Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 3 février 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2201076 du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 23BX00139 du 31 mai 2023, la cour a annulé le jugement n° 2201076 et l'arrêté du 3 février 2022 et a enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. L'Etat a été condamné à verser à l'intéressé la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure d'exécution devant la cour :
Par un courrier enregistré le 18 août 2023, M. A..., représenté par Me Hugon, a demandé à la cour l'ouverture d'une procédure d'exécution de l'arrêt n° 23BX00139 du 31 mai 2023 en tant qu'il enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de M. A....
Par une ordonnance du 11 avril 2024, prise en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, le président de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, s'il y a lieu, les mesures qui seraient nécessaires à l'entière exécution de l'arrêt n° 23BX00139 du 31 mai 2023.
Par un mémoire enregistré le 11 juillet 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il a réexaminé la demande de titre de séjour de M. A..., ainsi que le lui enjoignait la cour, et a pris à ce titre une décision d'irrecevabilité ; en effet le dossier de demande était incomplet, les documents d'identité de l'intéressé ayant été transmis à la justice dans le cadre de l'article 40 du code de procédure pénale ;
- il appartient à M. A... lui-même de demander à l'autorité judiciaire la restitution de ses documents d'identité ;
- l'arrêt doit donc être regardé comme exécuté.
Par un mémoire enregistré le 16 août 2024, M. A..., représenté par Me Hugon, conclut à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761- du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet ne saurait arguer de ce qu'il ne présente pas ses documents d'état civil pour refuser d'examiner sa demande de titre de séjour et ainsi refuser d'exécuter l'arrêt rendu par la cour le 31 mai 2023 ; sa demande de titre de séjour est bien complète au sens des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les documents justifiant de son identité et de sa nationalité ayant été produits ; le fait que le préfet remette en cause l'authenticité des documents d'état civil relève de l'instruction de cette demande et non de sa recevabilité ;
- en refusant de lui délivrer un récépissé, le préfet n'a pas exécuté l'arrêt de la cour.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- et les observations de Me Hugon, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ".
2. Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée. Le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision.
3. Par son arrêt n° 23BX00139 du 31 mai 2023, la cour a annulé le jugement n° 2201076 du tribunal administratif de Bordeaux du 11 juillet 2022 ainsi que l'arrêté préfectoral du 3 février 2022 et a enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, en mettant à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à ce dernier en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
4. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Gironde, après avoir convoqué M. A... en préfecture le 28 février 2024 aux fins de réexaminer sa demande de titre de séjour, lui a finalement opposé, par un courrier du 18 mars 2024, le caractère incomplet et irrecevable de sa demande de titre de séjour à défaut de présentation des documents justificatifs d'état civil et de nationalité exigés par les dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquels, détenus par l'autorité judiciaire à la suite d'un signalement effectué par l'administration en application de l'article 40 du code de procédure pénale, ne peuvent être restitués qu'à la demande de l'intéressé lui-même. Le préfet en tire qu'il a exécuté l'arrêt de la cour du 31 mai 2023.
5. Cependant, dès lors d'une part que M. A... avait produit les documents considérés à l'appui de sa demande de titre de séjour du 7 décembre 2020 et que, d'autre part, l'appréciation de leur authenticité relève de l'instruction de cette demande de titre, la circonstance que ceux-ci sont actuellement " placés sous main de justice " ne dispense pas le préfet de la Gironde, aux fins de réexaminer la situation de l'intéressé ainsi que l'y enjoint l'arrêt de la cour du 31 mai 2023, de procéder à une reprise effective de l'instruction, tout en munissant M . A... d'un récépissé de demande de titre de séjour.
6. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Gironde d'engager un réexamen effectif de la situation de M. A... tout en mettant celui-ci en possession d'un récépissé de demande de titre l'autorisant à travailler, dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt, puis de justifier de l'exécution complète de l'arrêt du 31 mai 2023 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en statuant sur sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
DECIDE :
Article 1er : Une astreinte est prononcée à l'encontre de l'Etat si le préfet de la Gironde ne justifie pas avoir, d'une part, dans les huit jours suivant la notification du présent arrêt, engagé le réexamen de la situation de M. A... en le munissant d'un récépissé l'autorisant à travailler, d'autre part, avoir procédé à ce réexamen dans un délai de deux mois suivant cette même notification. Le taux de l'astreinte est fixé à 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration des délais susmentionnés.
Article 2 : Le préfet de la Gironde communiquera à la cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le présent arrêt et l'arrêt n° 23BX00139 du 31 mai 2023.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Gironde et au ministre de l'intérieur et es outre-mer.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024.
La présidente-assesseure,
Marie-Pierre Beuve Dupuy
Le président-rapporteur,
Laurent Pouget Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00584