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03/07/2024 | FRANCE | N°22BX01277

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 03 juillet 2024, 22BX01277


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le syndicat des personnels du SDIS-971 force ouvrière (FO) a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler les délibérations du bureau du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Guadeloupe n° 2020-2312-01, n° 2020-2312-02, n° 2020-2312-03 et n° 2020-2312-04 du 23 décembre 2020.



Par un jugement n° 2100401 du 3 mars 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé ces délibérations.



Proc

édure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 4 mai 2022, le SDIS de la Guadeloupe, représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des personnels du SDIS-971 force ouvrière (FO) a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler les délibérations du bureau du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Guadeloupe n° 2020-2312-01, n° 2020-2312-02, n° 2020-2312-03 et n° 2020-2312-04 du 23 décembre 2020.

Par un jugement n° 2100401 du 3 mars 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé ces délibérations.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2022, le SDIS de la Guadeloupe, représenté par la SCP Zbiri et Texier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 mars 2022 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) de rejeter la demande présentée par le syndicat des personnels du SDIS-971 FO devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge du syndicat des personnels du SDIS-971 FO une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier ; les parties n'ont pas été suffisamment mises à même de connaître le sens des conclusions du rapporteur public, ce dernier n'ayant pas précisé quel moyen justifiait selon lui l'annulation à laquelle il entendait conclure ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté sa fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance ; la publication des délibérations litigieuses dans la note de service du 21 janvier 2021 a été précédée d'un envoi par mail aux organisations syndicales dès le 24 décembre 2020 ; le délai de recours contentieux était ainsi expiré le 28 avril 2021, date d'enregistrement de la demande du syndicat devant le tribunal ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les délibérations en cause ne sont pas entachées d'incompétence ; la délégation du président du conseil d'administration de l'exercice d'une partie de ses fonctions aux membres du bureau du conseil d'administration, quoiqu'antérieure à l'élection des membres de ce bureau, subsistait.

Par une ordonnance du 22 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 22 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy ;

- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le bureau du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Guadeloupe a adopté le 23 décembre 2020 une délibération n° 2020-2312-01 portant approbation du procès-verbal du bureau du conseil d'administration du SDIS du 23 septembre 2020, une délibération n° 2020-2312-02 portant modification du tableau des emplois, une délibération n° 2020-2312-03 relative aux lignes directrices de gestion et une délibération n° 2020-2312-04 relative à la demande de subvention pour l'appel à projet au titre du FSE intitulé " sécurité sanitaire face au covid 19 axe 15 lutte contre l'épidémie de covid-19 et ses effets ". Par un jugement du 3 mars 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a, sur la demande du syndicat des personnels du SDIS-971 force ouvrière (FO), annulé ces quatre délibérations au motif qu'elles étaient entachées d'un vice d'incompétence. Le SDIS de la Guadeloupe relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En vertu de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire.

3. En revanche, s'il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir. La communication de ces informations préalablement à l'audience n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.

4. En l'espèce, les parties ont été mises en mesure de savoir avant l'audience, par l'intermédiaire du système informatique de suivi de l'instruction, que le rapporteur public conclurait à l'annulation des délibérations en litige. Cette mention indiquait de manière suffisamment précise le sens de la solution que le rapporteur public envisageait de proposer à la formation de jugement. Il résulte de ce qui été dit au point 3 que le SDIS de la Guadeloupe n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière, faute pour le rapporteur public de les avoir informées des motifs qui l'ont conduit à proposer l'annulation desdites délibérations.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

5. D'une part, le SDIS de la Guadeloupe soutient, pour la première fois en appel, que le syndicat des personnels du SDIS-971 FO a eu connaissance des délibérations litigieuses dès le 24 décembre 2021, date à laquelle un courriel a été adressé à l'ensemble des organisations syndicales aux fins de leur communiquer les délibérations en cause. Toutefois, ces délibérations présentant un caractère réglementaire, le délai de recours contre celles-ci ne pouvait courir qu'à compter de leur publication.

6. D'autre part, la publication d'une décision administrative dans un recueil autre que le Journal officiel fait courir le délai du recours contentieux à l'égard de tous les tiers si l'obligation de publier cette décision dans ce recueil résulte d'un texte législatif ou réglementaire lui-même publié au Journal officiel de la République française. En l'absence d'une telle obligation, cet effet n'est attaché à la publication que si le recueil peut, eu égard à l'ampleur et aux modalités de sa diffusion, être regardé comme aisément consultable par toutes les personnes susceptibles d'avoir un intérêt leur donnant qualité pour contester la décision.

7. En l'espèce, la note de service du SDIS de la Guadeloupe du 21 janvier 2021 indique que les délibérations du bureau du 23 décembre 2020 figurent au recueil des actes administratifs du SDIS de la Guadeloupe pour la période allant d'octobre à décembre 2020, précise que ce recueil peut être consulté au service juridique et subordonne cette consultation à une demande préalable écrite. Eu égard aux modalités de consultation du recueil, cette publication n'a pas été de nature à faire courir le délai de recours contentieux contre lesdites délibérations.

