Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 janvier 2022 et le 2 février 2023, M. J... M..., M. L... P... et Mme O... Q..., représentés par la SCP KPL avocats, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 6 avril 2021 par lequel la préfète de la Charente a délivré à la société Parc Eolien du Bel Essart une autorisation environnementale pour l'implantation et l'exploitation de trois éoliennes sur le territoire des communes de La Faye et de Villefagnan ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt à agir dès lors que, s'agissant de M. M... et de Mme Q..., ils auront une vue directe ou plongeante sur les éoliennes depuis leurs propriétés respectives, et compte tenu par ailleurs de l'existence de nombreuses éoliennes dans le secteur ;
- le dossier de demande d'autorisation environnementale comporte une étude d'impact insuffisante en ce qu'elle a insuffisamment pris en compte les effets du projet sur la zone de protection spéciale (ZPS) " Plaine de Villefagnan " située à 250 m de la zone d'implantation des éoliennes et sur les ZPS voisines avec lesquelles il existe des couloirs de circulation pour plusieurs oiseaux protégés dont l'outarde canepetière, le milan noir, le circaète Jean-le-blanc, le busard Saint-Martin, le faucon pèlerin ou encore le faucon crécerelle ; l'étude d'impact ne fournit aucune indication quant à l'importance, les conditions ou l'impact de cette circulation inter ZPS ; elle n'en fournit pas davantage sur le cumul des effets de l'ensemble des éoliennes du secteur au regard de cette même circulation ; elle n'en fournit pas non plus sur l'impact du projet sur les oiseaux migrateurs dans la zone de migration ; les risques de collision avec les pales n'ont pas été pris en compte concernant notamment le faucon crécerelle pour lequel la seule mesure prévue est de minéraliser la base des éoliennes et les chiroptères alors que les éoliennes du type de celles prévues sont particulièrement mortifères pour les chauves-souris ;
- le projet ayant des effets directs sur les oiseaux nicheurs du secteur comme le faucon crécerelle, la buse variable et l'outarde canepetière, il relevait du régime de la dérogation " espèces protégées " ; le risque de collision pour les espèces migratrices justifiait également une telle dérogation ;
- alors qu'un parc éolien ne doit pas être de nature à porter atteinte à la biodiversité, en application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, la société prévoit d'implanter son projet à moins d'un kilomètre de la ZPS " Plaine de Villefagnan " qui est le sanctuaire de l'outarde canepetière tandis qu'aucune mesure particulière n'a été prise pour protéger les oiseaux qui circulent entre les ZPS du secteur ; aucune mesure n'a par ailleurs été prise pour prévenir les risques de collision du faucon crécerelle et des chiroptères dont la pipistrelle de Kuhl ;
- le projet, même réduit à trois éoliennes, entraîne une saturation visuelle du paysage dès lors que, dans un rayon de 20 km autour du site, 38 parcs éoliens ont été autorisés, sont en phase d'instruction ou en exploitation, ce qui représente un total de 230 éoliennes ; cette saturation n'est pas compensée par la topographie des lieux qui se caractérise par le fait que tous les parcs éoliens ont été implantés dans des parties élevées du relief existant.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 juillet 2022, le 6 février 2023 et le 20 février 2023, la société Parc Eolien du Bel Essart, représentée par Me Gelas, conclut au rejet de la requête et de l'intervention. Elle demande en toute hypothèse la mise à la charge des requérants du versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la mise à la charge des intervenants du versement d'une somme de 1 000 euros au même titre.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable faute d'intérêt à agir des requérants qui se bornent à invoquer leur qualité de propriétaires d'habitations localisées à proximité du projet lequel serait visible depuis leur propriété en raison de sa proximité, de la hauteur des éoliennes et de l'absence d'obstacle visuel ; le photomontage produit ne présente pas les garanties nécessaires à sa prise en compte dès lors qu'il n'a pas été élaboré par un professionnel ou selon une méthodologie permettant d'en assurer la pertinence, qu'il ne comporte aucune indication précise concernant la prise de vue, l'angle de vue concerné et le gabarit des éoliennes ;
- l'intervention est irrecevable en raison de l'irrecevabilité de la requête et, à défaut, en l'absence d'intérêt à intervenir à l'instance : la commune de Bernac ne justifie d'aucun intérêt propre, les personnes physiques intervenantes s'abstiennent de toute démonstration d'un intérêt à intervenir notamment au regard de l'existence d'une visibilité du projet depuis leurs propriétés respectives ;
- les moyens soulevés par les requérants et les intervenants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 10 février 2023, la commune de Bernac, M. C... H..., M. et Mme B... K..., M. et Mme R... A... D..., M. et Mme B... I..., M. et Mme E... G... et M. F... N..., représentés par la SCP KPL avocats, demandent à la cour d'annuler l'arrêté du 6 avril 2021 par lequel la préfète de la Charente a délivré à la société Parc Eolien du Bel Essart une autorisation environnementale pour l'implantation et l'exploitation de trois éoliennes sur le territoire des communes de La Faye et de Villefagnan.
