Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bénédicte Martin a été entendu au cours de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 5 juin 2001, déclare être entré en France le 13 mai 2017, avant d'avoir atteint l'âge de seize ans. Il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Gironde. Le 12 mars 2021, il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 16 juillet 2021, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 223-2 du code de l'action sociale et des familles : " Sauf si un enfant est confié au service par décision judiciaire ou s'il s'agit de prestations en espèces, aucune décision sur le principe ou les modalités de l'admission dans le service de l'aide sociale à l'enfance ne peut être prise sans l'accord écrit des représentants légaux ou du représentant légal du mineur ou du bénéficiaire lui-même s'il est mineur émancipé. / En cas d'urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l'impossibilité de donner son accord, l'enfant est recueilli provisoirement par le service qui en avise immédiatement le procureur de la République. / Si le représentant légal est en mesure de donner son accord mais le refuse, le service saisit l'autorité judiciaire en vue de l'application de l'article 375-5 du code civil. / Si, dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, l'enfant n'a pas pu être remis à sa famille ou le représentant légal n'a pas pu ou a refusé de donner son accord dans un délai de cinq jours, le service saisit également l'autorité judiciaire en vue de l'application de l'article 375-5 du code civil. / En cas de danger immédiat ou de suspicion de danger immédiat concernant un mineur ayant abandonné le domicile familial, le service peut, dans le cadre des actions de prévention, pendant une durée maximale de soixante-douze heures, accueillir le mineur, sous réserve d'en informer sans délai les parents, toute autre personne exerçant l'autorité parentale ou le tuteur, ainsi que le procureur de la République. Si au terme de ce délai le retour de l'enfant dans sa famille n'a pas pu être organisé, une procédure d'admission à l'aide sociale à l'enfance ou, à défaut d'accord des parents ou du représentant légal, une saisine de l'autorité judiciaire est engagée. / Pour toutes les décisions relatives au lieu et au mode de placement des enfants déjà admis dans le service, l'accord des représentants légaux ou du représentant légal est réputé acquis si celui-ci n'a pas fait connaître son opposition dans un délai de quatre semaines à compter du jour où il a reçu la notification de la demande du service, ou de six semaines à compter de la date d'envoi s'il n'a pas accusé réception de la notification. /Sous réserve des pouvoirs reconnus à l'autorité judiciaire, les mesures prises dans le cadre du présent chapitre ne peuvent en aucun cas porter atteinte à l'autorité parentale que détiennent le ou les représentants légaux de l'enfant, et notamment au droit de visite et au droit d'hébergement. ". L'article R. 222-11 du même code permet au président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille de mettre en place un accueil provisoire d'urgence d'une durée de cinq jours, à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues à l'article L. 223-2 et au terme de ce délai, ou avant l'expiration de ce délai si l'évaluation a été conduite avant son terme, de saisir le procureur de la République. En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence se prolonge tant que n'intervient pas une décision de l'autorité judiciaire.
4. Enfin, aux termes de l'article 375-3 du code civil, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : (...) / 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance ; / 4° A un service ou à un établissement habilité pour l'accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge ; / 5° A un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé. (...) / Le procureur de la République peut requérir directement le concours de la force publique pour faire exécuter les décisions de placement rendues en assistance éducative. ", et aux termes de l'article 375-5 du même code : " A titre provisoire mais à charge d'appel, le juge peut, pendant l'instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d'accueil ou d'observation, soit prendre l'une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4. / En cas d'urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure. Si la situation de l'enfant le permet, le procureur de la République fixe la nature et la fréquence du droit de correspondance, de visite et d'hébergement des parents, sauf à les réserver si l'intérêt de l'enfant l'exige. /Lorsqu'un service de l'aide sociale à l'enfance signale la situation d'un mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, selon le cas, le procureur de la République ou le juge des enfants demande au ministère de la justice de lui communiquer, pour chaque département, les informations permettant l'orientation du mineur concerné. / Le procureur de la République ou le juge des enfants prend sa décision en stricte considération de l'intérêt de l'enfant, qu'il apprécie notamment à partir des éléments ainsi transmis pour garantir des modalités d'accueil adaptées. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que si M. A..., né le 5 juin 2001, a été recueilli, à titre provisoire, le 15 mai 2017 par le service de l'aide sociale à l'enfance, il a été confié à ce service par ordonnance du procureur de la République en date du 6 juillet 2017 ordonnant son placement provisoire. A cette dernière date, qui doit être retenue pour apprécier l'âge du requérant pour l'application des dispositions précitées, il avait plus de seize ans révolus. Ainsi, il ne pouvait revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la préfète de la Gironde n'a commis ni erreur de fait, ni erreur de droit.
6. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui déclare être entré en France au mois de mai 2017, a bénéficié d'une prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Gironde en qualité de mineur étranger isolé, puis de jeune majeur jusqu'au 1er novembre 2021. L'appelant se prévaut de son insertion professionnelle et notamment de l'obtention du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) d'" agent de propreté et d'hygiène " en
octobre 2020, de la préparation d'un baccalauréat professionnel " hygiène propreté stérilisation " et de la conclusion d'un contrat d'apprentissage. Alors même que ses éducateurs attestent de sa motivation, de ses qualités de sérieux et d'intégration, ces seuls éléments ne traduisent pas une insertion professionnelle particulière en France. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, l'intéressé, célibataire et sans charge de famille, aurait tissé des liens d'une particulière intensité sur le territoire français ni qu'il serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie et où résident sa mère et sa fratrie. Dans ces conditions, et en dépit des efforts d'insertion dont l'intéressé a fait preuve, la préfète de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour ce même motif, elle n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
8. Il y a lieu, enfin, d'écarter le moyen tiré de ce que la préfète de la Gironde aurait méconnu l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par adoption de motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 7 de leur jugement.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a refusé d'annuler la décision du 16 juillet 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera communiquée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2024.
La rapporteure,
Bénédicte MartinLa présidente,
Evelyne Balzamo
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00306