8. Il résulte de ce qui précède que, ainsi que l'ont considéré les premiers juges, la demande de première instance du syndicat des personnels du SDIS-971 FO, enregistrée devant le tribunal administratif le 28 avril 2021, n'était pas tardive.

En ce qui concerne la légalité des délibérations en litige :

9. Aux termes de l'article L. 1424-24 du code général des collectivités territoriales : " Le service départemental d'incendie et de secours est administré par un conseil d'administration composé de représentants du département, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de secours et de lutte contre l'incendie. " Aux termes de l'article L. 1424-24-1 de ce code : " Le conseil d'administration comprend quinze membres au moins et trente membres au plus. Sa composition est déterminée conformément aux dispositions de l'article L. 1424-6. /Les sièges sont répartis entre, d'une part, le département, et, d'autre part, les communes et établissements publics de coopération intercommunale. Le nombre des sièges attribués au département ne peut être inférieur aux trois cinquièmes du nombre total des sièges, celui des sièges attribués aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale ne peut être inférieur au cinquième du nombre total des sièges ". L'article L.1424-24-3 du même code prévoit que les représentants des établissements publics de coopération intercommunale et des communes sont élus dans les quatre mois suivant le renouvellement général des conseils municipaux. Aux termes de l'article L.1424-27 de ce code : " Le conseil d'administration est présidé par le président du conseil départemental ou l'un des membres du conseil d'administration désigné par le président du conseil départemental après le renouvellement des représentants du département et celui des représentants des communes et des établissements publics de coopération intercommunale./Le bureau du conseil d'administration est composé du président, de trois vice-présidents et, le cas échéant, d'un membre supplémentaire./ Sa composition est fixée par le conseil d'administration lors de la première réunion suivant chaque renouvellement (...) /Le conseil d'administration peut déléguer une partie de ses attributions au bureau, à l'exception des délibérations relatives à l'adoption du budget et du compte administratif en application des dispositions des articles L. 1612-1 à L. 1612-20, ainsi que de celles visées aux articles L. 1424-26 et L. 1424-35 (...) " Aux termes de l'article L. 1424-30 dudit code : " Le président du conseil d'administration est chargé de l'administration du service d'incendie et de secours. A ce titre, il prépare et exécute les délibérations du conseil d'administration. Il passe les marchés au nom de l'établissement, reçoit en son nom les dons, legs et subventions. Il représente l'établissement en justice et en est l'ordonnateur. Il nomme les personnels du service d'incendie et de secours (...) Il peut déléguer, par arrêté, sous sa surveillance et sa responsabilité, l'exercice d'une partie de ses fonctions aux membres du bureau du conseil d'administration. Cette délégation subsiste tant qu'elle n'est pas rapportée ".

10. Par une délibération n° 2015/2905-04 du 29 mai 2015, produite en première instance, le conseil d'administration du SDIS de la Guadeloupe a délégué au bureau une partie de ses attributions. Toutefois, les élections municipales et communautaires des 15 mars et 28 juin 2020 ont entrainé le renouvellement, au sein du conseil d'administration du SDIS, des représentants des communes et EPCI, dont la liste a été fixé par un arrêté du 3 novembre 2020, et le conseil d'administration a, à la suite de son renouvellement, procédé, lors de sa séance du 18 novembre 2020, à l'élection des membres d'un nouveau bureau. Du fait de ce renouvellement, la délégation d'attributions prévue par la délibération du 29 mai 2015 est devenue caduque. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le conseil d'administration aurait, à la suite de son renouvellement, adopté une nouvelle délibération portant délégation d'attributions au bureau nouvellement désigné. Dans ces conditions, à la date du 23 décembre 2020 des délibérations en litige, le bureau du SDIS ne disposait d'aucune délégation aux fins d'exercer, pour partie, les attributions du conseil d'administration.

11. Par ailleurs, le SDIS de la Guadeloupe fait valoir devant la cour que le président du conseil d'administration avait délégué une partie de ses fonctions aux membres du bureau. Toutefois, les délibérations en litige n'ont pas pour objet de mettre en œuvre les attributions, limitativement énumérées à l'article L. 1424-30 du code général des collectivités territoriales, que le président du conseil d'administration tient de cet article et peut, le cas échéant, déléguer à des membres du bureau.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 11 que les délibérations en litige, prises par le bureau du SDIS de la Guadeloupe sans qu'il dispose d'une délégation d'attributions du conseil d'administration, sont entachées d'un vice d'incompétence.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le SDIS de la Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé les délibérations de son bureau du 23 décembre 2020 n° 2020-2312-01, n° 2020-2312-02, n° 2020-2312-03 et n° 2020-2312-04. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête du SDIS de la Guadeloupe est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours de la Guadeloupe et au syndicat des personnels du SDIS-971 force ouvrière.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve-Dupuy

Le président,

Laurent Pouget

La greffière,

Chirine Michallet

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01277
Date de la décision : 03/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CABINET ZRIBI TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-03;22bx01277 ?
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