Ils soutiennent que :
- l'intervention est recevable dès lors que les intervenants, personnes physiques, sont propriétaires d'habitations situées à proximité immédiate du projet de parc éolien ;
- le projet, situé dans l'entité paysagère du Ruffecois, est de nature à porter atteinte au site ;
- la création de trois éoliennes supplémentaires va entraîner un effet de saturation sur les villages et hameaux voisins.
Par un mémoire enregistré le 24 février 2023, M. et Mme G... ont déclaré se désister purement et simplement de leur intervention.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, en application du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, au sursis à statuer dans l'attente de la régularisation de l'autorisation environnementale.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable pour cause de tardiveté dès lors que le délai de quatre mois ouvert aux tiers pour introduire un recours contentieux a commencé à courir le 9 avril 2021 et a expiré le 9 août 2021 soit avant le recours contentieux enregistré au greffe de la cour le 31 janvier 2022 et non précédé d'un recours gracieux ou hiérarchique ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par trois décisions n° 2021/019842 du 30 septembre 2021, n° 2021/019808 du 21 octobre 2021 et n° 2021/019844 du 30 septembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a rejeté les demandes d'aide juridictionnelle respectivement présentées par M. P... le 3 août 2021, par M. M... le 2 août 2021 et par Mme Q... le 4 août 2021.
Par une lettre du 3 janvier 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de ce que l'instruction serait susceptible d'être close, sans avertissement préalable, par l'émission d'une ordonnance
de clôture ou d'un avis d'audience, à compter du 3 février 2023.
La clôture immédiate de l'instruction a été décidée par une ordonnance
du 21 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Karine Butéri,
- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public ;
- et les observations de Me Boudrot, représentant la société Parc éolien du Bel Essart et de M. et Mme M....
Une note en délibéré présentée par le cabinet SCP Pielberg Kolenc pour M. M..., M. P... et Mme Q... a été enregistrée le 3 juillet 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Le 17 avril 2019, la société Parc Eolien du Bel Essart a déposé une demande d'autorisation environnementale pour l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs d'une hauteur de 180 mètres sur le territoire des communes de Raix, de La Faye et de Villefagnan (Charente). A la suite d'avis émis notamment par la mission régionale d'autorité environnementale (MRAe) de Nouvelle-Aquitaine, l'agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine et le commissaire enquêteur, les deux derniers ayant été défavorables, la société a modifié son projet en le réduisant à l'implantation d'un parc éolien composé de trois aérogénérateurs sur le territoire des communes de La Faye et de Villefagnan. Par un arrêté du 6 avril 2021, la préfète de la Charente a délivré à la société Parc Eolien du Bel Essart l'autorisation environnementale sollicitée pour ce dernier projet. M. J... M..., M. L... P... et Mme O... Q... demandent l'annulation de cet arrêté.
Sur le désistement :
2. Le désistement de M. et Mme G..., intervenants, est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
Sur l'intervention collective :
3. Est recevable à former une intervention devant le juge du fond toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.
4. Il résulte de l'instruction que M. et Mme K... sont propriétaires d'une maison d'habitation située sur le territoire de la commune de La Faye au lieu-dit " Les Peux " à une distance d'environ 800 mètres de l'éolienne la plus proche, d'une hauteur de 180 mètres en bout de pales, sur laquelle ils auront une visibilité directe. Il suit de là qu'ils justifient d'un intérêt suffisant pour intervenir, comme ils le précisent dans leur mémoire du 10 février 2023, au soutien des conclusions des requérants tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2021 de la préfète de la Charente.
