupe lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 2300116 du 21 décembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 janvier 2024 et un mémoire enregistré le 30 avril 2024, M. C..., représenté par la SELARL Jurinat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 11 janvier 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en fait, ce qui démontre que sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen suffisant ;

- dès lors qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de son fils de nationalité française, il a droit à un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il justifie de sa présence sur le territoire français depuis plus de neuf ans, et il apporte la preuve de son implication dans l'entretien et l'éducation de son fils de nationalité française, sur lequel il détient l'autorité parentale conjointe ; en outre, il manifeste une réelle volonté d'insertion et d'intégration dans la société française ; ainsi, l'obligation de quitter le territoire français porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- eu égard à la situation en Haïti, il serait en grande difficulté dans ce pays pour revoir son enfant et en avoir des nouvelles ; ainsi, l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- eu égard à la situation devant laquelle les organisations internationales sont en alerte, sa vie serait en danger en Haïti.

Par ordonnance du 7 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juin 2024.

Un mémoire en défense présenté par le préfet de la Guadeloupe a été enregistré le 27 juin 2024.

Par lettre du 27 août 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du moyen de légalité externe relatif à une insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français, qui n'est pas d'ordre public. En effet, ce moyen, qui repose sur une cause juridique distincte des moyens de légalité interne soulevés devant le tribunal, doit être regardé comme une demande nouvelle irrecevable en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité haïtienne, né le 5 septembre 1983, a déclaré être entré en France en 2014. Par un premier arrêté du 6 février 2018, le préfet de la Guadeloupe lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 9 juin 2021, M. C... a déposé une demande de titre de séjour en qualité de père d'un enfant français, mais il n'a pas fourni les justificatifs sollicités par l'administration pour compléter son

dossier. Le 11 janvier 2023, à l'occasion d'un contrôle d'identité, les services de police ont constaté qu'il se trouvait en situation irrégulière, et le préfet de la Guadeloupe a pris à son encontre un second arrêté portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 21 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. C... n'a soulevé que des moyens de légalité interne devant le tribunal. Le moyen de légalité externe tiré d'une insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français invoqué devant la cour, qui relève d'une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle, irrecevable en appel.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...). " Aux termes de l'article L. 611-3 du même code, applicable à la date de la décision contestée (jusqu'au 28 janvier 2024) : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...). "

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est père d'un enfant de nationalité française né aux Abymes le 18 avril 2019, et qu'il résidait à cette date avec la mère, Mme A.... Toutefois, le dossier ne permet pas d'apprécier si la vie commune des parents a perduré jusqu'au 3 août 2022, date à laquelle Mme A... a quitté la Guadeloupe pour s'installer en région parisienne avec l'enfant alors âgé de trois ans. Les factures produites, pour l'essentiel relatives à l'année 2019 et établies aux noms de l'enfant ou de la mère, ne démontrent pas une contribution du père à l'entretien de l'enfant, et si M. C... justifie transférer régulièrement des sommes d'argent à Mme A... depuis le 7 octobre 2022, seuls les envois de 100 euros à cette date et de 150 euros le 26 décembre 2022 sont antérieurs à l'obligation de quitter le territoire français du 11 janvier 2023. Enfin, l'attestation de Mme A... du 17 janvier 2024, selon laquelle elle se trouve " toujours en relation familiale " avec M. C..., ne suffit pas à démontrer que ce dernier contribuerait effectivement à l'éducation de son fils. Dans ces circonstances M. C... n'est pas fondé à se prévaloir d'un droit au séjour en qualité de père d'un enfant français.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7,

L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / (...). "

6. Si M. C... se prévaut d'une présence en France depuis le 29 novembre 2014, soit depuis huit ans à la date de l'obligation de quitter le territoire français, il est constant qu'à cette dernière date, il était séparé de sa compagne et de son fils, à tout le moins depuis leur installation en métropole pour une raison indéterminée, et l'attestation peu circonstanciée de Mme A... ne suffit pas à établir la persistance de liens familiaux d'une intensité telle que l'obligation de quitter le territoire français puisse être regardée comme édictée en méconnaissance des stipulations et dispositions précitées, ou comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " Par les pièces produites, M. C... ne justifie pas entretenir des liens avec son fils de nationalité française. Par suite, il n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance de ces stipulations.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

8. Aux termes de l'article de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. " Aux termes de l'article L. 513-2 (L. 721-4) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

9. En se bornant à alléguer que sa vie serait en danger en Haïti en raison de " la situation devant laquelle les organisations internationales sont en alerte ", M. C... ne démontre pas qu'à la date de la décision contestée, à laquelle doit être appréciée sa légalité, il aurait été personnellement exposé à des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La situation actuelle en Haïti à la date du présent arrêt est cependant de nature à faire obstacle à l'exécution de la décision fixant cet Etat comme pays de renvoi.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Antoine Rives, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24BX00088


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00088
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : LACAVE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;24bx00088 ?
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