Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2022 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2202902 du 13 décembre 2023, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 janvier 2024 et le 26 mai 2024, M. A... B..., représenté par Me Mindren, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2022 du préfet des Hautes-Pyrénées ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Pyrénées de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour " 10 ans de résidence habituelle en France " ou de renouveler son titre de séjour " conjoint d'européen " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation en le munissant d'une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse au moyen tiré de l'atteinte disproportionnée que porte l'arrêté litigieux à sa vie privée et familiale ;
- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation et d'examen particulier de sa situation ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu qu'il ne justifiait plus d'une communauté de vie avec son épouse et que le préfet pouvait légalement lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'européen ;
- le préfet ne peut légalement, sur le fondement de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni sur le fondement d'aucune autre disposition, refuser de lui délivrer, au motif que son comportement constituerait une menace à l'ordre public, un titre de séjour auquel il peut prétendre en vertu de l'article 10 de l'accord franco-tunisien ;
- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur d'appréciation en ce qu'il retient que son comportement constitue une menace pour l'ordre public ;
- il est également entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de sa vie privée et familiale en France.
Par ordonnance du 7 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juin 2024.
Un mémoire présenté par le préfet des Hautes-Pyrénées a été enregistré le 13 juin 2024.
Un mémoire présenté pour M. A... B... a été enregistré le 26 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kolia Gallier,
- et les observations de Me Mindren, représentant M. A... B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 14 octobre 1966, est entré régulièrement en France le 1er août 2012 et s'est vu délivrer le 2 octobre suivant un titre de séjour en qualité de conjoint d'européen valable jusqu'au 9 septembre 2017, renouvelé le 23 octobre 2017 pour une durée de cinq ans. Il a sollicité, auprès des services de la préfecture de Hautes-Pyrénées, la délivrance d'un titre de séjour en raison de ses dix années de résidence habituelle en France. Par un arrêté du 30 novembre 2022, le préfet des Hautes-Pyrénées a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... B... relève appel du jugement du 13 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Contrairement à ce que soutient M. A... B..., les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen tiré de l'atteinte que porterait l'arrêté litigieux à son droit au respect de sa vie privée et familiale au point 10 du jugement. Le moyen tiré d'un défaut de motivation de celui-ci doit être écarté.
4. En deuxième lieu, l'arrêté en litige vise les textes dont il est fait application, notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les accords entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, notamment l'accord en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ainsi que les dispositions utiles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il expose également les circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. A... B... sur lesquelles le préfet des Hautes-Pyrénées s'est fondé pour édicter les décisions attaquées. Dans ces conditions, l'arrêté, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé. Cette motivation révèle que le préfet des Hautes-Pyrénées a procédé à un examen particulier de la situation du requérant.
5. En troisième lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement soutenir que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une erreur de fait en retenant qu'il ne justifiait pas, à la date de l'arrêté attaqué, d'une communauté de vie avec son épouse et d'une erreur de droit en retenant que le préfet pouvait légalement lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'européen au motif que son comportement représentait une menace pour l'ordre public.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / (...) f) Au ressortissant tunisien qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " (...) ". Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ".
7. Contrairement à ce que soutient M. A... B... l'article 10 de l'accord franco-tunisien ne prive pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser la délivrance d'un titre de séjour en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... était, à la date de l'arrêté attaqué, régulièrement présent en France depuis plus de dix ans et qu'il est bien inséré, notamment grâce à l'activité professionnelle qu'il a maintenue en dépit d'un accident survenu en 2015. Par ailleurs, l'intéressé a épousé le 3 janvier 2003 une ressortissante britannique avec laquelle il a vécu en Angleterre entre 2003 et 2012, année où ils se sont installés en France. Il indique ne plus avoir de relation avec ses frères en Tunisie, pays que ses deux filles sont, en outre, en train de quitter. Toutefois, à supposer même que la vie commune ait repris entre les époux à la date de l'arrêté attaqué, M. A... B... ayant indiqué être séparé lors de sa demande de titre, il ressort des pièces du dossier qu'il a été condamné le 28 mai 2021 par le tribunal correctionnel de Tarbes a une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant un an et six mois pour des faits de violence, aggravés par les circonstances qu'ils ont été commis par conjoint et en état d'ivresse, suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours. Le préfet a, en outre, indiqué que l'intéressé était défavorablement connu des services de police pour des faits similaires commis en 2016 et il ressort en effet des pièces du dossier que la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Tarbes en 2021 l'a été en considération d'un état de récidive légale, l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du mois de mars 2021 mentionnant quant à elle une condamnation par le tribunal correctionnel de Tarbes le 2 septembre 2016 pour des faits identiques ou assimilés. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, du caractère répété des faits dont les derniers sont récents, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet des Hautes-Pyrénées a pu retenir que le comportement de M. A... B... caractérisait une menace à l'ordre public faisant obstacle à la délivrance d'un titre de séjour.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le préfet des Hautes-Pyrénées n'a pas porté au droit de M. A... B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel l'arrêté litigieux a été édicté et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La rapporteure,
Kolia GallierLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24BX00077 2