5. Dès lors qu'au moins l'un des intervenants est recevable, une intervention collective est recevable. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'intérêt à intervenir des autres intervenants, l'intervention doit être admise.
Sur les fins de non-recevoir :
6. Dans l'hypothèse où des conclusions communes sont présentées par des requérants différents dans une même requête, il suffit que l'un des requérants soit recevable à agir devant la juridiction pour qu'il puisse, au vu d'un moyen soulevé par celui-ci, être fait droit à ces conclusions.
En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête :
7. D'une part, aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / (...) 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3, dans un délai de quatre mois à compter de : / a) L'affichage en mairie dans les conditions prévues au 2° de l'article R. 181-44 ; / b) La publication de la décision sur le site internet de la préfecture prévue au 4° du même article. / Le délai court à compter de la dernière formalité accomplie. Si l'affichage constitue cette dernière formalité, le délai court à compter du premier jour d'affichage de la décision. /Les décisions mentionnées au premier alinéa peuvent faire l'objet d'un recours gracieux ou hiérarchique dans le délai de deux mois. Ce recours administratif prolonge de deux mois les délais mentionnés aux 1° et 2°. ". Aux termes de l'article R. 181-44 du même code : " En vue de l'information des tiers : / 1° Une copie de l'arrêté d'autorisation environnementale ou de l'arrêté de refus est déposée à la mairie de la commune d'implantation du projet et peut y être consultée ; / 2° Un extrait de ces arrêtés est affiché à la mairie de la commune d'implantation du projet pendant une durée minimum d'un mois ; procès-verbal de l'accomplissement de cette formalité est dressé par les soins du maire ; / (...) / 4° L'arrêté est publié sur le site internet des services de l'État dans le département où il a été délivré, pendant une durée minimale de quatre mois. / (...). ".
8. D'autre part, aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : (...)3°) de la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet (...)". Aux termes de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré. (...) ". Aux termes de l'article 69 du décret du 28 décembre 2020 : " Le délai du recours prévu au deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé. (...) ".
9. Il résulte de l'instruction que l'arrêté préfectoral contesté du 6 avril 2021, qui comporte la mention complète des voies et délais de recours ouverts aux tiers, a été, d'une part, publié sur le site internet de la préfecture de la Charente le 7 avril 2021 pendant une durée minimale de quatre mois et, d'autre part, ainsi qu'en attestent les procès-verbaux dressés par les maires respectifs de ces communes, affiché en mairie de Villefagnan à compter du 7 avril 2021 pendant une durée minimum d'un mois, en mairie de La Faye à compter du 8 avril 2021 pendant une durée minimum d'un mois et en mairie de Raix à compter du 9 avril 2021 pendant une durée minimum d'un mois. Il en résulte également que M. M... a saisi le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux le 2 août 2021, que Mme Q... l'a saisi le 4 août 2021 et que M. P... l'a saisi le 3 août 2021, soit dans le délai de recours de quatre mois prévu par les dispositions de l'article R. 181-50 du code de l'environnement. Ces demandes d'aide juridictionnelle ont eu pour effet d'interrompre le délai de recours, qui a recommencé à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification aux intéressés des décisions du 30 septembre 2021 s'agissant de M. P... et Mme Q... et du 21 octobre 2021 s'agissant de M. M..., rejetant leurs demandes d'aide juridictionnelle, et n'était pas expiré lorsque, le 31 janvier 2022, ils ont saisi la cour d'une demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 6 avril 2021. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté opposée par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires doit être écartée.
En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt pour agir :
10. Compte tenu de l'impact visuel du projet sur lequel il aura une vue directe depuis sa propriété située à environ 900 mètres sur le territoire de la commune de La Faye, M. P... justifie un intérêt suffisant pour demander l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2021 par lequel la préfète de la Charente a délivré à la société Parc Eolien du Bel Essart une autorisation environnementale pour l'implantation et l'exploitation de trois éoliennes sur le territoire des communes de La Faye et de Villefagnan.
11. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'intérêt pour agir de M. M... et de Mme Q..., la fin de non-recevoir opposée par la société Parc Eolien du Bel Essart doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
12. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".
13. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation environnementale délivrée des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés par les dispositions précitées en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions additionnelles ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, que le préfet ne peut légalement délivrer cette autorisation.
