Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an.
Par un jugement n° 2304238 du 26 octobre 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 janvier 2024, Mme B..., représentée par Me Foucard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°2304238 du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux du 26 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2023 du préfet de la Gironde ;
3°) à titre subsidiaire de suspendre l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français contestée jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la légalité de l'arrêté du 20 juillet 2023 :
- la décision de refus de séjour contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 424-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
Sur la demande de suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle s'est vue reconnaître la qualité de réfugié par décision de l'OFPRA du 15 mai 2023 ; bien que l'Office ait retiré par la suite sa décision, elle justifie des conditions pour bénéficier de l'asile en France ; la décision d'éloignement doit être suspendue dans l'attente de l'examen de son recours devant la CNDA en application des dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 avril 2024, la préfecture de la Gironde conclut au non-lieu à statuer dès lors que Mme B... a obtenu le statut de réfugié par décision du 11 mars 2024 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2023/01002 du 16 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique
Une note en délibéré a été enregistrée le 12 septembre 2024, présentée par le préfet de la Gironde.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité géorgienne, est entrée en France le 13 juillet 2022, d'après ses déclarations. Elle a sollicité le bénéfice de l'asile le 10 août 2022. Sa demande a été acceptée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le 21 avril 2023, mais cette même autorité a retiré sa décision le 2 août 2023 et a finalement rejeté la demande de Mme B.... Par arrêté du 20 juillet 2023, le préfet de la Gironde a refusé d'admettre la requérante au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an. Mme B... relève appel du jugement du 26 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet :
2. Si le préfet de la Gironde expose qu'à la suite de la décision du 11 mars 2024 de la Cour nationale du droit d'asile accordant à Mme B... le statut de réfugié, sa demande de titre de séjour a été remise à l'instruction, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'arrêté du 20 juillet 2023 ait été retiré ou abrogé ni qu'un titre de séjour ait été délivré à l'intéressée. Le préfet de la Gironde n'est, ainsi, pas fondé à soutenir que le litige a perdu son objet.
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de la décision attaquée, que le préfet de la Gironde a motivé son refus d'accorder un droit au séjour à Mme B... par l'unique motif tiré de ce que sa demande d'asile avait été rejetée par l'OFPRA le 21 avril 2023, décision notifiée le 25 mai 2023, et qu'en l'absence de recours dans le délai d'un mois auprès de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), elle ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'OFPRA a au contraire reconnu, dans sa décision du 21 avril 2023, la qualité de réfugié à Mme B.... Si cette décision a été retirée par une décision de l'OFRPA du 2 août 2023, à la date de la décision contestée, le 20 juillet 2023, Mme B... disposait encore du droit de se maintenir sur le territoire français. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que la décision de refus de séjour est entachée d'illégalité sur ce point et doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant un an.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Il résulte de l'instruction que Mme B... s'est vu accorder le 11 mars 2024 le statut de réfugié par la CNDA, qu'elle bénéficie d'une attestation de prolongation d'instruction de sa demande et qu'une fois intervenue la validation de son état civil par la CNDA, elle se verra délivrer un titre de séjour par la préfecture de la Gironde. Dès lors, l'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure supplémentaire.
Sur les frais liés au litige :
6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Foucard.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux du 26 octobre 2023 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Gironde du 20 juillet 2023 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à Me Foucard la somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président assesseur,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024.
La rapporteure,
Héloïse C...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00239