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25/06/2024 | FRANCE | N°22BX02885

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 25 juin 2024, 22BX02885


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La société White Oak a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 juillet 2020 par laquelle la directrice régionale des finances publiques a rejeté sa demande de transfert des déficits reportables pour un montant de 894 325 euros.

Par un jugement n° 2004418 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de la Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par

une requête enregistrée le 18 novembre 2022, la société Black Oak, venant aux droits de la société White Oak,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société White Oak a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 juillet 2020 par laquelle la directrice régionale des finances publiques a rejeté sa demande de transfert des déficits reportables pour un montant de 894 325 euros.

Par un jugement n° 2004418 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de la Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2022, la société Black Oak, venant aux droits de la société White Oak, représentée par Me Boudriot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2004418 du tribunal administratif de Bordeaux du 22 septembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 29 juillet 2020 par laquelle par laquelle la directrice régionale des finances publiques a rejeté sa demande de transfert des déficits reportables pour un montant de 894 325 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur le motif de refus tiré de la tardivité de la demande d'agrément :

- l'administration l'a induite en erreur quant au délai dans lequel elle devait solliciter l'agrément prévu par les dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts, en lui disant, à tort, que la transmission universelle de patrimoine entre les sociétés concernées devait avoir lieu préalablement à la demande d'agrément ; cette position de l'administration est contraire à la doctrine BOI-SJ-AGR-20-30-10-10 n° 260 qui indique bien que la demande d'agrément doit précéder, dans le cas d'espèce, la transmission de patrimoine ; elle a maintenu la société White Oak dans son erreur en l'incitant à se désister de sa demande d'agrément ; elle n'a informé cette dernière à aucun moment de son erreur et notamment pas lors de sa deuxième demande d'agrément ;

- cette décision constitue une sanction injustifiée qui relève de la responsabilité du service qui a manqué à son devoir d'informer et a demandé à tort à la société concernée de se désister de sa demande ; il convient d'écarter cette sanction qu'implique la forclusion ;

Sur le motif de refus tiré de la nature de l'actif de la société La Médulienne :

- l'administration a retenu à tort, pour refuser la demande d'agrément, que l'actif de la société La Médulienne était majoritairement composé de participations financières sans analyser plus précisément la nature réelle de son activité économique ; il s'agit d'une holding animatrice qui a une activité de production de services non exclue du bénéfice des transferts de déficit reportable du II de l'article 209 du code général des impôts.

Par un mémoire enregistré le 30 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens développés par la requérante ne sont pas fondés ;

- en tout état de cause, l'opération ne répond pas à la condition fixée par le b) du II de l'article 209 du CGI dès lors que l'origine des déficits dont le transfert est sollicité résulte d'un changement significatif de l'activité de la société Le Médulienne.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin,

- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Suite à une opération de dissolution sans liquidation de la société par actions simplifiée (SAS) La Médulienne par réunion de toutes ses parts dans les mains de la société actionnaire unique, la société anonyme (SA) White Oak, cette dernière a sollicité auprès de l'administration un agrément pour permettre le transfert, à son profit, des déficits reportables nés depuis la clôture de l'exercice 2010 et constatés au 31 mars 2019 dans les comptes de la société La Médulienne pour un montant total de 894 325 euros en application des dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts. Par une décision du 29 juillet 2020, la directrice régionale des finances publiques de Nouvelle-Aquitaine et du département de la Gironde a refusé de lui octroyer l'agrément sollicité. Par la présente requête, la société Black Oak, venant aux droits de la société White Oak, relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande d'annulation de cette décision présentée en première instance par la société White Oak.