14. Il résulte de l'instruction que le parc éolien autorisé par l'arrêté en litige composé, après modification, de trois éoliennes (E1, E2 et E3) et d'un poste de livraison, sera implanté sur le territoire des communes de Villefagnan et de La Faye, au nord-ouest du département de la Charente. Il s'insère dans un secteur qui, ainsi que l'a relevé l'avis rendu le 15 juillet 2019 par la MRAe de Nouvelle-Aquitaine sur le projet initial qui portait sur l'implantation de six éoliennes à Villefagnan, La Faye et Raix, présente " d'ores et déjà de nombreux parcs éoliens dans un contexte où la saturation visuelle pour les éoliennes est avérée depuis plusieurs points et notamment depuis les villages de La Faye et Raix ". Après avoir indiqué, en s'appuyant sur la comptabilisation effectuée par le pétitionnaire, que, dans un rayon de 20 km autour du site du projet éolien, 38 parcs éoliens ont été autorisés, en phase d'instruction ou en exploitation, ce qui représente au total 230 éoliennes dont les deux plus proches se positionnent à 721 mètres de E1 et à 1 774 m de E2, l'ARS de Nouvelle-Aquitaine a émis, le 28 mai 2019, un avis défavorable au projet initial en se fondant sur l'effet cumulé relatif à la saturation visuelle qualifié de " fort " pour l'échelle éloignée et de " très fort " pour l'échelle immédiate. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude d'impact, que pour le village de La Faye, notamment, l'indice d'occupation des horizons qui est de 138°, pour un seuil généralement admis de 120°, serait de 230° en tenant compte du parc en projet et que l'indice de respiration, déjà réduit à 128° pour un seuil d'alerte compris entre 160° et 180°, serait de 73° seulement en tenant compte du projet. Quand bien même ces indices sont relatifs au projet initial à six éoliennes, il résulte de l'instruction que, compte tenu de l'emplacement des éoliennes maintenues, le projet, même réduit à trois éoliennes, est de nature à aggraver l'effet de saturation déjà constaté dans le secteur. Au vu de la carte d'indices de saturation visuelle actualisée au 31 novembre 2022, produite par les requérants qu'aucun élément de l'instruction ne permet de mettre en doute, pour le bourg de La Faye, l'indice d'occupation de l'horizon calculé en retenant les éoliennes situées à 10 kms maximum atteint 230°, l'indice de densité sur les horizons occupés est de 0,11, pour un seuil de 0,1, et l'espace de respiration est réduit à 80°. Aucun des éléments de l'instruction ne permet par ailleurs d'estimer que la topographie des lieux ou des masques végétaux notamment permettraient d'atténuer significativement l'effet de saturation visuelle induit par le nombre des parcs éoliens présents dans le secteur.
15. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que l'implantation du projet, même réduit à trois éoliennes, serait de nature à favoriser un phénomène de saturation visuelle, portant ainsi atteinte à la commodité du voisinage qui est au nombre des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
Sur la mise en œuvre de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :
16. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I.- Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : (...) 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".
17. Compte tenu de la topographie et du lieu d'implantation des éoliennes projetées, il ne résulte pas de l'instruction que des mesures permettraient de régulariser le vice tiré de l'atteinte à la commodité du voisinage en méconnaissance des dispositions des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement. Ainsi, le vice retenu au point 14 ci-dessus n'est pas régularisable. Par suite, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions précitées de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
18. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé des autres moyens de la requête, que les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2021 de la préfète de la Charente.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la société Parc Eolien du Bel Essart demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. P... sur le fondement de ces dispositions. Dans les circonstances de l''espèce, il n'y a pas lieu de faire droit au surplus des conclusions des requérants sur ce point. Aucune somme ne peut, par ailleurs, être mise à la charge des intervenants, qui n'ont pas la qualité de partie à l'instance, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement d'instance de M. et Mme G....
Article 2 : L'intervention de la commune de Bernac, de M. H..., de M. et Mme K..., de M. et Mme A... D..., de M. et Mme I..., et de M. N... et autres est admise.
Article 3 : L'arrêté du 6 avril 2021 de la préfète de la Charente est annulé.
Article 4 : L'Etat versera à M. P... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... M..., à M. L... P..., à Mme O... Q..., à la société Parc éolien du Bel Essart et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Charente.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2024.
La rapporteure,
Karine Butéri
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX00336