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04/07/2024 | FRANCE | N°22BX00232

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 04 juillet 2024, 22BX00232


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SCI Sequoia, la SCI Rowi, la SCI Sico, la SCI ASF Immo et la SCI La Verdure ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2018 par lequel le maire de Baie-Mahault a délivré un permis de construire à la SCI Lot 19 en vue de la démolition de deux bâtiments existants et de la construction d'un complexe touristique sur les parcelles cadastrées section AM n°78, 79, 130, 179, 206, 207, 363 et 364.



Par un jugement n

1900393 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande.


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Sequoia, la SCI Rowi, la SCI Sico, la SCI ASF Immo et la SCI La Verdure ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2018 par lequel le maire de Baie-Mahault a délivré un permis de construire à la SCI Lot 19 en vue de la démolition de deux bâtiments existants et de la construction d'un complexe touristique sur les parcelles cadastrées section AM n°78, 79, 130, 179, 206, 207, 363 et 364.

Par un jugement n°1900393 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2022, la SCI Sequoia, la SCI Sico, la SCI ASF Immo et la SCI La Verdure, représentées par Me Ghaye, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 21 octobre 2021 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Baie-Mahault d'une part et de la SCI Lot 19, d'autre part, une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le principe du contradictoire a été méconnu dès lors qu'aucun des mémoires en défense ne comprenait l'intégralité du dossier de demande du permis de construire ni les avis émis par les organismes sollicités ;

- le jugement a omis de répondre au moyen tiré de la violation combinée des articles R. 431-8 et suivants et L. 111-11 du code de l'urbanisme au regard de l'insuffisance du réseau électrique par rapport aux caractéristiques du projet ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs concernant le moyen tiré de l'incompétence matérielle du signataire de l'acte pour délivrer un permis de construire un établissement recevant du public et concernant la réponse du tribunal relative au nombre de places de stationnement ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

- le signataire de l'arrêté attaqué ne disposait pas d'une délégation régulière pour délivrer un permis de construire valant autorisation au titre de l'accessibilité et la sécurité des établissements recevant du public ;

- le dossier de demande ne répond pas aux exigences de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;

- le dossier de demande ne permettait pas d'apprécier l'insertion réelle du projet dans son ensemble en méconnaissance des c et d de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ;

- l'absence de précision du dossier de demande sur la puissance électrique du projet entache d'irrégularité l'avis tacite réputé favorable du syndicat d'électricité de la Guadeloupe ;

- le pétitionnaire a délibérément dissimulé le périmètre du projet dès lors que :

- une partie du projet est située en zone NL qui n'autorise les hôtels ni les commerces et non en zone UXa ;

- le projet intègre la parcelle cadastrée section AM N°206, qui est une mangrove illégalement remblayée, et compte-tenu de la présence immédiate de l'eau abritant une faune et une flore protégées, le permis de construire aurait dû non seulement intégrer des mesures d'évitement, de réduction et de compensation attachées à l'autorisation du 23 janvier 2017, mais encore conduire au dépôt préalable d'une demande de dérogation au titre des espèces protégées sur le fondement de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;

- l'arrêté méconnaît les articles R. 111-2 du code de l'urbanisme et UX3 du règlement du PLU de Baie-Mahault ;

- l'arrêté méconnait les articles UX7 et UX 8 du règlement du PLU de Baie-Mahault ;

- l'arrêté méconnait l'article UX12 du règlement du plan local d'urbanisme de Baie-Mahault ;

- l'arrêté méconnait l'article UX13 du règlement du plan local d'urbanisme de Baie-Mahault.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2023, la SCI Lot 19, représentée par Me Gravé, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge des sociétés requérantes la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive ;

- les sociétés requérantes ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- les moyens soulevés par les sociétés requérantes ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Edwige Michaud,

- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,

- et les observations de Me Radoszycki, représentant la SCI Sequoia, la SCI Sico, la SCI ASF Immo et la SCI La Verdure, et de Me Pillet, représentant la SARL Lot 19.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Lot 19 a déposé le 8 janvier 2018 auprès de la commune de Baie-Mahault (Guadeloupe) une demande de permis de construire en vue de la démolition totale de deux bâtiments existants et l'édification d'un complexe touristique sur les parcelles cadastrées section AM n°78, 79, 130, 179, 206, 207, 363 et 364 d'une superficie de 21 566 m². Par un arrêté du 18 octobre 2018, le maire de Baie-Mahault a accordé à la SCI Lot 19 le permis de construire sollicité. La SCI Séquoia et autres relèvent appel du jugement du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, les requérantes soutiennent que le principe du contradictoire a été méconnu dès lors qu'aucun des mémoires en défense ne comprenait l'intégralité du dossier de demande du permis de construire ni les avis émis par les organismes sollicités. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'ensemble des pièces en possession du tribunal et produites par les parties leur ont été communiquées. Par ailleurs, la réponse du tribunal qui a écarté le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande après avoir constaté l'absence de certaines pièces au dossier en relevant que ces insuffisances n'étaient pas de nature à fausser l'appréciation du service instructeur relève du bien-fondé du jugement et non pas de sa régularité. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, le tribunal a explicitement indiqué au point 6 de son jugement que le dossier de demande de permis de construire déposé le 8 janvier 2018 et complété le 23 mars suivant ne comprenait aucune indication concernant la puissance électrique nécessaire au projet litigieux et a écarté les moyens tirés de la violation combinée des articles R. 431-8 et suivants et L. 111-11 du code de l'urbanisme, respectivement aux points 6 et 11 du jugement. Ainsi, le tribunal n'a pas omis de statuer sur ces moyens, articulés notamment au regard de l'insuffisance du dossier de demande concernant la puissance du réseau électrique du projet par rapport à ses caractéristiques.

4. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier au motif qu'il serait entaché d'une contradiction de motifs concernant le moyen tiré de l'incompétence matérielle du signataire de l'acte pour délivrer un permis de construire un établissement recevant du public et concernant la réponse du tribunal relative au nombre de places de stationnement doit être écarté, dès lors que la contradiction de motifs affecte le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

5. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. " Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite (...) est acquis et pendant toute la durée du chantier. / (...) " Aux termes de l'article A. 424-16 de ce même code : " Le panneau prévu à l'article A. 424-15 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, le nom de l'architecte auteur du projet architectural, la date de délivrance, le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. / Il indique également, en fonction de la nature du projet : a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ; (...) d) Si le projet prévoit des démolitions, la surface du ou des bâtiments à démolir.

6. En imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur les caractéristiques de la construction projetée, dont la hauteur du bâtiment par rapport au sol naturel, les dispositions rappelées au point précédent ont eu pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d'apprécier l'importance et la consistance du projet, le délai de recours ne commençant à courir qu'à la date d'un affichage complet et régulier. L'affichage ne peut être regardé comme complet et régulier si la mention de la hauteur fait défaut ou si elle est affectée d'une erreur substantielle, alors qu'aucune autre indication ne permet aux tiers d'estimer cette hauteur. Pour apprécier si la mention de la hauteur de la construction figurant sur le panneau d'affichage est affectée d'une erreur substantielle, il convient de se référer à la hauteur maximale de la construction par rapport au sol naturel telle qu'elle ressort de la demande de permis de construire.

7. Il ressort des procès-verbaux de constat d'huissier produits par la SCI Lot 19 que le panneau d'affichage du permis de construire litigieux mentionnait la nature des travaux, à savoir la démolition de deux bâtiments et la création d'un établissement recevant du public, indiquait une superficie hors œuvre nette autorisée de 3 822 m², une hauteur des constructions de 13 mètres, une surface des bâtiments à démolir de 150 m² et une superficie du terrain de 21 566 m². Ce panneau d'affichage était accolé à un transformateur électrique situé sur la parcelle cadastrée section AM n°078 qui est l'une des parcelles du terrain d'assiette du projet. Si les requérantes soutiennent que ce panneau d'affichage n'était pas visible par les piétons, il ressort au contraire des pièces produites au dossier que le panneau était parfaitement visible, depuis la voie publique, par les automobilistes ou les piétons passant devant cette construction pour longer la voie publique qui est dépourvue de trottoirs. Par ailleurs, ce panneau était situé à une hauteur suffisante pour être visible en dépit du stationnement de véhicules. Le panneau comportant des indications sur la nature des travaux réalisés consistant en la démolition de deux bâtiments, la construction d'un établissement recevant du public et en mentionnant la superficie hors œuvre nette autorisée de 3 822 m², ces informations étaient suffisantes pour permettre au public d'apprécier la nature et la consistance du projet, contrairement à ce que soutiennent les appelantes.

8. Il ressort également du plan dénommé " Précision de la hauteur n°PC.03.3 " du 27 décembre 2017 que la hauteur des constructions projetées est comprise entre 12,85 mètres et 13,97 mètres. La hauteur de 12,85 mètres ressort également du plan de toitures n°PC.04.6 du 27 décembre 2017. Si les requérantes se prévalent de la hauteur de 19 mètres qui ressort du plan n°PC 03.2 du 27 décembre 2017, la hauteur prévue par ce plan inclut un décaissement créé sous le terrain naturel afin de créer le rez-de jardin et le parking sous-terrain. Les hauteurs des constructions projetées par rapport au terrain naturel avant décaissement sont donc comprises entre 12,85 mètres et 13,97 mètres. Si le panneau d'affichage n'indique comme hauteur maximale que 13 mètres au lieu de 13,97 mètres, cette erreur de 97 centimètres, qui n'affecte que l'arrière des constructions, ne constitue pas une erreur substantielle eu égard à l'envergure totale du projet. La hauteur de 13 mètres indiquée sur le panneau d'affichage du permis de construire litigieux était donc suffisamment précise pour que les tiers puissent apprécier l'importance et la consistance du projet.

9. Il ressort de ce qui précède que l'affichage comportait les indications permettant d'apprécier de façon suffisamment précise la nature et les caractéristiques du projet, faisant ainsi courir, à l'égard des tiers, le délai de recours contentieux de deux mois prévu par l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme. Les constats d'huissier effectués les 29 novembre 2018 et 15 février 2019 attestent que le permis de construire a été affiché en continu entre ces deux dates. Le délai de recours contentieux a donc commencé à courir à compter du premier jour de cet affichage, soit le 29 novembre 2018. La requête de la SCI Sequoia et autres, enregistrée au tribunal administratif de Guadeloupe le 16 avril 2019, était donc tardive.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Sequoia et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Baie-Mahault et de la SCI Lot 19, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la SCI Sequoia et autres demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SCI Sequoia et autres une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Baie-Mahault et une somme de 1 500 euros à verser à la SCI Lot 19 au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Sequoia et autres est rejetée.

Article 2 : La SCI Sequoia et autres verseront une somme de 1 500 euros à la commune de Baie-Mahault et une somme de 1 500 euros à la SCI Lot 19 au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Sequoia, à la SCI Sico, à la SCI ASF Immo, à la SCI La Verdure, à la SCI Lot 19 et à la commune de Baie-Mahault.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

Edwige MichaudLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00232
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : SCP MORTON & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;22bx00232 ?
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