2. D'une part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " (...) II. - 1. En cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l'article 210 A, les déficits antérieurs, les charges financières nettes non déduites mentionnées au 1 du VIII de l'article 212 bis et la capacité de déduction inemployée mentionnée au 2 du même VIII par la société absorbée ou apporteuse sont transférés, sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs dans les conditions prévues respectivement au troisième alinéa du I du présent article et aux 1 et 2 du VIII de l'article 212 bis.(...). L'agrément est délivré lorsque : a) L'opération est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales ; b) L'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé n'a pas fait l'objet par la société absorbée ou apporteuse, pendant la période au titre de laquelle ces déficits et ces intérêts ont été constatés, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d'activité ; c) L'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés absorbantes ou bénéficiaires des apports pendant un délai minimal de trois ans, sans faire l'objet, pendant cette période, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d'activité ; d) Les déficits et intérêts susceptibles d'être transférés ne proviennent ni de la gestion d'un patrimoine mobilier par des sociétés dont l'actif est principalement composé de participations financières dans d'autres sociétés ou groupements assimilés ni de la gestion d'un patrimoine immobilier. Cette disposition ne s'applique pas aux organismes mentionnés aux articles L. 411-2 et L. 481-1 du code de la construction et de l'habitation. (...) ". Aux termes de l'article 1649 nonies du même code : " I - Nonobstant toute disposition contraire, les agréments auxquels est subordonné l'octroi d'avantages fiscaux prévus par la loi sont délivrés par le ministre chargé du budget. Sauf disposition expresse contraire, toute demande d'agrément auquel est subordonnée l'application d'un régime fiscal particulier doit être déposée préalablement à la réalisation de l'opération qui la motive. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 1844-5 du code civil : " La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. Tout intéressé peut demander cette dissolution si la situation n'a pas été régularisée dans le délai d'un an. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. (...) En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation. Les créanciers peuvent faire opposition à la dissolution dans le délai de trente jours à compter de la publication de celle-ci. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties si la société en offre et si elles sont jugées suffisantes. La transmission du patrimoine n'est réalisée et il n'y a disparition de la personne morale qu'à l'issue du délai d'opposition ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées. ". Il résulte de ces dispositions que dans ce cas de dissolution d'une société, la transmission du patrimoine à l'associé unique et la disparition de la personne morale dissoute n'intervient, en l'absence d'opposition, qu'à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de la publication de la liquidation.

4. Il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté, que la société White Oak, associée unique de la société La Médulienne, a décidé, par une assemblée du 31 décembre 2019, la dissolution de cette société et la transmission universelle du patrimoine de cette dernière à son profit dans les conditions prévues par les dispositions l'article 1844-5 du code civil. Alors qu'il convient, dans ce cadre, de prendre en compte, pour définir la date de réalisation de l'opération de dissolution au sens des dispositions précitées de l'article 1649 nonies, la date de transmission du patrimoine, c'est-à-dire l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de la publication de la dissolution dans un journal d'annonces légales, il ressort des pièces du dossier que la société White Oak a présenté sa demande d'agrément le 28 février 2020, soit postérieurement au délai de 30 jours qui avait expiré le 23 février 2020, la dissolution de la société La Médulienne ayant été annoncée dans un journal d'annonces légales le 23 janvier 2020. Par suite, la demande d'agrément présentée par la société White Oak le 28 février 2020 était tardive.

5. La société requérante soutient que cette tardivité ne peut lui être opposée dès lors que la société White Oak a présenté une première demande d'agrément le 20 février 2019, reçue par l'administration le 4 mars 2019, dont elle s'est désistée le 28 octobre 2019. Elle soutient que ce désistement fait suite à un échange téléphonique avec le service compétent de l'administration qui lui aurait indiqué, à tort, que l'opération de fusion devait avoir lieu préalablement à la demande d'agrément. Elle se prévaut ainsi de ce que l'administration l'a induite en erreur et de ce que le délai de forclusion constitue une sanction injustifiée qui ne peut lui être opposée. Il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment de la demande déposée le 20 février 2019, que l'opération concernée par ladite demande consistait en une transmission universelle de patrimoine entre la société Groupe Nadalié, absorbant la société La Médulienne, dont la réalisation était prévue au plus tard le 30 novembre 2018 avec une date d'effet fiscal au 1er janvier 2018. Le montant des déficits dont le transfert était sollicité, calculé sur l'exercice clos au 31 décembre 2017, s'élevait à 341 287 euros. Dans ces conditions, cette première demande ne concernait pas la même opération que celle finalement actée le 31 décembre 2019. En outre, contrairement à ce que soutient l'appelante, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier et notamment pas du courriel du 25 octobre 2019 et du courrier du 12 novembre 2019 dans lesquels l'administration prend acte du désistement de la société Groupe Nadalie de sa demande d'agrément déposée le 20 février 2019, que le service aurait induit en erreur la société White Oak sur la teneur des dispositions précitées de l'article 1649 nonies du code général des impôts, quand bien même il ne lui a pas explicitement indiqué qu'elle commettait une erreur en affirmant dans son courrier de désistement du 28 octobre 2019, que ce dernier lui permettait d'effectuer les opérations de fusion entre les sociétés concernées. Par suite, l'administration fiscale pouvait légalement, pour le seul motif tiré de ce qu'elle était tardive, décider de rejeter la demande d'agrément présentée par la société White Oak. Il résulte de l'instruction qu'elle aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur ce motif d'irrecevabilité de la demande.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ni la demande de substitution de motifs présentée par l'administration en défense, que la société Black Oak n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision de rejet de sa demande d'agrément du 29 juillet 2020. Par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1 : La requête de la société Black Oak est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Black Oak et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024.

La rapporteure,

Héloïse Pruche-Maurin

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02885


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02885
Date de la décision : 25/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : PIERRE BOUDRIOT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-25;22bx02885 ?
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